Extraits.
« Aux termes de l’article L211-2 du Code des relations entre le public et l’administration : "Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 6° Refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir (...)". Il résulte de la combinaison de ces dispositions et de celles de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 citées ci-dessus que le refus d’un congé de longue maladie est au nombre des décisions qui refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir, et qui doivent être motivées.
7. Si l’arrêté litigieux vise les textes dont il fait application, les arrêts de travail dont a bénéficié Mme B et l’avis du comité médical du 27 octobre 2020, lequel était, ainsi que mentionné précédemment, favorable à la demande de congé de longue maladie formulée par l’agent le 2 juin 2020, il ne justifie le refus qu’il oppose implicitement à cette demande, et qui n’est pas de nature conservatoire, que par la mention selon laquelle "l’autorité territoriale ne souhaite pas suivre l’avis du comité médical". Cette indication ne permettant pas de comprendre les motifs de la décision, Mme B est fondée à soutenir que l’arrêté du 2 novembre 2020 méconnait les dispositions de l’article L211-2 du Code des relations entre le public et l’administration. La commune ne saurait sérieusement prétendre qu’elle se trouvait dans une situation d’urgence empêchant la motivation de cette décision. Par ailleurs, le défaut de motivation d’une décision ne constitue pas un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable qui peut, dans certaines mesures, n’être pas de nature à l’entacher d’illégalité. L’arrêté du 2 novembre 2020 doit dès lors, de ce fait, être annulé ».
Observations.
Une commune a été saisie par l’un de ses agents d’une demande tendant à l’octroi d’un congé de longue maladie.
Préalablement à l’édiction d’une telle décision, l’administration doit recueillir l’avis consultatif d’une instance médicale, en l’espèce le comité médical.
En pareille hypothèse, le principe est que : « le pouvoir de décision appartient à la seule autorité administrative dont relève l’agent, éclairée par cet avis » (CAA Paris, 17 déc. 2015, 14PA04761) [1].
Un tel avis ne saurait s’analyser comme une décision ni même une codécision, il s’agit seulement d’un acte préparatoire [2].
Par conséquent, l’administration qui se croit liée à tort par l’avis consultatif d’une instance médicale entache sa décision d’une incompétence négative [3] et, par suite, d’une erreur de droit autrement dit d’un moyen de légalité interne [4]. Il en va ainsi d’une décision mentionnant seulement qu’un directeur a décidé de suivre l’avis d’une commission de réforme interne [5].
Le pendant logique de ce qui précède est que, si les éléments du dossier le justifient, l’administration peut décider de ne pas suivre à un tel avis [6].
Ceci posé, si la motivation est « une exigence de pure forme, indifférente à l’exactitude juridique des motifs allégués » [7], l’exposé de ces derniers doit en revanche nécessairement permettre de comprendre les éléments de fait ou de droit qui justifient la décision retenue.
Au cas présent, nonobstant l’avis favorable émis par le comité médical, la commune a souhaité refuser d’accorder à l’un de ses agents un congé de longue maladie.
Dans le cadre de son arrêté, l’autorité territoriale visait les textes dont ce dernier faisait application, les arrêts de travail dont l’agent avait bénéficié et l’avis du comité médical mais ne justifiait son refus de faire droit à la demande de congé de longue maladie qu’à travers la mention suivante : « l’autorité territoriale ne souhaite pas suivre l’avis du comité médical ». La Cour marseillaise a considéré que cette seule indication ne permettait pas de comprendre les motifs de cette décision. En l’absence de démonstration d’une situation d’urgence [8], la censure de la décision est prononcée.
Peut-on toutefois se contenter de faire état des motifs justifiant le refus de faire droit à la demande présentée par l’agent ou doit-on aller plus loin en motivant d’avantage afin d’expliciter pourquoi on s’écarte de l’avis favorable et donc critiquer ce dernier ?
L’arrêt ici commenté ne se prononce pas expressément sur la question mais la Cour administrative d’appel de Bordeaux avait considéré pour sa part en 2021 qu’une décision portant refus de reconnaitre l’imputabilité au service d’un accident : « ne peut être regardée comme étant dépourvue de motivation du seul fait qu’elle n’indique pas explicitement les raisons qui ont conduit l’administration à ne pas suivre l’avis de la commission de réforme, lequel était favorable à la demande » [9]. Ainsi, eu égard à la circonstance que nous sommes en présence d’un simple avis qui ne la lie pas, l’administration serait libre de s’en écarter sans avoir à s’expliquer sur les raisons de ce positionnement.
Un tel raisonnement pourrait pourtant sembler contre-intuitif dès lors qu’un agent apparaît légitime, dans un souci de transparence administrative, à prétendre être informé des raisons qui conduisent son administration à prendre le contre-pied de l’avis consultatif d’une instance médicale. Ceci, sauf à laisser ce dernier devoir se livrer à un exercice divination.
Une récente décision rendue par le Tribunal administratif de Nantes semble d’ailleurs solliciter une telle exigence : « la commune s’est bornée à indiquer qu’elle avait décidé de ne pas suivre l’avis de la commission de réforme, qui s’était prononcée en faveur de la reconnaissance de l’imputabilité au service de la maladie de la requérante, sans préciser les motifs l’ayant conduite à s’écarter de cet avis. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation » [10]. Un jugement de la même juridiction prononcé deux mois auparavant allait du reste dans le même sens [11] ainsi que celui rendu à la même période par le Tribunal de Lyon [12].
Ceci n’est pas sans rappeler le fait que de façon « quasi-prétorienne » le juge administratif a posé qu’une collectivité qui décide de ne pas suivre l’avis du conseil de discipline en retenant une sanction disciplinaire plus sévère doit préciser dans l’arrêté de sanction les raisons pour lesquelles elle s’écarte dudit avis [13] même si des divergences persistent (cf CAA Lyon, 20 mars 2012, Dpt de l’Ain, n°11LY02275) [14].
Du reste, l’absence de saisine pour avis d’une instance médicale entache d’illégalité la décision administrative prise par l’autorité administrative [15].
Précisons que si l’avis du comité médical n’a à être motivé (CA Toulon, 18 avr. 2024, n°220110) [16], il en va différemment de celui rendu par une commission de réforme (CAA Nantes, 15 déc. 2023, 23NT01405) [17].
Eu égard au caractère erratique de la jurisprudence en la matière, une attitude prudentielle peut donc être utilement préconisée.
Si le Conseil d’Etat vient de préciser l’articulation entre l’exigence de motivation et le respect du secret médical [18], s’agissant des modalités de la motivation un périlleux angle mort ou « impensé » paraît encore subsister.
Ce qui est en revanche avéré c’est qu’eu égard à la circonstance que l’absence (ou l’insuffisance) de motivation est une règle de forme et non une règle de procédure, elle n’entre pas dans le champ d’application de l’arrêt « Danthony » de 2011 [19] : le vice affectant la motivation de l’acte entraîne, lorsqu’elle est requise, l’illégalité de la décision [20].
Aussi, dans le cadre de l’affaire qui nous occupe la cour refuse logiquement de « Danthonyser » en relevant que « le défaut de motivation d’une décision ne constitue pas un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable qui peut, dans certaines mesures, n’être pas de nature à l’entacher d’illégalité ».