L'apport en compte courant d'associés accordé par une collectivité territoriale à une société de production d'énergies renouvelables. Par Maxime Marthelet, Avocat.

L’apport en compte courant d’associés accordé par une collectivité territoriale à une société de production d’énergies renouvelables.

Par Maxime Marthelet, Avocat.

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Ce que vous allez lire ici :

Les collectivités territoriales peuvent investir dans des sociétés d'énergies renouvelables, soumises à des conditions strictes concernant le financement. Elles peuvent octroyer des avances en compte courant, limitées par des règles budgétaires, afin de soutenir des projets, tout en respectant des durées et des montants spécifiques pour ces apports.
Description rédigée par l'IA du Village

Les associés peuvent répondre aux besoins de trésorerie de leur société de production d’énergies renouvelables en effectuant des avances en compte courant d’associé. Cela consiste à prêter des fonds à la société, souvent à des conditions plus avantageuses que les prêts bancaires traditionnels. Ces avances, considérées comme des prêts, doivent être remboursées par la société et peuvent générer des intérêts. Nénmoins, des contraintes spécifiques existent pour les actionnaires publics.

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Depuis la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les collectivités territoriales et leurs groupements sont autorisées à participer au capital d’une société anonyme (SA) ou d’une société par actions simplifiée (SAS), dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables ; sous réserve que les installations de production soient situées sur le territoire, ou sur des territoires limitrophes, de la commune ou du groupement actionnaire [1].

Des dispositions équivalentes existent pour les départements [2] et les régions [3].
Ce nouvel outil à disposition des collectivités territoriales a suscité un réel engouement pour plusieurs (bonnes) raisons tenant au fait que :

  • Il fait écho aux zones d’accélération des énergies renouvelables (ZAER) que la collectivité doit identifier par ailleurs (la collectivité maîtrise ainsi le développement des énergies renouvelables à l’échelle de son territoire) ;
  • En raison des retombées économiques espérées dans une période budgétaire contrainte (redevance d’occupation domaniale, contribution économique territoriale, imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux) ;
  • Il a le mérite de permettre aux citoyens vivant sur le territoire de participer et de financier ce projet local.

Cela étant, il s’avère que le choix de l’outil conduit parfois les futurs actionnaires à éluder la question du financement de la société alors que celle-ci mérite d’être anticipée, notamment, en raison des contraintes légales et réglementaires qui pèsent sur un actionnaire public.

De fait, entre l’immatriculation de la société et la mise en service industrielle de l’installation, il va s’écouler généralement plusieurs années. Ce nombre d’années pouvant varier selon l’énergie renouvelable (électricité, biogaz, etc..) et le mode de production considérés (photovoltaïque, hydroélectricité, éolien, etc.) au cours desquels la société, encore improductive de revenus, va pourtant avoir besoin de financement pour assurer :

  • Sa phase dite de « développement » (études et autorisations administratives) qui s’achève généralement lorsque la société est dite « prête à construire » ;
  • Puis sa phase de « réalisation » (travaux) qui s’achève généralement avec la réception des travaux et le raccordement.

Pour ce faire, les actionnaires peuvent choisir de puiser dans le capital social de la société, c’est-à-dire, la valeur d’origine des éléments mis à la disposition de l’entreprise par les associés, sous forme d’apports en numéraires ou en nature. Néanmoins, le capital social de départ de ce type de société est généralement insuffisant pour faire face aux besoins de trésorerie de l’entreprise durant les deux phases précitées.

De surcroit, il est important de noter que les apports effectués à la société, en cours de vie sociale, peuvent avoir pour effet de diluer, l’un, ou l’autre des actionnaires, donc de remettre en cause les équilibres initiaux.

Une remise en cause qui n’est bien souvent pas souhaitable, dès lors que les actionnaires se sont accordés, en amont, sur le pourcentage de capital social qu’ils étendent détenir et que, très souvent, ce pourcentage a également été fixé dans le but d’éviter une qualification automatique de la société en entreprise publique soumise au code de la commande publique [4].

C’est pourquoi, pour répondre aux besoins de trésorerie, les associés choisiront, le plus souvent, de consentir à leur société une avance en compte courant d’associé qui leur permet de prêter des fonds à leur propre société, généralement à des conditions plus avantageuses que les prêts bancaires classiques [5]. Ces avances sont considérées comme des prêts, que la société doit rembourser et donnent lieu au versement d’intérêts.

À qui la collectivité actionnaire peut-elle valablement consentir une telle avance ?

Ceci posé, avant de déterminer à quelles conditions la collectivité actionnaire peut valablement consentir une telle avance, il faut déjà déterminer à qui elle est en droit de prêter, notamment que lorsqu’il existe non pas une société, mais un groupe de sociétés, organisé autour d’une maison-mère (holding) et de plusieurs sociétés de projet (SPV).

De fait, depuis la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, la participation de collectivité peut prendre plusieurs formes :

  • Une participation directe au capital social société commerciale ayant pour unique objet la production d’énergies renouvelables dont les installations se trouvent sur le territoire de la collectivité actionnaire ou sur des territoires limitrophes.
  • Une participation indirecte au capital social d’une société commerciale (holding) ayant pour unique objet social la prise de participation au capital de sociétés de projet (SPV) de production d’énergies renouvelables dont les installations se trouvent sur le territoire de la collectivité actionnaire ou sur des territoires.

Ce choix n’est pas neutre car le code général des collectivités territoriales se montre restrictif en indiquant que la collectivité actionnaire ne peut consentir une avance de compte courant d’associé qu’a la société dont elle est directement actionnaire [6], ce qui exclut, de facto, un prêt aux sociétés de projet (SPV) lorsqu’elles sont coiffées par une société mère.

À quelles conditions la collectivité actionnaire peut-elle valablement consentir une telle avance ?

Une fois ce point réglé, on notera que l’apport en compte courant réalisé par une collectivité actionnaire est soumis à des conditions cumulatives qui sont celles applicables aux sociétés d’économies mixtes locales (SEML) que le code général des collectivités territoriales vient tempérer et adapter aux sociétés de production d’énergies renouvelables [7].

Tout d’abord, on soulignera qu’une collectivité actionnaire ne pourra consentir aucune avance si, du fait des pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société sont devenus inférieurs à la moitié du capital social.

En outre, une convention expresse entre la collectivité actionnaire et la société devra être conclue. Elle précise la nature, l’objet et la durée de l’apport, le montant, les conditions de remboursement, éventuellement de rémunération ou de transformation en augmentation de capital dudit apport.

Cette convention mérite plusieurs précisions.

S’agissant de la durée de l’avance en compte courant celle-ci était initialement limitée par le code général des collectivités locales à deux ans, renouvelable une fois, soit une durée maximale de quatre comme pour les sociétés d’économie mixtes locales (SEML).
Néanmoins, une telle durée était relativement incompatible avec le développement de projets d’énergies renouvelables, qui nécessitent un horizon de financement plus long, notamment, du fait d’une phase de « développement » durant laquelle les revenus peuvent être lents à se matérialiser.

Pour tenir compte de cette contrainte, la loi n°2020-1525 du 7 décembre 2020 a donc portée cette durée de deux ans, à sept ans, avec une possibilité de renouvellement une fois, portant ainsi la durée totale potentielle des avances à quatorze ans à la condition expresse que la société bénéfice d’un dispositif de soutien de l’État, comme un contrat d’achat de tout ou partie de l’énergie produite ou du biogaz injecté, ou un contrat offrant un complément de rémunération [8].

Par ailleurs, on notera utilement qu’aucune nouvelle avance ne peut être consentie par une la collectivité actionnaire avant que la précédente n’ai été remboursée ou incorporée au capital.

Cette règle, propre aux actionnaires publics, est évidemment très contraignante pour deux raisons.

D’une part, si la société ne parvient pas à rembourser son actionnaire public, à l’issue de la durée initiale des sept ans, éventuellement renouvelée une fois, le montant de l’avance consentie par la collectivité actionnaire sera obligatoirement incorporé au capital.

Ce qui peut poser un problème puisque l’incorporation conduit à convertir la créance détenue par l’associé public au titre du compte courant en une participation supplémentaire dans le capital social, ce qui de facto remet en cause les équilibres initiaux tels qu’ils ont été décidés par les actionnaires lors de la création de leur société.

D’autre part, tant que la société ne rembourse pas son actionnaire public celui-ci ne peut, à nouveau, lui consentir une nouvelle avance de compte courant. Or, les actionnaires privés abondent généralement le compte courant de leur société, par le biais de plusieurs versements, au fur et à mesure des besoins et selon un rythme qui diffère en phase « développement » ou en phase « réalisation ».

Autrement dit, les actionnaires privés ne consentent rarement (voire jamais) une seule et unique avance de compte courant à leur société pour toute la durée de sa phase de développement, comme l’impose le code général des collectivités territoriales aux actionnaires publics.

Néanmoins, pour contourner cette difficulté, il nous semble que rien n’interdit, au terme des sept ans, éventuellement renouvelé une fois, voire avant cette échéance, que la société procède au remboursement anticipé de l’avance consentie par son actionnaire public afin que celui-ci puisse en consentir une nouvelle.

De fait, il peut se trouver des hypothèses, durant la vie sociale de la société, où celle-ci détient suffisamment de fonds propres :

  • Soit qu’elle a contracté un crédit auprès d’un établissement bancaire,
  • Soit qu’elle a réalisée suffisamment de bénéfices grâce aux premières grappes de projets,
  • Soit qu’un autre actionnaire privé lui a prêté l’argent,

Dans ces cas de figure, rien ne lui interdit à notre sens de « solder » le compte courant d’associé de la collectivité actionnaire qui pourra ensuite en souscrire un nouveau.

S’agissant enfin du montant de l’avance de compte courant que la collectivité actionnaire a le droit de consentir, il n’est pas libre.

De fait, le montant cumulé des avances qu’octroie une collectivité à l’ensemble des sociétés dans lesquelles elle participe est limitée 5 % de ses recettes réelles de fonctionnement. Ce montant passe à 15 % de ses recettes réelles de fonctionnement à la condition expresse que la société bénéfice d’un dispositif de soutien de l’État, comme un contrat d’achat de tout ou partie de l’énergie produite ou du biogaz injecté, ou un contrat offrant un complément de rémunération [9]

Il faut donc être (très) vigilant à ce ratio prudentiel qui peut vite s’avérer contraignant en fonction :

  • Du budget annuel de la collectivité actionnaire ou plus exactement de ses recettes réelles de fonctionnement ;
  • De l’envergure et du coût du projet porté par la société ;
  • De l’existence éventuelle d’autres sociétés locales (SPL, SEML, SCIC) dont la collectivité serait actionnaire et auxquelles elle a pu consentir des avances de compte courant.

Un projet de production d’électricité renouvelable dont la phase de développement est relativement longue et onéreuse (hydroélectricité, biogaz, éolien) ne peut bien souvent, pour cette raison, être porté par une seule collectivité actionnaire lorsque son budget est contraint.

Dans une telle hypothèse, il peut être pertinent d’envisager, prioritairement la participation conjointe au capital social d’une société d’économique mixte locale (SEML) pour rendre d’avantage supportable les coûts de développement, puisque celle-ci pourra mobiliser ses fonds propres pour soutenir sa filiale et/ ou consentir des avances de comptes courant à sa filiale [10].

En revanche, la participation concomitante d’une commune et d’un établissement de coopération intercommunale (EPCI) au capital social d’une même société de production d’énergies renouvelables apparaît encore sujette à caution en raison de la position des services de l’État qui considère que le principe d’exclusivité, exclut toute prise de participation de la commune en cas de compétence transférée à l’échelon intercommunal [11].

Ce qui donne lieu, sur déféré préfectoral, à un contentieux contrasté :

  • Le Tribunal administratif de Renne a, par exemple, jugé que dispositions de l’article L.2224-32 du code général des collectivités territoriales ne permettent pas l’exercice d’une compétence partagée des communes et des EPCI s’agissant de la participation au capital d’une société de production d’énergie renouvelable ; de sorte qu’une commune qui a transférée cette compétence audit EPCI, se trouve dessaisie de la compétence et ne peut dès lors prendre des participations au capital d’une telle société [12] ;
  • En sens contraire, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que l’article L2253-1 du code général des collectivité territoriales vaut habilitation des communes et des groupements intercommunaux, qui peuvent donc intervenir concurremment [13].

Voilà pourquoi dans l’attente d’une stabilisation du droit applicable (et d’une intervention plus que souhaitable du Législateur) la participation d’une société d’économie mixte locale (SEML) parait devoir être recherchée par les collectivités actionnaires ; plutôt qu’une intervention conjointe de la commune et de son EPCI.

Enfin, une fois les conditions de l’avance de compte courant (objet, durée, montant, etc..) précisément définies dans la convention, il sera nécessaire que l’organe délibérant délibère pour autoriser l’exécutif à signer la convention précitée.

Pour conclure, on conseillera évidemment à la collectivité actionnaire, que cette délibération, comme la note de synthèse éventuellement adressée aux élus cinq jours francs avant le vote, reprenne a minima les conditions essentielles de la convention, à savoir : objet, durée, montant, conditions financières de l’avance.

Cela permettra d’éviter de donner naissance à un contentieux relatif à la suffisance de l’information données des élus municipaux/ intercommunaux.

Maxime Marthelet
Avocat au barreau de Lyon
Spécialiste en droit public - qualification spécifique en droit de la commande

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Notes de l'article:

[1Article L2253-1 du Code général des collectivités territoriales.

[2Article L3231-6 du CGCT.

[3Article L4211-1 du CGCT.

[4Article L1212-2 du Code de la commande publique.

[5Article L2253-1 du CGCT.

[6Article L2253-1 du CGCT.

[7Articles L2253-1 et L1522-4 du CGCT.

[8Articles L311-12, L314-1, L314-18, L446-2, L446-5, L446-14 ou L446-15 du Code de l’énergie.

[9Articles L311-12, L314-1, L314-18, L446-2, L446-5, L446-14 ou L446-15 du Code de l’énergie.

[10Guide : Fédération des Epl « Les filiales de Sem ».

[11Rép. Sénat à la QE n° 101965 du 25 avr. 2019, JO Sénat, 17 septembre 2020, p. 4279.

[12TA Rennes, 25 janvier 2024, préfet du Finistère, n° 2300530.

[13CAA de Nantes, 19 avril 2024, préfète de la Mayenne, 23NT01257.

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