Aux côtés des modes de rupture du contrat de travail à durée indéterminée expressément prévus par la loi, que sont le licenciement, la démission et la rupture conventionnelle, la jurisprudence a admis la possibilité pour le salarié de prendre acte de la rupture du contrat de travail en raison de manquements de l’employeur à ses obligations.
La prise d’acte produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (voire, dans certains cas, d’un licenciement nul) si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission [1].
Jusqu’à récemment, lorsque le conseil de prud’hommes était saisi de la légitimité d’une prise d’acte de la rupture, les parties étaient, comme c’est la règle devant cette juridiction, obligatoirement convoquées à une tentative de conciliation préalable [2].
Compte tenu des délais devant les juridictions prud’homales, le salarié devait fréquemment attendre plus d’un an pour voir sa prise d’acte jugée. Dans l’intervalle, il était le plus souvent dans l’impossibilité de faire valoir ses droits à indemnisation du chômage.
La loi n° 2014-743 du 1er juillet 2014, « relative à la procédure applicable devant le conseil de prud’hommes dans le cadre d’une prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié », introduit un nouvel article L. 1451-1 dans le Code du travail qui dispose que :
« Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »
Cette loi répond à un contentieux qui nécessite un dénouement rapide et est donc la bienvenue. D’autant qu’en matière de prise d’acte de la rupture, la phase de conciliation est le plus souvent inutile, dans la mesure où il est peu probable que les parties reviennent sur leurs positions respectives.
Cependant, au vu de l’engorgement des conseils de prud’hommes, il est permis de s’interroger sur leur capacité à juger ces affaires dans le délai imparti.
La loi nouvelle concerne les demandes de « qualification de la rupture du contrat de travail à l’initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur ». La formulation vise au premier chef la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié. On peut se demander si elle n’est pas également susceptible d’englober les demandes tendant à la requalification d’une démission. Selon la jurisprudence, le fait que le salarié ait donné sa démission, même sans réserves, ne lui interdit pas de la remettre en cause par la suite en raison de faits ou manquements imputables à son employeur. Le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture qui produit les effets d’un licenciement si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission [3].
Cette interprétation serait conforme à l’esprit du texte, car les salariés qui demandent la requalification de leur démission sont confrontés à la même problématique que ceux qui ont formellement pris acte de la rupture de leur contrat de travail.
En revanche, la loi nouvelle ne paraît pas pouvoir s’appliquer en cas de demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Dans ce cas, le contrat n’est pas rompu à l’initiative du salarié ; il le sera éventuellement par la décision du juge.
La loi du 1er juillet 2014 ne précise pas les modalités de son entrée en vigueur. Il convient dès lors de faire application des règles de droit commun. La loi nouvelle a été publiée au Journal officiel du 2 juillet 2014, elle est donc entrée en vigueur le lendemain, soit le 3 juillet. S’agissant d’une loi de procédure, elle est immédiatement applicable aux instances judiciaires en cours à cette date [4]. Mais les actes de procédure régulièrement accomplis sous l’empire de la loi ancienne demeurent valables [5].
Par application de ces règles, il faut en conclure, à notre avis, que les affaires qui ont déjà donné lieu à la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation avant le 3 juillet 2014 devront suivre la phase de conciliation. Les autres affaires, même si la demande a été introduite avant 3 juillet, devront être directement portées devant le bureau de jugement.