Forfaits en heures et contraintes liées à l’horaire collectif.

Par Laurent Vovard, Avocat.

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Explorer : # forfait en heures # temps de travail # autonomie des salariés # pouvoir de direction de l'employeur

Un arrêt récent de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 2 juillet 2014, publié au bulletin [1], est l’occasion de faire le point sur la mise en œuvre des forfaits en heures au sein de l’entreprise.

-

Bref rappel des principes sur le forfait en heures :

La loi permet, à certaines conditions, de définir contractuellement des modalités de calcul forfaitaire du temps de travail englobant le paiement également forfaitaire d’un certain nombre d’heures supplémentaires. Le régime applicable aux différents forfaits a été remodelé par la loi du 20 août 2008 qui prévoit notamment des conventions de forfait en heures (i) sur la semaine ou le mois ou (ii) sur l’année.

(i) Concernant les conventions de forfait en heures sur la semaine ou le mois, l’article L. 3121-38 du Code du travail précise que « La durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois. »

La mise en place de forfait en heures n’est pas subordonnée à l’existence d’un accord collectif mais doit faire l’objet d’une convention individuelle [2] qui devra notamment déterminer le volume des heures supplémentaires comprises dans le forfait.

La rémunération doit être au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l’entreprise pour le nombre d’heures correspondant au forfait augmenté des majorations pour heures supplémentaires [3].

(ii) Concernant les forfaits en heure sur l’année, l’article L. 3121-42 du code du travail prévoit que :

« Peuvent conclure une convention de forfait en heures sur l’année, dans la limite de la durée annuelle de travail applicable aux conventions individuelles de forfait fixée par l’accord collectif :

1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps. »

Cela concerne dont essentiellement les cadres dits autonomes non intégrés à l’horaire collectif de travail

Le recours au forfait en heures sur l’année doit ainsi être prévu par un accord d’entreprise ou à défaut, l’accord de branche, qui doivent définir certains points (bénéficiaire, durée annuelle à partir de laquelle le forfait est établi, caractéristiques principales des conventions…).

Une convention individuelle de forfait doit être conclue.

La mise en place d’un forfait en heures sur l’année ne dispense pas le salarié de tenir compte des contraintes liées à l’horaire collectif fixé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction [4] :

En l’espèce, un salarié occupait le poste de chef d’équipe fusion sur la base d’un forfait en heures sur l’année de 1 767 heures. Pour faire face à des problèmes de production, il avait été décidé de constituer, au sein de l’atelier, deux équipes afin d’augmenter la plage horaire de travail, le salarié dirigeant une équipe tout en conservant sa responsabilité sur l’autre.

Le salarié a invoqué la liberté horaire pour continuer à se présenter sur son lieu de travail à l’horaire à 8 heures 30 malgré plusieurs lettres de son employeur lui enjoignant de respecter les nouveaux horaires. Il a été licencié pour faute grave.

La Cour d’appel a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que la convention de forfait prévoyait que la durée du travail du salarié ne peut être prédéterminée et que celui-ci bénéficie d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps. La Cour en a ainsi déduit que « le fait de lui imposer de respecter des horaires fixes constitue une modification du contrat de travail supposant l’accord exprès du salarié et que l’employeur ne peut reprocher au salarié de ne pas effectuer un travail qui commence nécessairement à un horaire fixe alors qu’il avait reconnu à l’intéressé l’autonomie dans l’organisation de son emploi du temps ».

Un pourvoi a été interjeté contre cette décision, qui faisait notamment valoir que :

- la convention de forfait annuel en heures n’autorise pas le salarié, sauf disposition contractuelle contraire, à méconnaître les directives de l’employeur fixant temporairement un créneau d’horaire collectif dans l’entreprise pour faire face notamment à une augmentation de commande

- dans l’exercice de son pouvoir de direction, l’employeur peut soumettre au moins temporairement un salarié bénéficiant d’une convention de forfait annuel en heures à un nouveau créneau de travail, à condition que cette mesure soit motivée par l’intérêt de l’entreprise et qu’elle soit justifiée par des circonstances exceptionnelles ;

Cette argumentation est suivie par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui, par arrêt du 2 juillet 2014, et au visa de l’article L. 212-15-3, devenu L. 3121-38 et suivants du code du travail, censure la décision de la Cour d’appel :

« en statuant ainsi, alors qu’une convention individuelle de forfait annuel en heures n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’horaire collectif fixé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction, la cour d’appel a violé le texte susvisé »

Cette solution est bienvenue, la liberté du salarié en forfait heures devant un minimum se concilier avec les impératifs liés à l’organisation de l’entreprise…

Laurent Vovard
Avocat au Barreau de Paris
https://vovard-avocat.com/

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Notes de l'article:

[1n°13-11904

[2art. L. 3121-10

[3art. L 3121-41

[4Cass. Soc. 2 juillet 2014

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