Plan de sauvegarde de l’emploi : petit plan de vol à l’attention des représentants du personnel.

Par Christophe Dufosset, Juriste.

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Explorer : # plan de sauvegarde de l'emploi (pse) # représentants du personnel # procédure de licenciement collectif # expert-comptable

« Les emmerdes, ça vole en escadrille ». Ce dicton, que l’on doit à M. Jacques CHIRAC, illustre bien la menace qui plane sur la stabilité de l’emploi en France au vu de la presse des dernières semaines :

Goodyear, IBM, HP, Alcatel-Lucent, La Redoute, Natixis, BASF, France Télévision, TNT Express France, Volvo, Electrolux, Nexans, les Abattoirs Gad, GlaxoSmithKline (GSK), Thyssenkrupp Ascenseurs, Ouest-France, FagorBrandt, etc.

Les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou les annonces de tels plans s’enchaînent. Or, le régime juridique du PSE a tout récemment changé. Et, certains représentants du personnel ont très légitimement pu décrocher. Afin de leur éviter le clash, ce petit plan de vol en trois points est destiné à leur donner des pistes de réflexion pour piloter les relations sociales en période de turbulences.

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I - Les textes de référence : attention à ne pas perdre le Nord

Un ANI, une loi, un décret d’application, des instructions administratives ; les sources juridiques du nouveau régime du PSE sont a priori multiples. Aussi est-il important pour les représentants du personnel - notamment le CE, les DS, voire le CCE ou le CHCST - de savoir la valeur de ces fondements pour éviter de parler en l’air.

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi (abrégée « LSE ») s’inspire de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 dont elle n’a pas repris toutes les dispositions. Maintenant, c’est aux dispositions des articles du Code du travail, insérés ou modifiés par la LSE, qu’il faut faire référence.

Certaines de ces dispositions sont entrées en vigueur le 17 juin, c’est-à-dire le lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel ; d’autres, à la date explicitement prévue par la LSE (application des nouveaux textes aux procédures de licenciement collectif engagées à compter du 1er juillet 2013 ; art. 18, XXXIII de la LSE). D’autres encore ont nécessité un décret d’application. Cela a notamment été le cas concernant la procédure de licenciement collectif pour motif économique (Déc. n° 2013-554 du 27 juin 2013).

Ces textes pouvant donner lieu à des difficultés d’interprétation et les DIRECCTE ayant maintenant retrouvé un rôle majeur dans la procédure, des instructions ont été élaborées par l’administration du travail pour informer ses services (Instr. DGEFP n° 2013-10 du 26 juin 2013, BOMT n° 2013/08, 30 août 2013 ; Instr. DGEFP/DGT n° 2013-13 du 19 juill. 2013). Si la portée juridique d’une instruction doit être relativisée par rapport à la LSE qui prévaut, elle n’en demeure pas moins riche d’enseignements sur l’interprétation de cette loi par l’administration du travail.

A l’annonce d’un PSE, les représentants du personnel désireux de s’informer pourront en un premier temps se rapprocher du DIRECCTE compétent et se documenter en lisant les fiches de l’instruction du 19 juillet 2013 (disponible sur demande à l’adresse : informations.pse chez gmail.com).

N.B. Pour prendre connaissance du calendrier des décrets d’application relatifs à la LSE : échéancier de la mise en application de la LSE.

A la lecture de ces textes récents, une attention toute particulière devra être portée à la conduite de la procédure d’information et de consultation.

II - Les principales étapes conseillées de la procédure : une check-list pour bien décoller

La prise en main d’une procédure d’information et de consultation relative à un projet de grand licenciement économique (i .e. projet de licenciement d’au moins 10 salariés sur une même période de 30 jours) est loin d’être simple. Le PSE cristallise bien souvent toutes les craintes et concentre l’attention des institutions représentatives du personnel (IRP). Pourtant, le PSE n’est pas le seul point de vigilance de la procédure dont voici les principales étapes conseillées.

L’engagement de la procédure de licenciement collectif se matérialise par l’envoi des convocations à la première réunion d’information sur le projet de réorganisation (ou de fermeture) et sur le projet de licenciement collectif qui en résulte (art. 18, XXXIII de la LSE). Et c’est à partir de cette réunion d’information sur l’un et l’autre de ces deux projets que se calcule le délai imparti (2, 3 ou 4 mois) au CE (et au CCE dans les entreprises à établissements multiples) pour rendre un avis.

Par rapport à ce point de départ, trois grandes étapes peuvent être distinguées avec chacune leur lot de questions :

- Etape 1 : l’anticipation de la procédure, avant la première réunion sur le double projet, dès la réception des convocations ;
- Etape 2 : la procédure d’information et de consultation, dès la première réunion d’information sur le double projet (souvent appelée " réunion R1 ") et jusqu’à l’échéance de rendu des avis ;
- Etape 3 : les suites de la procédure, après l’échéance de rendu des avis (généralement lors d’une réunion dite " réunion R2 ").

N.B. Les questions relatives à chacune de ces étapes seront détaillées dans un prochain article (cf. fiche auteur).

Avant l’engagement de la procédure d’information et de consultation, la direction de l’entreprise aura longtemps mûrit son projet pour être à même de donner au CE (ou au CCE) les documents d’information, et le projet de PSE. Pour ce faire, elle aura été très probablement aidée de conseils juridiques, comptables, etc. Les membres d’un CE (ou d’un CCE) n’auront eux que 2, 3 ou 4 mois pour rendre un avis, selon l’effectif de salariés susceptibles d’être licenciés (art. L. 1233-30 du Code du travail). C’est une lourde responsabilité, difficile à endosser, surtout lorsqu’ils sont eux-mêmes concernés par le PSE. C’est pourquoi, le droit du travail leur permet de s’entourer de professionnels pour les accompagner dans l’exercice de leur mandat dans un contexte aussi délicat.

III - Les acteurs-clés de la procédure : le DIRECCTE et un expert-comptable comme copilotes

Le législateur a confié un important rôle au DIRECCTE (directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). Il modifie également considérablement les modalités de l’intervention de l’expert-comptable susceptible d’être désigné pour accompagner le CE (ou le CCE), et le cas échéant, les DS appelés à négocier un accord majoritaire sur le PSE.

L’administration du travail retrouve un rôle capital dans la conduite de la procédure de grand licenciement économique comparable à celui qu’elle avait avant juillet 1986. En toute hypothèse (i.e. accord majoritaire seul, accord partiel, ou document unilatéral), le DIRECCTE est amené à contrôler la régularité de la procédure d’information et de consultation. En ce sens, l’instruction du 19 juillet 2013 insiste sur la nécessité d’une implication du DIRECCTE dès les premiers jours de la procédure. C’est pourquoi, il est opportun pour les représentants du personnel de se rapprocher du DIRECCTE le plus tôt possible pour établir un échange constructif car le délai de 15 ou 21 jours pour valider l’accord majoritaire et/ou homologuer le document unilatéral relatif au PSE apparaît relativement court eu égard aux enjeux sociaux et économiques. Et cela est d’autant plus vrai, lorsque le DIRECCTE est amené à étudier le rapport de l’expert-comptable qui aurait été désigné (art. L. 1233-50 du Code du travail).

Ce dernier a vu ses modalités d’intervention considérablement modifiées par la LSE. Il doit observer des délais pour sa demande documentaire et pour la présentation de son rapport. De plus, si les membres du CE (ou du CCE) amenés à le désigner ont fait le nécessaire, et que des négociations ont effectivement été engagées, il sera amené à accompagner les représentants des organisations syndicales représentatives prenant part aux négociations relatives à l’accord majoritaire. Le rôle de l’expert-comptable ne se limite donc pas à l’analyse de la dimension comptable et financière de la situation.

Un projet de licenciement collectif comprend nécessairement des problématiques juridiques souvent complexes, notamment lorsque la société concernée appartient à un groupe (secteur d’activité, sauvegarde de la compétitivité, co-emploi, etc.).

Dans un tel contexte, le rapport de l’expert-comptable peut se révéler très utile comme l’illustre certaines affaires très médiatisées (ex. affaire Vivéo : dans un arrêt audacieux, la Cour d’appel de Paris fait référence au rapport de l’expert-comptable ; Cass. Soc. 3 mai 2012, n° 11-207.41 ; CA Paris, 12 mai 2011). En pareil cas, l’analyse comptable et financière étayée de l’analyse juridique permet aux membres du CE (ou du CCE) de proposer des solutions alternatives au projet de réorganisation, et de les assister tout au long de la procédure d’information et de consultation jusqu’à l’échéance de rendu des avis.

L’expert-comptable ne substitue pas aux représentants du personnel, mais il les accompagne en leur apportant son expertise afin qu’ils soient en capacité d’exercer leur mandat de manière optimale. Son intervention va bien au-delà de ce que prévoient les textes car il les épaule au cours d’une période délicate. Il y a en ce sens une dimension pédagogique et même humaine dans son approche.

Christophe J. DUFOSSET

Juriste

Société d’expertise-comptable
intervenant auprès des comités d’entreprise

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