Etendue territoriale de la renommée d'une marque de l'Union européenne... Par Sophie Rialland, Etudiante en M2 droit de la propriété intellectuelle.

Etendue territoriale de la renommée d’une marque de l’Union européenne...

Par Sophie Rialland, Etudiante en M2 droit de la propriété intellectuelle.

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Etendue territoriale de la renommée d’une marque de l’Union européenne : à propos de l’arrêt Iron & Smith de la CJUE et du Brexit.

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Dans le langage courant, la renommée signifie « l’opinion favorable d’un large public sur quelqu’un, quelque chose ». En réalité, concernant les marques de l’Union européenne, la Cour de justice a construit une jurisprudence qui ne prend en compte qu’une infime partie d’un public très large, dont l’opinion importera peu. Ce public, néanmoins, ne semble plus pouvoir être celui du Royaume-Uni.

Concernant l’arrêt Iron & Smith de la CJUE (aff. C-125/14, 3 septembre 2015), il convient tout d’abord de constater qu’il retient point par point la jurisprudence précédemment établie par la Cour en matière de marques de l’Union européenne renommées.

Pour bénéficier de cette protection élargie à des produits ou services non similaires, la marque doit ainsi être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services qu’elle couvre. Concernant l’étendue territoriale de la renommée de la marque, il suffit cependant qu’elle soit renommée sur une partie substantielle de l’Etat membre concerné (aff. C-375/97, 14 septembre 1999, General Motors Corporation c/ Yplon).

Dans une affaire Pago (aff. C-301/07, 6 octobre 2009), il est néanmoins très intéressant de relever que la Cour considère la renommée comme devant certes être établie dans une partie substantielle du territoire de protection, mais que ce territoire est celui de l’Union, et non plus d’un seul Etat. Le champ de protection des marques de renommée est alors considérablement élargi, puisque le territoire d’un seul Etat membre dans lequel la marque antérieure est enregistrée, l’Autriche en l’espèce, est à même de constituer une partie substantielle de l’Union. Dès lors, la renommée acquise en Autriche permet de jouir juridiquement d’une renommée dans tous les pays membres.

Poussant l’effet unitaire de la marque de l’Union européenne au sens propre de la limite de ses frontières, l’arrêt Iron & Smith ira lui jusqu’à reconnaître qu’une telle protection peut s’appliquer dans un Etat membre qui n’est pas forcément celui dans lequel la demande d’enregistrement de la marque postérieure, et donc litigieuse, a été déposée. En l’espèce, la société Iron & Smith souhaitait enregistrer en Hongrie une marque figurative « BE IMPULSIVE » pour des produits pharmaceutiques. La société Unilever a contesté cette demande d’enregistrement en y opposant sa marque de l’Union européenne « IMPULSE » enregistrée pour des produits de toilette. L’office de la propriété intellectuelle hongrois a refusé l’enregistrement de la marque nationale, en invoquant que même si la marque d’Unilever n’était pas renommée en Hongrie, celle dont elle faisait preuve au Royaume-Uni constituait bien une renommée sur une partie substantielle de l’Union européenne. La Cour de justice est alors saisie notamment sur le point de savoir si une marque de l’Union européenne jouissant d’une renommée dans un seul Etat membre peut constituer une antériorité susceptible de s’opposer à l’enregistrement d’une marque nationale postérieure dans un autre Etat membre. La difficulté étant bien évidemment l’absence de renommée de la marque de l’Union européenne dans ce dernier.
Sur ce point, la Cour de justice répondra par la positive. En pratique, cela signifie que l’effet unitaire est tellement fort qu’il permet à une marque de l’Union européenne de jouir d’une renommée dans des pays ou cette renommée n’existe pourtant pas.

Si cette solution paraît extrêmement favorable au titulaire d’une telle marque, ca n’est pas pour autant que l’atteinte à la marque sera avérée. Pourtant, elle incite tout de même les entreprises à enregistrer une marque de l’Union européenne. Par le biais d’un unique enregistrement, cette marque est propulsée sur un marché de près de 500 millions de consommateurs, étant protégée dans les 28 Etats membres, dont un seul suffit à établir sa renommée.

Cette solution, sans conteste avantageuse sur le papier, semble être écorchée par un événement tout à fait récent. Le 23 juin dernier, les Britanniques ont choisi de quitter l’Union européenne. Cette décision aura bien sur des répercussions sur la propriété industrielle, et notamment sur le droit des marques. Quel avenir prévoir alors à la marque de l’Union européenne ? Selon Maître SCHAFFNER, il semble inévitable que les entreprises disposant actuellement d’une marque protégée sur l’ensemble du territoire de l’Union perdent leurs droits au Royaume-Uni. Elle préconise que chaque entreprise audite son portefeuille de marques pour peser la pertinence d’une conversion en marque britannique. Cette solution, sans aucun doute chronophage, aurait certainement également de lourdes répercussions financières si aucun accord n’était conclu entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Cependant, il semble plus probable que des accords soient trouvés pour préserver les marques existantes. Mais pour les marques entrant sur le marché, les entreprises devront a priori, en plus de déposer leur marque au niveau de l’Union européenne, le faire également au niveau britannique pour éviter que cette protection ne s’arrête à la frontière anglaise.
Concernant plus particulièrement la marque de l’Union européenne renommée, il y a fort à parier qu’elle pâtira de cette nouvelle. Dans l’arrêt commenté en l’espèce, la renommée de la marque de l’Union européenne « IMPULSE » étant essentiellement établie au Royaume-Uni, la solution aurait été toute autre. Ce pays pourrait-il encore être constitutif d’une « partie substantielle du territoire de l’Union » permettant d’établir la renommée d’une marque ? Il semblerait que non.

Etudiante en Master 2 droit de la propriété intellectuelle à l’Université de Nantes
Rédaction d’un mémoire sur les conditions de protection de la marque de l’Union européenne renommée après l’arrêt Iron & Smith de la CJUE (lien : http://pdf.lu/msHm )
En recherche d’opportunités pour septembre 2016

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