Ouvré, ouvrable, calendaire ou franc : êtes-vous à jour ?

Par Christophe J. Dufosset, Juriste.

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Explorer : # délais # droit du travail # licenciement économique

« Tout délai nous est long qui retarde nos [actions]. » Cette maxime ovidienne, quelque peu adaptée, prend tout son sens en matière de computation des délais prévus par le Code du travail.

-

En effet, nombre d’articles mentionnent des délais en jours sans apporter d’autre précision sur le type de jour à prendre en compte :

-  ouvrés : tous les jours effectivement travaillés dans une entreprise considérée ;
-  ouvrables : tous les jours de la semaine, à l’exception du jour de repos hebdomadaire (généralement le dimanche) et les jours fériés habituellement non travaillés dans l’entreprise considérée ;
-  calendaires : tous les jours du calendrier de l’année civile (i.e. y compris les dimanches et jours fériés) ;
-  francs : le décompte s’opère à partir de la fin du jour de référence par durée de 24 heures.

Cette imprécision est source de difficultés pratiques pouvant être à l’origine de contentieux. Tel a été le cas s’agissant de la période d’essai. La chambre sociale de la Cour de cassation a été amenée à préciser les dispositions des arts. L. 1221-19 et L. 1242-10 du Code du travail en 2005 et en 2011 :

« Sauf disposition conventionnelle ou contractuelle contraire, toute période d’essai, qu’elle soit exprimée en jours, en semaines ou en mois, se décompte de manière calendaire. » (Cass. Soc. 28 avril 2011, n° 09-72.165 ; Cass. Soc. 29 juin 2005, n° 02-45.701).

Eu égard à cette jurisprudence, il est regrettable que les articles relatifs à la nouvelle procédure des grands licenciements économiques ne soient guère plus précis que ceux relatifs à l’essai (voir notamment : art. L. 1233-30, II et L. 1233-35 du Code du travail).

A l’accoutumé, lorsque le Code du travail n’apporte d’autre précision, les délais en jours se décomptent de manière calendaire.

Cela étant, s’agissant de la procédure de licenciement économique collectif, l’administration du travail (Instr. DGEFP/DGT n° 2013/13 du 19 juill. 2013, fiche n° 1) a précisé que les délais relatifs à cette procédure sont des délais calendaires s’appliquant dans les conditions prévues par l’art. R. 1231-1 du Code du travail :

« Lorsque les délais prévus par les dispositions légales du présent titre expirent un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, ils sont prorogés jusqu’au premier jour ouvrable suivant. »

En d’autres termes, le décompte s’opère en jours calendaires, c’est-à-dire dimanches et jours fériés inclus, mais si le dernier jour tombe un dimanche ou un jour férié, la fin du délai est reportée au jour ouvrable suivant… Ovide en perdrait son latin !

Partant, la conduite et le suivi des procédures seraient plus sûrs si les dispositions du Code du travail venaient à être précisées pour couper court à toute discussion. En ce sens, les praticiens du droit et tout intéressé par son application pourront se réjouir à la lecture de l’art. 2 du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises qui prévoit d’harmoniser la définition du « jour » en matière sociale. L’échéance est prévue pour le 31 décembre 2014… la veille du « jour de l’an ».

Christophe J. DUFOSSET

Juriste

Cabinet d’expertise-comptable
intervenant auprès des comités d’entreprise

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Discussions en cours :

  • Bonjour,
    Merci pour cet article.
    Il semble que la définition du jour franc, dépend donc du contexte ? Avec les circonstances actuelles (covid 19) l employeur à un délai d un jour franc pour imposer des CP. Si l employeur informe son salarié un samedi à 22h qu’il est en CP le lundi qui suit, il ne respecte donc pas le délai ?
    Merci pour votre éventuelle réponse.

    Cordialement

    • par Diane , Le 2 décembre 2020 à 17:42

      Bonjour,
      Pourriez-vous m’apporter une précision concernant l’Article 6353-5 du Code de travail qui régit la période de rétractation d’une formation professionnelle financée par la Région ? Le stagiaire peut se rétracter dans les 10 jours qui suivent la signature du contrat de formation, est-ce que c’est 10 jours sont ouvrables ou calendriers ? Et, est-ce que le fait de trouver un travail peut constituer une preuve recevable pour mettre fin à la formation ?
      En vous remerciant par avance,
      Cdlt,

  • par Labadie , Le 10 septembre 2017 à 12:28

    Bonjour ma question est la suivante je suis en intérim travaillant à plus 650 km de chez moi je reste bloqué les week-ends je perçois donc des repos appelé calendaire pour chaque journées et nuit bloquées sous forme de forfait la boîte de intérim me demande maintenant des justificatifs comme quoi je suis bien resté bloqué alors que l agence a perçu de mon entreprise ces dit calendaire sous prétexte de demande l urssaf quand est il de cette législation auparavant aucun justificatif n’était demandé et mes collègues dans le même cas non pas à fournir de justificatifs

  • Dernière réponse : 11 mars 2015 à 19:05
    par LEMOGNE , Le 11 mars 2015 à 11:24

    Votre définition de "jours francs" n’est pas claire. Donnez un exemple.
    Peut-on compter les samedis dans les jours francs. Le jour de l’événement (assemblée générale) est-il compté ou non comme jour franc ?
    Le jour de la date d’expédition de la convocation est-il compté comme jour franc ?

    • Madame LEMOGNE,

      Je vous remercie pour l’intérêt que vous avez témoigné à mon article.

      Sa finalité étant de souligner les difficultés pratiques liées à la computation des délais, notamment en droit social, je n’avais nullement pour ambition de fournir une réponse exhaustive à la diversité des situations juridiques pour lesquelles le décompte des jours peut se révéler problématique. En effet, nous pouvons dénombrer quelques 252 occurrences de la seule notion de « jour franc » dans plus d’une dizaine de codes.

      Dès lors, si à la lecture de l’article vous pensiez trouver une réponse pour une problématique juridique précise qui vous intéresse, vous ne pouviez qu’être déçue.

      S’agissant de l’AG à laquelle vous faites référence, je vous invite à relire les stipulations des statuts de la société, ou de l’association, ou du syndic de copropriété, etc., pour laquelle (ou lequel) la question se pose. La fiabilité de ma réponse dépendant étroitement des informations communiquées, et le présent forum étant inapproprié pour une consultation juridique, fût-elle gracieuse, je ne puis vous apporter ici d’autre réponse à votre question.

      Cela étant, sous réserve de ce que prévoient les statuts sus-évoqués quant à la computation du délai de convocation de l’AG, le jour franc est une « durée de 24 heures. [Il est] utilisé pour calculer un délai qui ne court qu’à partir de la fin du jour de référence. Un délai de 7 jours francs, débutant un lundi, s’achève le lundi suivant au soir » (cf. Glossaire du site service-public.fr, définition mise à jour le 22 nov. 2013).

    • [...] En d’autres termes, un jour franc est un jour entier de 0 à 24 heures. Dans l’exemple de la définition citée, le délai débutant le lundi, vous comptez : toute la journée du mardi (de 0 à 24 heures), puis de la même manière, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche, et lundi, soit 7 jours francs.

      Pour prendre un exemple plus concret, la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident du travail ou d’une maladie peut amener la caisse à diligenter une enquête ou une mesure d’instruction. En pareille hypothèse, la caisse doit informer l’assuré (ou ses ayants droit) et son employeur, d’une part, des éléments qu’elle a recueillis pouvant se révéler discutables, et d’autre part, de la possibilité de consulter le dossier. Cette information doit s’opérer dans un délai de 10 jours francs avant la décision de la caisse (art. R. 441-14, al. 3 du Code de la Sécurité sociale). Anticipant indubitablement les difficultés inhérentes à l’interprétation du délai imparti, une circulaire précise les modalités de computation (Circ. DSS/2C n° 2009-267 du 21 août 2009, BO Santé – Protection sociale – Solidarités n° 2009/9 du 15 oct. 2009, p. 257) :

      « Le jour de la notification ne comptant pas, le point de départ de ce délai se situe au lendemain du jour de la notification. Lorsque le délai expire un dimanche ou un jour férié, il est reporté de 24 heures. »

      Voilà qui précise la définition citée ainsi que celle non moins perfectible évoquée en introduction de mon article.

      Cordialement,

      — -

      C.J.D.

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