Doit-on rembourser un crédit affecté en cas de travaux défectueux ?

Par Grégory Rouland, Avocat.

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Explorer : # crédit à la consommation # travaux défectueux # responsabilité bancaire

Doit-on rembourser un crédit affecté en cas de travaux défectueux ?
Cette interrogation trouve sa réponse dans un jugement n°21/00278 en date du 30 novembre 2023 du tribunal judiciaire de Caen : un consommateur était débiteur d’un crédit affecté à l’acquisition d’une pompe à chaleur et de panneaux solaires dysfonctionnels sans recours contre le vendeur en faillite.

-

I. Les faits.

En 2017, la société SVH Energie démarche un particulier. Les parties signent un contrat de vente portant sur l’acquisition d’un système d’énergie renouvelable, destiné à permettre à son client de devenir indépendant de son fournisseur d’électricité, le tout pour plus de 36 000€.

Le système comprenait :

  • Une pompe à chaleur air/eau (PACK GSE 16’’) ;
  • Une installation aérovoltaïque (GSE AIR SYTEM) composée de 16 panneaux photovoltaïques en autoconsommation et connectés sur batterie,
  • Un ballon thermodynamique ;
  • Une batterie Enphase.

Cette acquisition s’est effectuée au moyen d’un crédit à la consommation souscrit auprès de la banque FranFinance.

Le tout n’a jamais fonctionné !

En effet :

  • la pompe à chaleur était bruyante, vibrait et ne parvenait pas à atteindre la température demandée ;
  • les panneaux photovoltaïques sont dysfonctionnels ;
  • la charpente avait été découpée par les ouvriers du vendeur, ce qui était une catastrophe ;
  • le tuyau de trop plein du ballon d’eau chaude n’est pas raccordé.

Le procès était donc inévitable ! Car la venderesse ne voulait rien entendre et déposera le bilan en 2021...

Aussi, il restait un recours contre la banque qui avait financé l’installation...

II. Procédure.

En premier lieu, le tribunal de Caen a prononcé la résolution du contrat de vente, faute d’avoir été exécuté en raison de la gravité des désordres sus-énoncés.

En second lieu, le tribunal de Caen a refusé de condamner l’emprunteur à devoir rembourser le crédit, étant donné que la banque a débloqué le crédit 3 jours après la signature du contrat de vente !

De fait, le système vendu n’ayant jamais fonctionné, l’emprunteur a démontré un préjudice en causalité avec la faute de la banque, qui a justifié, pour le tribunal, de l’exonérer de devoir rembourser le crédit.

Mieux encore, l’emprunteur a obtenu le remboursement de l’intégralité des échéances réglées au titre du crédit, soit plus de 22 000€ !

III. Que retenir de cette affaire ?

Il est de jurisprudence constante qu’un emprunteur est exonéré de rembourser un crédit affecté s’il démontre que le prêteur a débloqué fautivement ledit crédit entre les mains du vendeur et que cette faute lui a causé un préjudice [1].

Aussi, le jugement du tribunal de CAEN ne souffre d’aucune critique.

En effet, la banque a commis plusieurs fautes graves dans la délivrance des fonds au profit de SVH Energie, dont une en particulier : elle a payé le vendeur sans s’assurer de l’exécution complète du contrat de vente, puisque FranFinance s’est appuyé sur un ordre de déblocage du crédit daté de 3 jours après la signature du contrat de crédit et le contrat de vente !!!

Or, il est interdit de débloquer un crédit dans les 7 jours de la signature du contrat de vente comme le précise l’article L21-10 du Code de la consommation :

« Le professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement »

C’est une règle élémentaire traduisant d’une grave inattention de la banque au détriment de l’emprunteur.

Aussi, la faute de la banque est incontestable.

Par ailleurs, le préjudice de l’emprunteur était autant indiscutable : les matériels vendus n’ont jamais fonctionné et le vendeur a découpé la charpente du domicile de son client, à tort.

Aussi, l’emprunteur se retrouvait débiteur de matériels dysfonctionnels et d’une prestation effectuée dans l’irrespect des règles de l’art.

Par conséquent, en débloquant le crédit fautivement et hâtivement, l’emprunteur n’a pu empêcher la banque de payer le vendeur et s’est retrouvé confronté à un vendeur qui est resté sourd à tout entendement pour corriger ses fautes... d’ailleurs, il a opté pour le dépôt de bilan (alors qu’il accusait plusieurs dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires...)

Bien entendu, si la banque avait été irréprochable, il existait d’autres fondements pour obtenir de l’emprunteur qu’il soit dispensé de rembourser le crédit.

Grégory Rouland
Docteur en Droit et Avocat
Barreau de Paris
gregory.rouland chez outlook.fr

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Notes de l'article:

[1Civ. 1ère, 15 juin 2022, n°20-22.458.

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