Analyse du Rapport de la Haute Autorité de Santé « Numérique : quelle (r)évolution ? » Par Amélie Beaux, Avocat.

Amélie BEAUX
Docteur en droit
Avocate associée KOS AVOCATS

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Explorer : # numérique en santé # interopérabilité # structuration des données # sécurité des données

La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié le 19 juin 2019 un rapport dans lequel elle établit 29 propositions pour que le numérique « remplisse ses promesses » en matière de santé.
Trois thématiques ont particulièrement attiré notre attention au regard des problématiques que le Cabinet rencontre à travers ses dossiers.

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1/ Mettre le numérique au service de la qualité des soins mais aussi au service des accompagnements.

L’idée est que le numérique puisse apporter un bénéfice double :
- l’amélioration de la qualité des soins et des accompagnements proposés pour les usagers,
- la qualité de vie au travail pour les professionnels.

Ce bénéfice double est d’autant plus attendu que les maladies chroniques et les polypathologies sont de plus en plus nombreuses, rendant l’échange des informations primordial tout au long du parcours de vie du patient.

Pourtant, la HAS constate plusieurs difficultés.

En premier lieu, il convient de structurer les données.
En effet, les données de santé sont nombreuses et variées (informations relatives aux médicaments, résultats cliniques, de biologie, données génétiques…).
Or, elles sont intégrées aux systèmes d’information des structures de soins sous forme de documents (comptes rendus en général), ne permettant ainsi qu’une lecture des données tout au mieux.
En somme, les données recueillies ne sont pas réutilisables et il n’en résulte in fine qu’un simple « cimetière de données  ».
A l’inverse, une structuration réelle et efficace de ces données permettrait une mise en relation entre elles pour en déduire des informations pertinentes (interaction médicamenteuse, tracer une courbe d’évolution d’une donnée de suivi, ou encore détecter une incompatibilité entre un profil génétique et une chimiothérapie).

La HAS conclut : « Cette structuration est donc une exigence essentielle pour des échanges d’informations efficaces et pertinents dans le cadre des parcours. La structuration des données est un enjeu transversal dans le système de santé et d’accompagnement ».

En second lieu, la HAS relève la difficulté liée à la multiplication d’outils numériques qui ne s’articulent pas entre eux, nécessitant dès lors que chaque acteur en maîtrise plusieurs.

Elle parle d’une « offre numérique segmentée et parcellaire ne couvrant pas l’ensemble des besoins de l’ensemble des acteurs ».

Il convient donc de mettre en œuvre l’interopérabilité des systèmes d’information afin que les divers outils puissent « communiquer et se potentialiser les uns les autres et soutenir la transformation du système de santé rendue nécessaire par l’évolution des besoins et des attentes des citoyens ».

La HAS distingue 3 types d’interopérabilité :
- l’interopérabilité technique, qui renvoie à la « capacité pour des technologies différentes à communiquer et à échanger des données basées sur des normes d’interface bien définies et largement adoptées ».
- l’interopérabilité sémantique, qui garantit « que la signification exacte des informations échangées soit compréhensible par n’importe quelle autre application, même si celle-ci n’a pas été conçue initialement dans ce but précis ».
- l’interopérabilité syntaxique, qui concerne « la façon dont sont codées et formatées les données en définissant notamment la nature, le type et le format des messages échangés ».

La HAS qualifie comme étant essentiel l’objectif de « garantir un niveau d’exigence maximal, qui articule ces trois types d’interopérabilité afin de maximiser le potentiel des systèmes d’information au service de l’amélioration de la qualité  ».

En troisième lieu, la HAS souhaite privilégier des cadres sécurisés pour l’échange et le partage d’informations à caractère sensible, notamment par l’accélération de la généralisation des messageries sécurisées de santé et l’inclusion dans ce processus des secteurs social et médico-social (en plus du secteur sanitaire).

En dernier lieu, la HAS insiste sur la nécessité – pour nous absolue- d’inclure le numérique dans la formation (initiale et continue) des professionnels afin qu’ils puissent l’utiliser sereinement dans le cadre de leur exercice professionnel quotidien. La formation doit revêtir plusieurs aspects : technique, mais aussi plus généraliste. Nous pensons par exemple aux aspects juridiques relatifs à la responsabilité, afin que les professionnels disposent des bonnes pratiques et recommandations en vue de recourir à un usage normalisé du numérique.

2/ Création d’une matrice d’évaluation adaptée au numérique

La HAS expose que si les objectifs du marquage CE sont de garantir la performance revendiquée par le fabricant au sein de l’Union Européenne, les objectifs d’une certification sont quant à eux de « cibler des exigences spécifiques à notre système de santé, en contribuant à rendre les prescriptions plus efficientes, en limitant le risque iatrogène et en aidant à la stratégie thérapeutique  ».

3/ Détermination par les pouvoirs publics des principes de bon usage des données sensibles et de l’intelligence artificielle

La HAS encourage une utilisation plus intensive des données de santé qui pourrait « améliorer la compréhension des déterminants de l’état de santé, renforcer le suivi en vie réelle des produits de santé, fluidifier les parcours de soins, améliorer les diagnostics et transformer la relation entre patients et professionnels ».

En outre, l’exploration des données et le croisement des fichiers peuvent aussi aider à personnaliser l’accompagnement des usagers ou, spécialement en matière sociale, à comprendre les déterminants de réussite des parcours d’insertion.
Cependant, elle rappelle que les données de santé ou sociales sont parmi les plus sensibles et qu’il ne peut être envisagé de les faire circuler sans réglementation.
Si cette réglementation existe aujourd’hui, le nouvel enjeu pour le régulateur public est désormais « de renforcer la confiance dans le numérique d’une part, et de mettre en œuvre un encadrement éthique d’autre part ».

En effet, la HAS plaide pour « une utilisation raisonnée du numérique et de l’intelligence artificielle en santé ». Elle pointe particulièrement les risques de ré-identification dans le cadre du traitement et de l’exploitation de bases de données anonymes.
Enfin, elle voudrait par ailleurs rendre le régime de protection des données personnelles plus visible, dont les droits des utilisateurs en matière d’effacement ou de portabilité, puis faciliter les voies de recours.

Le rapport est disponible à l’adresse suivante :
https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2019-07/rapport_analyse_prospective_20191.pdf

Amélie BEAUX
Docteur en droit
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