Quelques remarques sur l'application de la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative au droit des malades en fin de vie, issues du rapport Léonetti de 2008, par Marc Lecacheux, Avocat

Quelques remarques sur l’application de la loi n°2005-370 du 22 avril 2005 relative au droit des malades en fin de vie, issues du rapport Léonetti de 2008, par Marc Lecacheux, Avocat

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Explorer : # fin de vie # loi léonetti # soins palliatifs # dignité

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A la différence des membres du règne animal, l’être humain à la conscience de sa propre mort, de sa propre finitude ; La hantise de mourir est en quelque sorte un sentiment naturel chez tout homme, pour paraphraser Michel de MONTAIGNE : « Le but de notre carrière, c’est la mort : c’est l’objet nécessaire de notre visée » (Les essais I XX).

Dans le cadre de cette certitude, l’homme tente d’envisager les derniers instants de son existence, soit apaisée et calme ou bien atroce et violente voire même perclus de souffrance dans un lit d’hôpital.

Ainsi, le problème de la fin de vie est une interrogation à la fois existentielle et universelle qui ne peut faire l’économie d’une réflexion non seulement philosophique et médicale mais aussi et surtout juridique
En effet, ce questionnement ne peut être réduit à un sentiment passionnel provenant d’une ou plusieurs affaires médiatiques (EX : affaire Chantal Sébire ou Vincent Imbert, christine Malèvre).

Dans cette recherche d’approfondissement intellectuelle et juridique, le législateur a décidé de s’attaquer de front à cette question sociale de la gestion de la fin de vie par le truchement de la loi LEONETTI du 22 avril 2005.

Cette loi reprend les principes adoptés par la loi du 4 mars 2002 dite loi dite « Kouchner » c’est à dire : la recherche systématique du consentement du patient, le recours privilégié à de la personne de confiance, la traçabilité et la transparence des décisions médicales.

Pour résumer, la loi LEONETTI, transpose dans le cadre de la fin de vie, les principales avancées de la loi du 4 mars 2002.

Pour autant, rien ne semble réglé sur cette épineuse question de la fin de vie.

En effet, le rapport LEONETTI de 2008 reste pessimiste sur de nombreux points, ce qui démontre, qu’il ne faut pas être naïf et candide quant à l’application des lois.

En effet, il ne suffit pas de voter un texte législatif pour qu’il soit immédiatement appliqué et applicable ; l’histoire nous apprend que le légicentrisme montre souvent ses limites.

A titre d’exemple, une lecture attentive du rapport montre que cette loi à du mal à être appliqué par les médecins ainsi que par le personnel soignant (1) et qu’elle génère de nouvelles problématiques (2) tout en posant le respect de la dignité de la personne en fin de vie comme un impératif catégorique pour le corps médical (3).

1°) Une règlementation encore mal comprise par le corps médical

En effet, d’après les chiffres donnés, beaucoup de soignants connaissent la loi, mais peu sont capables de définir ses caractéristiques générales.
Cet état d’ignorance généralisé est particulièrement souligné par tous les intervenants auditionnés par la commission.

A titre d’exemple et selon Marie de HENNEZEL, psychologue et psychothérapeute : « La loi est mal connue, donc mal interprétée et mal appliquée ».

En outre, cette méconnaissance totale de la législation sur la fin de vie est aussi présente dans l’opinion publique qui préfère souvent l’émotion à la réflexion.

Pourtant, cette loi que l’on peut qualifier de pionnière en la matière, comporte de nombreux avantages dont celui d’interdire tout acharnement thérapeutique lorsque le ou les actes de soins apparaissent inutiles ou disproportionnés ou n’ayant pour effet que le maintien artificiel de la vie (article L 1110-5 du CSP).

Cette limitation ou abstention de soins ne peut et ne doit intervenir qu’après un avis pris collégialement par le corps médical et après avis de la personne de confiance et ou de la famille.

La décision finale devant figurée dans le dossier médical du patient notamment lorsqu’il s’agit d’employer des doses massives de médicaments dans un but de sédation mais ayant pour effet secondaire d’abréger la vie du patient (L 1110-5 du CSP).

Cette pratique médicale du « double effet » très utilisée par les équipes soignantes, est désormais légalisée par la loi.

Cette disposition a au moins le mérite de mettre fin à l’hypocrisie qui régnait dans le corps médical jusqu’à présent.

Pourtant, force est de constater que l’édifice construit par la loi, censé sécuriser la décision médicale est encore mal comprise par les équipes en places.

De plus, il est à noté, que les avis non médicaux tels que les directives anticipées sont des dispositions totalement méconnues, en dépit de l’édiction du texte règlementaire d’application (Décret 2006-119 du 6 février 2006) et notamment sur le fait qu’il s’agit simplement de souhait formulé par le patient concernant la gestion de sa fin de vie c’est à dire les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement .

Il ne s’agit en aucun cas de prescriptions s’imposant aux soignants conformément à l’article L 1111-11 du Code de la santé publique et R 1111-17 du CSP.

Ce document écrit ne devant pas devenir une contrainte pour le médecin, mais au contraire une source supplémentaire d’information et d’éclairage sur le souhait du patient, surtout lorsqu’il n’est plus à même de consentir aux soins lui-même (EX : coma ou déficiences physiologiques et ou mentales).

De même le rapport met en exergue le fait que l’institution de la personne de confiance comme référent privilégié pour les médecins, lorsque le patient est inconscient et hors d’état d’exprimer sa volonté, est très mal connue.

Enfin, Il s’agit de bien garder à l’esprit que tous ces outils juridiques ne sont que des faisceaux d’indices à la disposition du corps médical pour la prise de décision finale.

Ainsi, il ne s’agit en aucun cas d’instrument de déresponsabilisation des médecins.

A titre d’exemple, l’institution de la personne de confiance dans la législation sanitaire, ne doit pas être considéré comme un substitue de la personne malade voire même un mandataire au sens civil du terme.
En effet, son avis ne lie en aucun cas les médecins.

Cette personne de confiance est seulement sollicitée par les soignants afin de donner un avis éclairant ou des informations supplémentaires sur la personne malade (article L 1111-6 du CSP).

Elle n’est donc pas chargée de consentir à la place du patient, en cas de défaillance du malade car la loi utilise le terme de « consulté ».

Ainsi, un médecin ne doit pas abandonner son patient, si celui-ci refuse toute forme de soins curatifs, il ne doit pas l’abandonner mais au contraire l’accompagner humainement et avec dignité en mettant en place un ou des protocoles de soins palliatifs, en vertu de l’article L 1110-10 du code de la santé publique :

« Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L 1110-10 »

Voilà toute la philosophie de ce texte adressé au monde médical : ne pas démissionner de son rôle de médecin même lorsque son patient arrive au terme de son existence.

On peut d’ailleurs résumer la substance de cette loi que par cet aphorisme : « Agir même quand il n’y a plus rien à faire »

2°) Les problématiques nouvelles soulevées par cette Loi :

Au-delà des personnes en fin de vie, cette loi peut s’adapter à de multiples situations que peuvent rencontrés les équipes soignantes dans leur quotidien.

C’est ainsi que l’on découvre toute la richesse de cette loi qui ne s’applique pas exclusivement aux « vieillards » et aux « moribonds ».

a) L’application de la loi à la réanimation néo natale :

Beaucoup on tendance à oublier que cette loi s’adresse aussi à la médecine néo-natale ; discipline dont les progrès ont été fulgurants, permettant à l’heure actuelle, la réanimation des prématurés (avant 37 semaine de grossesses) voire des très grands prématurés (entre la 24eme et 30 eme semaine de grossesse).

Tout en sachant qu’en contrepartie, beaucoup sont susceptibles de développer des séquelles neurologiques ou pulmonaires.

Une étude publiée en novembre dernier, dans le New England Journal of Medecine, par des chercheurs canadiens dont une professeure de la Faculté de médecine démontre que, depuis 20 ans, le pourcentage d’enfants qui naissent avant la 37ème semaine de grossesse a augmenté de près de 10% au pays, passant de 6,3% à près de 6,8% de toutes les naissances.
Dans ce cadre, la problématique n’est pas tout à fait similaire à celle des patients en fin de vie car dans le cas de la néonatalogie, c’est le souci de la vie futur de l’enfant et du handicap acceptable qui est en jeu.

Ainsi, comme le précise le rapport, la loi d’avril 2005 a transformé le comportement des futurs parents concernant les demandes d’interruption thérapeutiques de grossesses (ITG) ; ceux-ci souhaitant continuer une grossesse quitte à interrompre par les soins en période post-natale.

C’est donc dans ce cadre médical que l’on découvre une des applications de cette loi sur la fin de vie.

b) Le sort des patients en état végétatif chronique :

Pour beaucoup de commentateurs, cette loi n’a pas résolu tous les problèmes en notamment ceux des personnes en état végétatif chronique.tel que le cas Vincent imbert.

En effet, conformément à la lettre de la loi, l’arrêt et la limitation des soins et des traitements, ne peut s’appliqué théoriquement qu’à des patients en état terminale d’une maladie incurable.

Or, pour les médecins auditionnés, beaucoup de ces patients sont stables physiologiquement, ce qui ne les rends pas admissibles aux prescriptions de la loi.

Ainsi, les patients en état végétatif chronique, ne sont pas à proprement parlé des personnes en fin de vie, mais dont la survie dépend de l’acharnement thérapeutique du corps médical et alors même que la vie neurologique et les possibilités d’interaction avec l’environnement sont faibles voire nulles.

C’est pourquoi, la question est de savoir si les prescriptions de la loi s’appliquent effectivement à ce type de patient alors même que le maintient en vie artificiellement peut être considéré comme de l’obstination déraisonnable et de l’acharnement thérapeutique, pratiques pourtant proscrites par les artisans de la loi ?

c) Les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer :

Il est clair que le vieillissement de la population a pour effet d’augmenter la prévalence de cette pathologie neurodégénérative, il n’est donc pas aberrant de penser que l’offre de soins palliative est amené à augmenter dans les prochaines années.

Se pose donc la question de l’offre de soins palliatifs dans les établissements accueillant ce type de population.

On peut d’ailleurs s’interroger sur le fait de savoir si en l’absence de traitement curatif de cette maladie, l’effort des pouvoirs publics ne devrait pas se recentrer sur l’accompagnement palliatif de ces patients ayant perdu toute notion du temps et de l’espace ( Syndrome aphaso-apraxo-agnosique).

3°) Le respect de la dignité des personnes en fin de vie par le corps médical un impératif catégorique :

Il ressort très clairement de cette loi, que ces promoteurs ont voulu mettre en avant la continuité des soins prodigués.

D’ailleurs, il ressort clairement de la loi, que la suspension ou l’arrêt des traitements ne signifie pas l’arrêt des soins, mais au contraire le maintient de la dignité du mourant grâce à la mise en place de soins palliatifs (L 111O-10 du CSP) car le médecin doit assurer la continuité des soins conformément au code de déontologie médical.

On peut ainsi noter que les soins palliatifs sont considérés comme un « continuum logique des soins ».

Ce qui nécessite, bien évidemment, un changement culturel profond au sein du corps médical, comme le souligne certain intervenants, la culture palliative n’a pas encore pénétrée dans le monde médical surtout lorsqu’il s’agit de limiter voire de supprimer la douleur.

Il convient de rappeler que ce n’est que depuis la Loi du 9 juin 1999 que le législateur a imposé un droit d’accès aux soins palliatifs ;

Ainsi comme le précise nombre d’intervenant, il existe une forte disparité et une inégalité d’accès aux soins palliatifs par services et par régions, la culture des soins palliatifs est donc très inégalement appliquée c’est-à-dire concrètement l’apprentissage des bonnes pratiques de fin de vie et l’acceptation de l’échec thérapeutique.

En règle générale, le rapport note une insuffisance non seulement de la formation à la pratique des soins palliatifs mais aussi et surtout une carence certaine dans la formation à l’éthique médicale des futurs médecins.

Il ne doit pas exister de cloison hermétique entre le curatif et le palliatif.

Maître Marc Lecacheux

Avocat au barreau de Paris

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