L'amélioration des droits des actionnaires minoritaires des sociétés cotées, par Stéphane Michel, Avocat

L’amélioration des droits des actionnaires minoritaires des sociétés cotées, par Stéphane Michel, Avocat

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Explorer : # droits des actionnaires # assemblée générale # vote par procuration # information des actionnaires

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On se rappellera que le décret n° 2010-684 du 23 juin 2010 dont la finalité était d’améliorer l’exercice des droits des actionnaires de sociétés cotées votant par voie électronique s’applique désormais aux assemblées générales tenues à compter du 1er octobre 2010 (article 9 du décret n° 2010-684).

Après avoir rappelé les principales dispositions de ce décret, il conviendra de se pencher sur les prochains débats sur le formidable « fourre-tout » législatif que constitue la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, adoptée par l’Assemblée Nationale en première lecture le 2 décembre 2009 et arrivant en première lecture au Sénat les 19 et 20 octobre prochains.

En effet, en l’état actuel de cette proposition de loi adoptée par l’Assemblée Nationale le 2 décembre dernier, son article 151 habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2007/36/CE du 11 juillet 2007 concernant l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées, et dont le délai de transposition dans la législation nationale était fixé au 3 août 2009…

Pour mémoire, cette directive tend à renforcer l’information des actionnaires de sociétés cotées et à faciliter leur participation aux assemblées générales ainsi que l’exercice de leurs droits, en particulier de leur droit de vote. Elle prévoit notamment à cette fin un élargissement des modalités du vote par procuration, en permettant à l’actionnaire de désigner comme mandataire toute personne de son choix.

1. Les nouvelles dispositions du décret du 23 juin 2010, applicables à compter du 1er octobre 2010

a. Obligation de disposer d’un site internet

Les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé sont désormais tenues de disposer d’un site internet afin de satisfaire à leurs obligations d’information de leurs actionnaires (article R. 210-20 du Code de commerce).

(i) Contenu des « publications » préalables à l’assemblée générale sur le site internet

Pendant une période ininterrompue commençant au plus tard le vingt et unième jour précédant l’assemblée, ces sociétés auront l’obligation, en application de l’article R. 225-73-1 du Code de commerce, de publier sur ce site internet les informations et documents suivants :

-  l’avis de réunion,

-  le nombre total de droits de vote existant et le nombre d’actions composant le capital de la société à la date de publication de cet avis, en précisant, le cas échéant, le nombre d’actions et de droits de vote existant à cette date pour chaque catégorie d’actions,

-  les documents que les actionnaires ont le droit de consulter avant l’assemblée,

-  le texte des projets de résolution qui seront présentés à l’assemblée par le conseil d’administration ou le directoire,

-  les formulaires de vote par correspondance et de vote par procuration ou le document unique de vote par procuration et de vote à distance, la société pouvant toutefois se dispenser de publier ces formulaires si elle les adresse à tous ses actionnaires.

Cette durée est ramenée au plus tard le quinzième jour en période d’offre publique d’acquisition.

La société devra également publier sans délai sur son site le texte des projets de résolution présentés par des actionnaires.

Le décret reste cependant sur les éventuels projets de résolution déposés par le comité d’entreprise ; par prudence, il convient sans doute de les publier également.

(ii) Publication du résultat du vote à l’assemblée générale sur le site internet

En application de l’article R. 225-106-1 du Code de commerce, les sociétés cotées devront, dans les quinze jours suivant l’assemblée générale, publier sur le site internet prévu pour la communication des actionnaires, un résultat des votes comprenant au moins les indications suivantes :

-  le nombre d’actionnaires présents ou représentés à l’assemblée,

-  le nombre de voix de ces actionnaires présents ou représentés,

-  pour chaque résolution, le nombre total de voix exprimées en détaillant le nombre d’actions et la proportion du capital social qu’elles représentent, le nombre et le pourcentage de voix favorables à la résolution ainsi que le nombre et le pourcentage de voix défavorables à la résolution, y compris les abstentions.

(iii) Procurations et sites internet

Les sociétés cotées devront permettre aux actionnaires de notifier à la société la désignation et la révocation du mandataire par voie électronique et aménager leur site internet.

b. Modification du contenu de l’avis de réunion

Comme auparavant, les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé (auxquelles sont assimilées les sociétés dont les actions ne revêtent pas toutes la forme nominative) doivent publier un avis de réunion au Bulletin des annonces légales obligatoires (« BALO ») dans un délai de trente-cinq jours au moins avant la réunion de l’assemblée, ce délai étant réduit à 15 jours, en période d’offre publique d’acquisition.

Le contenu de cet avis doit, en application de l’article R. 225-73 I, désormais être complété par les informations suivantes :

-  les mentions à insérer dans l’avis de convocation,

-  une description précise des procédures que les actionnaires devront suivre pour participer et voter à l’assemblée et des modalités selon lesquelles ils pourront requérir l’inscription de projets de résolutions à l’ordre du jour ou poser des questions écrites,

-  les lieux et conditions, notamment de délais, dans lesquels peuvent être obtenus et retournés les formulaires de vote par procuration ou par correspondance ou le document unique de vote par procuration et de vote à distance,

-  si les actions de la société sont admises aux négociations sur un marché réglementé, l’adresse du site internet permettant aux actionnaires d’exercer leur droit de communication électronique,

-  le cas échéant, l’adresse du site internet consacré au vote des actionnaires par télécommunication,

-  la date d’enregistrement à laquelle sera établie une photographie de l’actionnariat,

-  le texte des projets de résolution présentés à l’assemblée par le conseil d’administration ou le directoire,

-  le lieu et la date de mise à disposition des documents que les actionnaires ont le droit de consulter avant l’assemblée et le texte des projets de résolution présentés, le cas échéant, par les actionnaires.

c. Mandat de représentation des actionnaires à l’assemblée générale

Le mandat de représentation d’un actionnaire à l’assemblée générale pourra être révoqué dans les mêmes formes que celles requises pour la désignation du mandataire (selon le cas, soit par écrit, soit par voie électronique (article R. 225-79 du Code de commerce).

Cette règle ne s’appliquait pas auparavant en présence de procurations électroniques.

2. La transposition de la directive du 11 juillet 2007 par une future ordonnance

Comme cela été indiqué dans l’introduction, l’article 151 de la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, adoptée par l’Assemblée Nationale habilite le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive 2007/36/CE du 11 juillet 2007 concernant l’exercice de certains droits des actionnaires de sociétés cotées.

Cette directive tend à améliorer l’information des actionnaires de sociétés cotées et à faciliter leur participation aux assemblées générales ainsi que l’exercice de leurs droits, en particulier de leur droit de vote. Elle prévoit notamment à cette fin un élargissement des modalités du vote par procuration, en permettant à l’actionnaire de désigner comme mandataire toute personne de son choix, ce qui est nouveau.

Pour la « petite histoire » parlementaire, l’urgence de la transposition de cette directive avait d’ailleurs conduit à introduire cette habilitation, au Sénat, dans le cadre du projet de loi relatif à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, mais elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel en tant que « cavalier législatif », dans sa décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010.

Le rapport de la Commission des lois du Sénat indique également que cette habilitation figurait également, par l’adoption d’un amendement du Gouvernement, à l’article 12 quater du projet de loi de régulation bancaire et financière, passé en commission des finances du Sénat le 14 septembre 2010 et examiné en séance le 30 septembre, ainsi que dans le dispositif portant transposition de diverses directives du Parlement européen et du Conseil en matière civile et commerciale qu’à l’article 6 du projet de loi, déposé sur le bureau du sénat le 22 septembre 2010.

Il en ressort que cette proposition d’habilitation figure donc curieusement au sein de quatre textes différents en un an.

Pour mettre fin au ridicule de cette situation, et compte tenu du retard de transposition de la France, la Commission des lois du Sénat demande, à cet égard et à juste titre, de ramener le délai d’habilitation de six à trois mois.

Ce préalable posé, appliquée à la loi française, cette directive nécessite a priori les modifications suivantes :

a. Création d’un nouveau régime de vote par procuration

Il convient d’abord de redéfinir en profondeur le régime actuel de vote par procuration.

En effet, l’article 10 de la directive prévoit en effet que chaque actionnaire a le droit de désigner comme mandataire toute autre personne physique ou morale pour participer à l’assemblée générale et y voter en son nom et que le mandataire bénéficiera des mêmes droits de prendre la parole et de poser des questions lors de l’assemblée générale que ceux dont bénéficierait l’actionnaire représenté.

Il est expressément prévu par la directive que le nombre d’actionnaires que mandataire peut représenter n’est pas limité. Au cas où un mandataire détient des procurations de plusieurs actionnaires, il pourra exprimer pour un actionnaire donné des votes différents de ceux exprimés pour un autre actionnaire.

Il est précisé que les Etats membres pourront limiter la désignation d’un mandataire à une seule assemblée ou aux assemblées tenues durant une période déterminée.

De la même manière, les États membres pourront limiter le nombre de personnes qu’un actionnaire peut désigner comme mandataire pour une assemblée générale donnée, sauf si l’actionnaire concerné est propriétaire de ses actions sur plusieurs comptes titres, auquel cas, le législateur ne pourra pas limiter le nombre de mandataires (au moins, un mandataire par compte titre).

En-dehors de ces deux dernières limites, les Etats membres ne pourront restreindre l’exercice des droits de l’actionnaire par un mandataire que pour régler des conflits d’intérêts potentiels entre le mandataire et l’actionnaire. A cet effet, la directive est extrêmement claire et vise les trois cas de figure suivants :

(i) Il est possible d’imposer au mandataire de divulguer « certains faits précis qui peuvent être pertinents pour permettre aux actionnaires d’évaluer le risque éventuel que le mandataire puisse poursuivre un intérêt autre que l’intérêt de l’actionnaire » ;

(ii) Il est possible de limiter ou interdire l’exercice des droits des actionnaires par des mandataires ne disposant pas d’instruction de vote spécifique pour chaque résolution ;

(iii) Il est enfin possible de limiter ou interdire le transfert d’une procuration à une autre personne.

La directive donne également quelques exemples de conflits d’intérêts, notamment lorsque le mandataire est un actionnaire qui contrôle la société ou est une autre entité contrôlée par un tel actionnaire, ou bien lorsque le mandataire est un membre de l’organe d’administration, de gestion ou de surveillance de la société ou d’un actionnaire qui la contrôle.

Bien évidemment, le mandataire devra voter conformément aux instructions de vote données par l’actionnaire qui l’a désigné et il est peut être prévu que le mandataire conserve une trace des instructions de vote pendant une période minimale donnée et doive confirmer que les instructions de vote ont été exécutées.

b. Droit pour les actionnaires de demander l’inscription de points à l’ordre du jour de l’assemblée générale, non accompagnés de projets de résolution

La directive consacre le droit pour les actionnaires de demander l’inscription de points à l’ordre du jour de l’assemblée générale, non accompagnés de projets de résolution, en établissant que « les États membres veillent à ce que les actionnaires, agissant individuellement ou collectivement aient le droit d’inscrire des points à l’ordre du jour de l’assemblée générale, à condition que chacun de ces points soit accompagné d’un projet de résolution à adopter lors de l’assemblée générale ou d’une simple justification ».

c. Adaptation du droit de poser des questions en vue de l’assemblée générale

La directive rappelle que chaque actionnaire a le droit de poser des questions concernant des points inscrits à l’ordre du jour d’une assemblée générale et que la société doit répondre aux questions qui lui sont posées par les actionnaires.

Il est prévu que des règles pourront être aménagées pour permettre aux sociétés de s’assurer de l’identification des actionnaires, du bon déroulement des assemblées générales et de leur préparation, ainsi que de la protection de la confidentialité et de leurs intérêts commerciaux.

Enfin, les sociétés pourront être autorisées à fournir une seule réponse globale à plusieurs questions ayant le même contenu, de même qu’il pourra être prévu que la réponse à une question donnée sera réputée avoir été donnée si l’information demandée est disponible sous la forme de questions-réponses sur le site internet de la société : il convient à cet égard de prévoir sur ce point un certain nombre de contentieux à venir, une seule question pouvant être particulièrement protéiforme surtout dans la langue française…

Stéphane Michel, Avocat au Barreau de Paris

stephane.michel chez michel-avocats.com

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