Les réglementations scientifiques et techniques : angle mort des directions juridiques.

Par Nicolas Leca, Avocat.

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Explorer : # réglementations techniques # conformité juridique # compétences transversales # risques organisationnels

Si l’instauration des politiques de compliance a permis d’accroître l’influence des directions juridiques dans l’entreprise, certaines de ces dernières sont confrontées à un phénomène inverse.

En effet, dans le secteur industriel mais pas seulement, le développement de règlementations scientifiques et techniques aux objectifs sanitaires et environnementaux tend à déposséder les juristes de leurs prérogatives.

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C’est ainsi que l’entrée en vigueur de règlementations telles REACH, Cosmétique ou Novel Food met en valeur, au sein de l’entreprise, d’autres profils appartenant aux services R&D, qualité et affaires règlementaires, achats ou commercial.
Ce phénomène s’explique par le caractère éminemment technique de ces règlementations et leur impact sur la chaîne de valeur. Aussi, leur mise en application nécessite la mobilisation de compétences autres que juridiques.

Dans les grands groupes, si le département juridique peut intervenir de façon transversale, en appui des Business Units, il est rare que lui soit confié la conduite du processus de mise en conformité. Ce rôle incombe généralement au personnel ou aux conseils extérieurs dotés de formations scientifiques ou organisationnelles type qualité.
Dans les PME et les ETI, il n’est pas rare qu’aucun juriste, en interne ou en externe, ne soit consulté sur la façon de mettre en place ces règlementations.

Une telle absence de compétences juridiques dans le processus de mise en conformité est source de dommages pour l’entreprise.

En premier lieu, l’absence quasi systématique de prise en compte de la jurisprudence sur les interprétations faites de ces réglementations rend illicites certaines actions engagées en cours de processus.
Même lorsque l’information juridique a été délivrée de façon satisfaisante au début du processus, l’absence de compétences juridiques dans la boucle empêche de procéder à une nouvelle sensibilisation du personnel lorsque survient une mutation des services ou le départ de collaborateurs présents aux origines du processus.

En deuxième lieu, le recours abusif, sans contrôle a posteriori du service juridique, au copier-coller de contrats-types conclus avec les fournisseurs, les clients ou les sous-traitants présente un risque juridique non négligeable.
Au-delà de ces seuls aspects, l’absence du juridique a un fort impact organisationnel. Dans les PME, les ETI ou les grands groupes, la mise à l’écart du juridique empêche d’adopter une politique constante envers les partenaires commerciaux. Par exemple, il n’est par rare qu’un sous-traitant soit confronté à des exigences règlementaires différentes selon qu’il s’adresse au service R&D, au service achats ou au responsable qualité de la sous-traitance du même donneur d’ordre. La transversalité de la fonction juridique fait ici terriblement défaut.

Ainsi, une telle mise à l’écart a autant d’incidences juridiques (en matière de responsabilité contractuelle ou en droit de la concurrence notamment) que commerciales.

En raison de ce constat, et même sans appeler à une conduite exclusive du processus de mise en conformité, une plus grande influence du juridique dans l’entreprise paraît plus que jamais indispensable.

Nicolas Leca
Avocat Docteur en droit
http://nicolas-leca-avocat.fr/

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  • par sylvain MARTIN , Le 24 décembre 2015 à 14:08

    Cher confrère,
    "Ravi" si j’ose dire de voir que je ne suis pas seul à constater le développement du réglementaire en dehors des services juridiques. Toutefois, nous avons encore notre mot à dire car les responsables réglementation sont incapable de répondre à une question si la réponse n’est pas clairement dans l’annexe réglementaire. Le raisonnement juridique est notre plus-value.

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