Comme l’a indiqué Anne Laure Paulet, Secrétaire Générale de l’AFJE, qui animait cette table ronde : « Plusieurs événements démontrent l’importance de la prise de conscience par les dirigeants de la place du droit dans leurs entreprises ». Ainsi, 77% des directions juridiques souhaitent être perçues demain comme partenaire stratégique. Mais concrètement comment faire ? Lors de cette troisième table ronde, directeurs et directrices juridiques ont échangé sur les facteurs clefs de succès pour se positionner au niveau du top management.
Le rattachement est-il une pierre angulaire ?
Jean-David sichel, Directeur Juridique du Groupe TBWA France, est intervenu sur la question centrale du rattachement. Même si les évolutions organisationnelles et notamment le fait que de plus en plus de directions juridiques soient rattachées à une direction juridique monde ou vivent un double rattachement hiérarchique et fonctionnel, pourrait faire relativiser l’importance du rattachement. Toutefois, Il est difficile d’être rattaché à un DAF qui conserve une perception uniquement financière. « Or, le métier de juriste est comme celui de médecin : on ne peut pas dire que l’entorse va se résorber dès le lendemain » explique Catherine Fox, représentante de l’ACCE en France. Le rattachement reste important pour légitimer la place du droit dans l’entreprise et pour être informé des moments vitaux de l’entreprise.
Se positionner : une démarche et des outils.
Charlotte Karila-Vaillant a rappelé que le positionnement stratégique englobe deux aspects :
1. Structurer son approche : connaitre la stratégie, analyser les compétences juridiques, définir le besoin de droit de l’entreprise, comprendre la culture du risque, le niveau de sensibilisation au droit et ce pour chaque direction opérationnelle.
2. Développer ses compétences relationnelles : son écoute active, la capacité à fédérer autour d’un projet, parler le même langage que ses clients internes .
Actuellement les outils les plus utilisés pour se positionner sont : les reportings
(72%), les formations (66%), la mise en place d’un intranet (37%), la formalisation d’un plan annuel stratégique de la direction juridique (25%), la cartographie des risques juridiques (29%%). Toutefois la communication sur la valeur ajoutée reste encore très insuffisante. Ainsi, seules 35,8% des directions juridiques évaluent la valeur ajoutée et la qualité de service de la direction juridique, 15% ont mis en place d’indicateurs de performance (KPI) et 30% une enquête de satisfaction client.
Rendre visible l’invisible...
Alain Curtet, Responsable de la Direction Juridique du Groupe MMA au sein du groupe Covéa a fait part de son parcours d’une direction juridique méconnue à une direction juridique en pleine possession de ses moyens. Pour travailler son positionnement, Alain Curtet a commencé par auditer tout ce qui était fait par sa direction et a pris conscience du déficit d’information : « Il faut communiquer beaucoup, encore et toujours, y compris encore aujourd’hui ... ce qui nous a permis de passer de 7 à plus de 20 personnes ». Les outils de communication sont notamment :
un rapport d’activité annuel : « Tous les ans, nous éditons un rapport annuel de la direction juridique de 70 pages diffusé à plus de 100 exemplaires du Président au top management. » Le rapport analyse ainsi par exemple le nombre de contrats, le type d’actions de conseil, la répartition par activité, les grands dossiers également par domaine d’activité.
l’éducation des clients internes : Pour les dossiers relativement importants, la direction juridique restitue les temps passés pour ceux nécessitant plus de 100 heures d’intervention.
l’implication des juristes dans la communication : un des axes les plus difficiles reste de convaincre les juristes eux-mêmes, mais la démarche est porteuse car elle leur permet de réfléchir en terme de communication sur les succès de l’année.
Sortir de sa fonction.
Catherine Fox a donné plusieurs pistes pour pouvoir se rendre indispensable et faire évoluer son image. Ainsi, par exemple, s’impliquer dans les fusions-acquisitions, tenir la place de secrétaire du conseil d’administration, assurer la fonction de compliance, se proposer pour rejoindre les comités d’audit ... « Certes cela nous donne du travail en plus mais nous démontrons là encore que le juriste n’est pas uniquement un article de code ». D’autres méthodes plus humaines sont intéressantes, comme faire intervenir le Directeur Général lors de l’événement annuel des juristes pour favoriser les rencontres. sortir, c’est aussi sortir de l’entreprise pour développer une démarche réseau et faire part à sa Direction générale des fruits de ses échanges en faisant un peu de « name dropping ». Démontrer les succès, c’est également savoir raconter une histoire et en filigrane, savoir se vendre.
Indicateurs quantitatifs ou qualitatifs ?
« A mon avis : entrer dans le débat de la valeur ajoutée quantifiable c’est un piège » est intervenu un directeur juridique. La peur du tout quantitatif est assez répandue. Les indicateurs de performance dépendent en effet de la culture d’entreprise. Dans une entreprise à forte culture financière les reportings chiffrés auront plus d’impact que dans une entreprise de services plus sensible à la satisfaction client.
En conclusion : Quelles que soient les actions choisies en fonction de la culture marketing de la direction juridique, il est important d’en évaluer les résultats. A vous de choisir les méthodes qui vous conviennent et qui seront parlantes et efficaces pour vos directions.
Prochaine Journée du Management juridique le 24 juin 2014 à Paris.
A cette occasion seront remis les Prix de l’innovation en management juridique.
Discussion en cours :
Je peux témoigner que les problématiques, les doutes, la légitimité, l’ambition d’être une aide stratégique à la décision et la peur de la quantification sont en tout point les mêmes dans le secteur public, pour les responsables et directeurs juridiques des administrations (notamment décentralisées).