PV de conciliation en référés = pas de renonciation à toute instance au titre de la rupture du contrat de travail.

Par Frédéric Chhum, Avocat et Elise de Langlard, Juriste.

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Explorer : # conciliation # rupture du contrat de travail # droit du travail # procédure prud'homale

Aux termes de l’article 2048 du Code civil, les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y donne lieu.

Selon l’article R1454 -11 du Code du travail, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense.

Doit en conséquence être cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier qui déclare irrecevables les demandes de la salariée en paiement de dommages-intérêts au titre de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux motifs que la mention dans le procès-verbal de conciliation du versement de dommages-intérêts démontrait que cet accord n’avait pas pour seul objet le règlement des salaires mais l’indemnisation du préjudice subi par la salariée du fait du retard dans le paiement du salaire et de celui né de la rupture, alors que l’acte de saisine de la formation de référés du conseil de prud’hommes ne visait qu’à obtenir le règlement des salaires impayés et la production des documents de fin de contrat et qu’il ne ressortait pas du procès-verbal de conciliation qu’en acceptant une somme « à titre d’indemnité globale, forfaitaire, transactionnelle et de dommages-intérêts pour mettre fin au litige », la salariée avait renoncé de façon irrévocable à toute instance ou action née ou à naître au titre de la rupture du contrat de travail.

C’est ce que rappelle la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 5 février 2025 (n° 23-15.205) publié au Bulletin.

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I. Les faits.

La salariée dans cette affaire avait été embauchée en tant que commerciale par la société ASB Com à compter du 2 novembre 2017.

Toutefois, le 16 avril 2018, elle décide de rompre son contrat de professionnalisation pour faute grave de l’employeur. Constatant des manquements, elle saisit la juridiction prud’homale en référé le 5 juin 2018 afin d’obtenir le paiement des salaires impayés ainsi que la remise des documents de fin de contrat.

Lors de l’audience du 12 juillet 2018, les parties ont signé un procès-verbal de « conciliation totale » devant la formation des référés d’un conseil de prud’hommes.

Cependant, quelques mois plus tard, le 29 novembre 2018, considérant que cet accord ne couvrait pas les préjudices liés à la rupture de son contrat de travail, la salariée engage une nouvelle action en justice pour réclamer des dommages-intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail.

La Cour d’appel de Montpellier, dans un arrêt du 25 janvier 2023, a déclaré les demandes de la salariée irrecevables, estimant que le procès-verbal de conciliation avait réglé l’ensemble des différends entre les parties.

La salariée s’est pourvue en cassation.

II. Les moyens des parties.

La salariée faisait grief à l’arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes.

Elle arguait que la saisine de la formation des référés du conseil de prud’hommes de Montpellier ne visait qu’à obtenir le règlement des salaires impayés, et donc que la cour d’appel a violé l’article R1455-11 du Code du travail et les articles 2048 et 2052 du Code civil et 1351, devenu l’article 1355 du Code civil.

III. La solution de la Cour de cassation.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier en rappelant les principes fondamentaux en matière de transaction et de conciliation.

Conformément à l’article 2048 du Code civil, les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y donne lieu.

De plus, selon l’article R1454-11 du Code du travail, l’objet du litige est strictement déterminé par les prétentions respectives des parties, qui s’apprécient à travers l’acte introductif d’instance et les conclusions en défense.

La haute juridiction souligne que le procès-verbal de conciliation ne peut valoir renonciation à toute action future qu’à condition que cela soit clairement et expressément stipulé.

Or, en l’espèce, la saisine initiale de la formation de référé portait uniquement sur les salaires impayés et la remise des documents de fin de contrat.

A cet égard, la demande ultérieure de la salariée concernait un autre aspect du litige, à savoir la rupture du contrat de travail et les préjudices en résultant. Ainsi, en l’absence d’une clause expresse mentionnant que l’accord transactionnel couvrait également les conséquences de la rupture, la salariée conservait son droit d’agir en justice sur cet autre fondement.

En conséquence, la haute juridiction casse l’arrêt de la Cour d’appel de Montpellier, qui avait assimilé le PV de conciliation à une renonciation générale à toute action future, et l’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Nîmes.

IV. Analyse et portée de l’arrêt.

Cette décision marque une application rigoureuse des principes encadrant la transaction et la portée du procès-verbal de conciliation en matière prud’homale.

La Cour de cassation rappelle que la portée d’une transaction ne saurait être étendue au-delà des limites clairement définies par les parties. Autrement dit, une clause de renonciation générale à tout recours ne peut être présumée : elle doit être explicitement stipulée et interprétée de manière restrictive.

Ainsi, les procès-verbaux de conciliation en matière prud’homale ne sauraient être interprétés comme une renonciation générale et absolue aux actions futures, sauf mention expresse en ce sens.

Cet arrêt incite donc à la prudence dans la rédaction des accords transactionnels afin d’éviter toute ambiguïté sur la portée de l’accord conclu.

Pour éviter toute contestation ultérieure, les employeurs souhaitant sécuriser un accord doivent veiller à ce que celui-ci mentionne expressément les droits auxquels le salarié renonce, en précisant qu’il couvre l’ensemble des prétentions susceptibles de naître de la rupture du contrat de travail.

À l’inverse, cette décision protège les salariés en évitant qu’un employeur ne puisse imposer une transaction définitive au salarié sur des éléments non expressément couverts par l’accord initial.

Elle protège ainsi le droit de ces derniers à agir pour obtenir réparation de préjudices qui n’auraient pas été envisagés lors de la première conciliation.

En définitive, un PV de conciliation ne peut être une fin de non-recevoir absolue que si cela résulte d’une volonté claire et incontestable des parties.

Enfin, pour rappel, l’article L1235-1 du Code du travail dispose que

« En cas de litige, lors de la conciliation prévue à l’article L1411-1, l’employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d’orientation proposer d’y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l’employeur au salarié d’une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l’ancienneté du salarié ».

Par un décret n° 2016-1582 du 23 novembre 2016, le barème de conciliation a été modifié afin, d’une part, d’être plus attractif pour les salariés et, d’autre part, d’être plus cohérent vis-à-vis du barème (à cette date, facultatif) en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce barème de conciliation est intéressant fiscalement pour les salariés, notamment les cadres dirigeants avec un salaire élevé et une grande ancienneté puisqu’il permet de s’affranchir de la limite d’exonération fiscale de 6 PASS (282 600 euros).

Sources.

Cass. soc., 5 février 2025, n° 23-15.205
PV de conciliation : le BCO est compétent pour concilier sur l’exécution du contrat de travail
Prud’hommes : les avantages à concilier par le barème de conciliation.

Frédéric Chhum, Avocat et ancien membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
et Elise de Langlard, Juriste

Chhum Avocats (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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