Village de la Justice : Quelles ont été les motivations à la création de l’Association Française des Magistrats pour la Justice Environnementale ?
Jean-Philippe Rivaud : « La mise en oeuvre de cette association est le fruit d’une profonde réflexion personnelle et professionnelle de plusieurs magistrats dont je fais partie.
Comme l’a jugé le Conseil constitutionnel : "La protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle" [1], il nous paraissait essentiel d’oeuvrer à la diffusion de ce droit auprès des citoyens, mais également auprès des magistrats.
De plus, le droit de l’environnement est un droit technique (il trouve ses sources dans environ 500 conventions internationales) et a une incidence non seulement sur notre droit administratif, mais aussi le droit civil, le droit commercial, le droit social, le droit de la santé et le droit pénal, pour ne citer que ces disciplines. Or les magistrats des juridictions civiles et pénales ne bénéficient pas d’une formation initiale suffisante en matière de droit de l’environnement, ce dernier étant "réservé" à celles et ceux suivant un cursus de droit public. Et même si l’ENM fait de grands efforts pour la formation continue, cette dernière n’est malheureusement pas suffisante pour appréhender au plus vite ce droit technique, changeant et pluridisciplinaire.
Il est donc important d’acculturer l’ensemble des magistrats des juridictions civiles et pénales à la Justice environnementale afin d’en faciliter l’application ; de rassembler sur ce domaine du droit le plus grand nombre de collègues de toute la France, en région comme en Outre-mer tout en s’ouvrant à l’international.
Nous avons choisi de donner une devise à l’association, la voici : "Jus Lex Pax Planetae Mater". Cette dernière fait référence, au droit, à la loi, à la paix et à la planète nourricière ».
Quels en sont : son fonctionnement, ses membres, sa particularité ?
« L’AFMJE est une Association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901 [2].
Ce n’est pas une association militante au sens politique de cette expression.
Elle a été constituée selon les principes d’une société savante, par des magistrats (principalement des juges et des procureurs), qui, s’ils sont réunis dans un cadre associatif, donc para-professionnel, n’en sont pas moins tenus à leurs obligations statutaires et donc à la réserve.
Tout en souhaitant constituer un lieu de débats et un creuset d’idées, l’AFMJE se veut comme une « plateforme » d’échanges transversaux, pluridisciplinaires juridiques et scientifiques, de réflexions pragmatiques et de propositions équilibrées.
Actuellement l’association compte 70 adhérents magistrats venant de tout le territoire national (métropole et Outre-mer). Elle ne compte pas de juges administratifs, mais à terme ce serait bien car ces derniers, comme nous l’avons vu plus haut, sont plus au fait du droit de l’environnement et la jurisprudence produite par la juridiction administrative est plus en avance en ce domaine ».
L’AFMJE peut-elle être définie comme un Think-tank ?
Non.
L’association n’a aucune vocation politique ou partisane, elle n’est donc pas un think tank, mais un lieu de partage à visée professionnelle et opérationnelle.
Quelles sont les missions et actions de l’AFMJE ?
« Les missions de l’association sont vastes, en voici listées les principales :
- Assurer la diffusion et la promotion du droit de l’environnement auprès des magistrats, en France et à l’étranger ;
- Mettre à la disposition des magistrats des outils destinés à leur pratique quotidienne ;
- Approfondir les connaissances des membres de l’association :
- en droit international, droit européen, droit public, droit privé, droit pénal de l’environnement,
- dans tous les domaines scientifiques liés,
- dans les technologies, les processus industriels, l’économie et la finance écologique ;
- Se livrer à un travail de réflexion, de manière transversale avec d’autres disciplines, également dans une perspective de droit prospectif ;
- Aller à la rencontre de la société civile, des universitaires, des chercheurs, des scientifiques, des associations, des entrepreneurs, des décideurs publics, afin de débattre et d’imaginer ensemble des solutions juridiques et pratiques destinées à allier l’effectivité du droit de l’environnement, la protection de la nature, de notre cadre de vie et de notre santé, la préservation du droit des générations futures, en équilibre avec le nécessaire développement économique.
- Organiser des colloques, séminaires, stages, webinaires ;
- Œuvrer en faveur de l’application du droit de l’environnement et à cet effet concourir, par des contributions adressées aux décideurs publics, à une meilleure effectivité de ces branches du droit ;
- Constituer une base de données, de documentation et de jurisprudence interne, européenne et internationale ;
- Publier une revue périodique, une lettre d’information type « newsletter », des articles, ouvrages et tribunes ;
- Fournir avis et expertise à la demande des administrations et institutions publiques, sur des sujets d’intérêt général ;
- Tisser des liens et dialoguer avec l’ensemble des juridictions et professionnels du droit du territoire ».
Quel regard les Magistrats portent-ils sur ce type d’initiative ?
« La création de l’association ne semble pas perçue de manière négative.
Si les plus jeunes collègues sont plus ouverts sur les thématiques abordées, l’AFMJE suscite un certain intérêt, puisque, adossée à un GoogleGroup de discussion réunissant plus de 360 magistrats, elle compte à ce jour 70 adhérents.
Nombre de collègues demeurent toutefois en position d’observateurs, ce qui se comprend, souhaitant, avant d’adhérer, savoir quelles seront les orientations de l’association.
C’est aussi le cas de nos hiérarchies et de l’administration centrale de la Justice.
Si l’ouverture de notre compte LinkedIn a contribué à structurer l’image de l’AFMJE, la mise en ligne de son site Internet, prévue pour le mois de novembre 2023, lui donnera une autre dimension.
Notre participation a plusieurs colloques, passés et à venir, à visée très académique, donc très juridique, confortera notre positionnement.
À titre d’exemple notre colloque inaugural, le 9 décembre 2023, sur « Le climat : la Justice pour quoi faire ? », lequel a réuni de hauts magistrats, chercheurs et professeurs d’université de renom. Ce colloque était ouvert à tous les publics, juristes ou pas, étudiants, familles, générations futures ».
Contacts de l’AFMJE :
- Courriel : association-afmje chez laposte.net
- Compte LinkedIn ;
- et bientôt un site internet [3].