Marques de couleur : un logo rouge antérieur ne suffit pas à refuser la protection de la semelle rouge Louboutin.

Par Camille Bertin et Vincent Varet, Avocats.

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Explorer : # marques de couleur # semelle rouge louboutin # risque de confusion # comparaison des signes

La fameuse semelle rouge Louboutin peut être enregistrée à titre de marque communautaire pour désigner des chaussures à talon, malgré une marque antérieure " my SHOES" incluant un rouge similaire dans son logo, enregistrée également pour désigner des chaussures. Ainsi en a jugé le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes (TPICE) dans un arrêt en date du 16 juillet 2015 (aff. T-631/14).

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La société ROLAND SE avait enregistré une marque composée d’un rectangle bleu et d’un rectangle rouge dans lesquels s’inscrivent les mots "my SHOES", pour désigner notamment des chaussures. Cette société décida de s’opposer à la demande d’enregistrement de la semelle rouge « Louboutin » consistant en « la couleur rouge Pantone n°18.663TP appliquée à une semelle de chaussure à talon haut », à titre de marque communautaire, pour désigner, évidemment, des chaussures, estimant qu’une telle marque portait atteinte à son droit antérieur.

La chambre de recours de l’OHMI (Office pour l’Harmonisation du Marché Intérieur, qui gère les marques communautaires) ayant rejeté cette opposition, la société ROLAND SE contesta sa décision devant le TPICE.

Pour décider si la marque antérieure "my SHOES" permettait de refuser l’enregistrement à titre de la marque de la couleur rouge appliquée à une semelle, le TPICE procède, comme il en est d’usage, à une comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en présence, pour apprécier s’il existe, ou non, un risque de confusion entre eux.

Sur le plan visuel, le Tribunal rappelle que le consommateur perçoit généralement une marque comme un tout et ne se livre pas nécessairement à un examen des détails. Par suite, l’appréciation de la similarité entre les deux signes ne peut se limiter à comparer uniquement l’un de leurs composants (en l’occurrence, la société ROLAND SE affirmait que la similarité visuelle entre les signes résultait de la couleur rouge présente au sein de chacun d’eux).

Le tribunal rappelle que l’appréciation de l’éventuelle similarité entre les signes nécessite la comparaison de ceux-ci dans leur ensemble, sauf s’ils sont dominés par un ou plusieurs de leurs composants. Il estime que ce n’est pas le cas des signes en présence : la couleur rouge n’est revendiquée par Louboutin qu’en tant qu’appliquée à une semelle de chaussure féminine à talon haut, tandis que la marque "my SHOES" est composée d’éléments d’importance égale : un logo bicolore (bleu / rouge) et les termes "my SHOES".

Par suite, la couleur rouge n’est pas susceptible de dominer l’impression d’ensemble produite par ces signes et l’appréciation de leur similarité éventuelle ne peut se faire sur la seule base de cette couleur.

Partant, le TPICE approuve la chambre de recours de l’OHMI d’avoir comparé les deux signes en conflit dans leur ensemble, et d’avoir conclu à l’absence de similarité visuelle entre eux.

Sur le plan phonétique, le TPICE rappelle que lorsqu’une marque purement figurative se présente sous une forme que le public peut facilement reconnaître, c’est généralement par le mot identifiant cette forme que le public désigne la marque. Par suite, il est probable que le public fasse référence à la marque Louboutin en décrivant la forme dont elle est composée, à savoir la semelle rouge d’une chaussure à talon.

Dans le cas d’une marque composée d’éléments verbaux et figuratifs telle que la marque "my SHOES", c’est en principe par l’emploi des éléments verbaux que le public se réfère à la marque. Dès lors, le public désignera la marque antérieure comme la marque "my SHOES".

Sur la base de ces observations, le TPICE approuve l’OHMI d’avoir jugé qu’il n’existait pas de similarité phonétique entre les signes en cause.

Enfin, le TPICE valide le raisonnement selon lequel les signes ne présentaient pas de similarité sur le plan conceptuel, dès lors que la couleur rouge – à admettre que la comparaison conceptuelle entre les signes puisse se faire sur la seule base de cette couleur, ne véhicule pas de concept particulier qui permettrait au public de faire un rapprochement entre ces signes. En outre, selon le tribunal, le fait que les deux signes en présence renvoient à l’idée d’une chaussure ne permet pas de déduire l’existence d’une ressemblance conceptuelle entre eux.

Le TPICE conclut qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les signes en présence et confirme donc le rejet de l’opposition fondée sur la marque de couleur "my SHOES" à l’encontre de la semelle rouge Louboutin, qui peut être désormais protégée à titre de marque communautaire - sous réserve que d’autres obstacles ne se dressent pas devant elle.

Camille Bertin & Vincent Varet
Avocats au barreau de Paris
Cabinet Vincent VARET

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