Le licenciement pour faute : notions et illustrations.

Par Camille Vanneau, Avocate.

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Explorer : # licenciement pour faute grave # droit du travail # procédure de licenciement # circonstances atténuantes

Tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, concrète, objective et matériellement vérifiable.
Outre ces caractéristiques, le licenciement pour faute grave doit être justifié par un fait, blâmable, d’une importance telle qu’il rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant sa période de préavis.
En somme, la faute grave nécessite la rupture immédiate, sans préavis ni indemnité, du contrat de travail.
L’appréciation de la faute grave, en droit du travail, se fait au regard non seulement des manquements en cause, mais également du contexte dans lequel ils ont été commis, de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, outre son comportement général au sein de celle-ci.

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Une procédure de licenciement pour faute grave peut être précédée d’une période de mise à pied conservatoire, bien que cette mesure ne soit pas un préalable obligatoire.

En revanche, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un temps restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs.

En effet, la procédure tendant au licenciement pour faute grave doit intervenir dans les deux mois suivant la connaissance, par l’employeur, des manquements du salarié.

À défaut, le licenciement pourra être jugé abusif ou requalifié en licenciement pour faute simple ouvrant droit, pour le salarié, à l’indemnité légale de licenciement, outre l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.
En effet, le juge peut toujours requalifier un licenciement pour faute grave en licenciement pour faute simple si cette stratégie est soulevée par son Conseil [1].

L’appréciation de la faute grave, en droit du travail, se fait au regard non seulement des manquements en cause, mais également du contexte dans lequel ils ont été commis, de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise, outre son comportement général au sein de celle-ci.

À titre d’exemple, ont été retenues comme circonstances atténuantes (i) les difficultés d’ordre personnel d’un salarié [2] ou son état de santé dès lors qu’il ne met pas la sécurité de ses collègues en danger [3].

De même, la faute isolée commise par un salarié ayant une grande ancienneté si elle peut justifier un licenciement pour faute simple, sera rarement considérée comme une faute grave [4].

En revanche (i) le statut de cadre d’un salarié [5] (ii) ainsi que sa grande expérience professionnelle [6] constituent des circonstances aggravantes.

S’agissant du contexte dans lequel la faute a été commise, l’altercation et les injures proférées devant des clients seront plus sévèrement jugées que celles qui n’ont pas été publiques [7].

Encore, le salarié aura droit à une plus grande indulgence s’il a répondu à une provocation ou si son comportement répond à une faute de l’employeur [8].

De la même manière, la modicité d’un vol peut être retenue pour écarter une faute grave [9]- sauf si ce vol a été commis au préjudice d’un client de l’employeur [10].

La faute grave, justifiant la mise en œuvre d’une procédure de licenciement s’apprécie donc au cas par cas, en fonction d’une pluralité de critères, pouvant tenir à la faute elle-même, mais également à l’âge, l’expérience, l’ancienneté, le contexte et le passif disciplinaire du salarié dans l’entreprise.

Illustrations récentes où la faute grave a été retenue :

  • Le harcèlement moral perpétré par un salarié occupant des fonctions managériales justifie son licenciement pour faute grave [11].
  • Le salarié au forfait-jour qui s’abstient de respecter les jours de présence imposés par son contrat de travail, allant et venant sans information préalable de sa hiérarchie et de ses collaborateurs, peut faire l’objet d’un licenciement pour faute grave, une telle attitude portant atteinte excessive au fonctionnement de la clinique vétérinaire recevant du public sur rendez-vous [12].
  • La Cour de cassation considère que justifie un licenciement pour faute grave le salarié qui détruit des documents sensibles appartenant à l’employeur, télécharge un logiciel de violation de mots de passe de messagerie et copie sur son ordinateur les messages intitulés « privés » de son supérieur hiérarchique [13].
  • Le salarié qui adresse des messages à caractère obscène à une salariée d’un partenaire commercial de son employeur peut faire l’objet d’un licenciement pour faute grave, peu important que celui-ci compte 20 ans d’ancienneté sans antécédents disciplinaires [14].
  • Il en va de même d’un animateur de jeu télévisé ayant eu des propos banalisant les violences faites aux femmes [15].

Illustrations récentes où la faute grave n’a pas été retenue :

  • Le salarié qui refuse le transfert de son contrat de travail compte tenu de l’augmentation des frais de transport que celle-ci engendrerait ne commet pas une faute de nature à justifier son licenciement pour faute grave [16].
  • Le salarié ne peut pas faire l’objet d’un licenciement pour faute grave, sur la base d’un relevé de géolocalisation de son véhicule professionnel mettant en exergue des déplacements injustifiés, dès lors que le salarié n’a pas été informé que le système de géolocalisation avait pour objet de contrôler son activité professionnelle et son temps de travail [17].
  • Le salarié qui dissimule ses fonctions de dirigeant d’une société cliente de son employeur ne peut pas faire l’objet d’un licenciement pour faute grave si cette fonction n’a eu aucune incidence sur l’exercice de ses missions salariées [18].
  • Le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant refusé de réaliser certaines missions professionnelles à raison de l’insalubrité des locaux doit être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse [19].

Camille Vanneau, Avocate
Barreau de Paris
https://www.noveos-avocats.fr/

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Notes de l'article:

[1Soc., 16 septembre 2020, n°19-10.583 ; Soc., 22 février 2005, n°03-41.474.

[2Soc., 26 septembre 2018, n°17-17.563.

[3Soc., 12 octobre 2017, n°16-18.836.

[4Soc., 28 mars 2012, n°11-11.981.

[5Soc., 11 avril 2012, n°11-14.476.

[6Soc., 26 juin 2012, n°11-12.884.

[7Soc., 12 juin 2019, n°17-24.589.

[8Soc., 12 décembre 2018, n°17-17.680.

[9Soc., 29 janvier 2008, n°06-43.501.

[10Soc., 28 mars 2012, n°11-11.981.

[11Soc., 28 juin 2023, n°22-12.777.

[12Soc., 2 février 2022, n° 20-15.744.

[13Soc., 13 avril 2022, n° 20-14.926.

[14Soc., 12 juillet 2022, n° 21-14.777.

[15Soc, 20 avril 2022, n° 20-10.852.

[16Soc., 28 juin 2023, n°22-16.504.

[17Soc., 6 septembre 2023, n°22-12.418.

[18Soc., 28 juin 2023, n°22-15.798.

[19Soc., 9 mars 2022, n° 20-22.555.

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