En l’espèce, un salarié a été embauché par le groupe La Poste en qualité d’opérateur colis à l’agence de Marseille.
Le 6 mars 2008, le salarié a fait l’objet d’une procédure de licenciement par la convocation à l’entretien préalable.
Le 18 mars 2008, le salarié a comparu devant la commission paritaire a été rendu destinataire le 20 mars 2008, en application de l’article 211 du texte de réglementation interne PX 10, d’une demande d’explications sur son attitude.
Par la suite, un licenciement pour faute grave a été notifié au salarié, ce dernier a alors saisi la juridiction prud’homale pour voir requalifier sa rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement d’heures supplémentaires.
La question qui était posée à la Cour consistait à savoir si une mesure interne visant à solliciter une demande d’explications à un salarié sur des faits fautifs constitue ou non une sanction disciplinaire au sens de l’article L.1331-1 du Code du travail ?
La Cour de cassation a cassé la décision rendue par la Cour d’appel d’Aix en Provence en date du 7 décembre 2012 pour sa part que « la procédure de demande d’explications écrites en vigueur au sein de La Poste, avait été mise en œuvre à la suite de faits considérés comme fautifs, que le salarié devait répondre seul et immédiatement aux questions qui lui sont posées, que tout refus de s’exécuter intervenant après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire et pourrait à lui seul justifier une sanction et que le procès-verbal consignant les demandes formulées par l’employeur et les réponses écrites du salarié était conservé dans le dossier individuel de celui-ci, la cour d’appel, qui devait en déduire le caractère disciplinaire de cette mesure, a violé les textes susvisés »
Que faut-il retenir de cette décision ?
1) Une demande d’explication de la part de l’employeur constitue une sanction disciplinaire
D’après la Cour de cassation « (…) le salarié devait répondre seul et immédiatement aux questions qui lui sont posées, que tout refus de s’exécuter intervenant après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire et pourrait à lui seul justifier une sanction et que le procès-verbal consignant les demandes formulées par l’employeur et les réponses écrites du salarié était conservé dans le dossier individuel de celui-ci, la cour d’appel, qui devait en déduire le caractère disciplinaire de cette mesure, a violé les textes susvisés ».
L’article L.1331-1 du Code du travail dispose quant à lui, « constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ».
Or, il s’agissait bien d’après la Cour d’une sanction disciplinaire étant donné que :
Le salarié devait répondre à des griefs de l’employeur
Le défaut de réponse pouvant s’analyser comme une sanction disciplinaire
Le procès-verbal consignant les demandes formulées par l’employeur et les réponses écrites du salarié était conservé dans le dossier individuel de celui-ci
En conséquence, une simple demande d’explication est constitutive d’une sanction disciplinaire.
2) Dès lors que la demande d’explication revêt la qualification de sanction, la règle non bis in idem a vocation à s’appliquer
Selon la règle non bis in idem, l’employeur n’a pas le droit de sanctionner deux fois le même fait fautif sauf lorsque le fait fautif perdure dans le temps, par exemple un salarié qui viendrait systématiquement en retard sur son lieu de travail.
Attention, il n’y a pas double sanction lorsque des fautes de même nature ont été commises plusieurs fois et que l’employeur décide de prendre en compte les fautes précédentes pour sanctionner plus sévèrement la dernière faute.
Seul un fait nouveau peut faire l’objet d’une procédure de licenciement si le salarié a déjà fait l’objet de griefs antérieurs.
En l’espèce, dès lors que l’employeur a recueilli les observations du salarié sur les griefs reprochés, il ne pourra plus l’invoquer contre le salarié dans le cadre d’une éventuelle mesure de licenciement.
La jurisprudence constante en la matière estime qu’une même faute ne peut pas être sanctionnée deux fois. Ainsi, une faute sanctionnée par un avertissement ne peut pas être ensuite sanctionnée par une mise à pied ou un licenciement [1].
En outre, il a déjà été jugé que constitue une sanction disciplinaire la procédure de demande d’explications écrites en vigueur au sein de La Poste mise en œuvre à la suite de faits qualifiés de refus d’obéissance [2].
Cette décision s’inscrit dans la continuité parfaite de la jurisprudence antérieure qui avait estimé que « la sanction disciplinaire est constituée car les demandes formulées par l’employeur et les réponses écrites du salarié sont conservées dans le dossier individuel de celui-ci » [3].
Au final, l’employeur devra être extrêmement prudent sur les demandes d’explications qu’il pourra solliciter du salarié au risque de ne plus pouvoir invoquer ce grief devant une instance prud’homale.
La Cour de cassation a finalement estimé qu’en vertu de la règle non bis in idem, un salarié ne peut être sanctionné deux fois pour le même fait ; que constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; que constitue une telle sanction la demande d’explications écrites mise en œuvre à la suite de faits considérés comme fautifs par l’employeur et donnant lieu à établissement de documents écrits conservés au dossier du salarié ; qu’en jugeant le contraire, la Cour d’appel a violé l’article L. 1331-1 du Code du travail.
En effet, dès lors que cette demande d’explication est qualifiée de sanction disciplinaire, il ne sera plus possible de l’invoquer dans le cadre d’un contentieux prud’homale en vertu de la règle de non cumul des sanctions.