Conformément aux dispositions du Code civil, l’autorité parentale appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant, pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. La jurisprudence opère une distinction entre les actes usuels et les actes importants.
Les actes usuels peuvent être pris par un seul parent car le consentement de l’autre est présumé. On pense, par exemple, à un rendez-vous chez un pédiatre ou à l’inscription dans une école publique.
Les actes importants (ou « non usuels ») impliquent en revanche l’accord exprès et formel des deux titulaires de l’autorité parentale, c’est-à-dire des deux parents.
Cette distinction concerne bien sûr la santé ou la religion (voir l’article). Toutefois, le champ est vaste et dans un arrêt infirmatif rendu en 2021, la Cour d’appel de Paris a donné une illustration intéressante de l’étendue de ce principe [1]. Dans cette affaire, la mère contestait le rejet, par le premier juge, de ses demandes complémentaires de faire injonction au père de retirer les photographies de leur enfant postées sur les réseaux sociaux sans son accord.
La cour motive ainsi sa décision :
« Il est établi que M. A a publié sur des réseaux sociaux des photographies de son fils qui était âgé d’à peine deux semaines sans l’accord de la mère, nécessaire dans un tel cas, s’agissant d’un acte concernant les droits de la personnalité de l’enfant et ne pouvant être considéré comme usuel. C’est à tort que le premier juge a rejeté la demande de Mme C motifs pris d’une absence de fondement juridique et de démonstration que M. A ait fait un usage excessif ou préjudiciable de l’image de son fils.
M. A affirme avoir retiré les photographies de son compte privé Facebook et des autres réseaux sociaux, sollicitant de la cour en tant que de besoin d’en prendre acte, et conclut en conséquence au rejet de la demande de Mme C, devenue sans objet.
Cependant, dans la mesure où (…) M. A ne rapporte pas la preuve du retrait de ces photographies sur les réseaux sociaux, (…), il sera enjoint à M. A de ne poster aucune photographie de D sur les réseaux sociaux sans l’accord préalable de Mme C ».
Deux points peuvent être soulignés :
Le premier est celui d’une décision de bon sens : la Cour juge que l’autorité parentale commande, par principe, un accord des deux parents concernant la publication des photos de leur enfant. En effet, l’enfant, qui demeure une personne à part entière [2] mais avec un pouvoir décisionnel limité en raison de son âge et de sa minorité, n’est pas toujours à même d’émettre un accord/désaccord, y compris éclairé, quant à l’utilisation de son droit à l’image. La surexposition de l’enfant, chosifié ou utilisé pour une valorisation parentale sur les réseaux sociaux, peut amener à des dérives et/ou à des séquelles psychologiques ou traumatiques sur l’enfant. L’étendue de la diffusion, la durée de conservation des images sur les réseaux sociaux peuvent avoir un impact sur la vie de l’enfant à court, moyen ou long terme. Il apparait donc légitime de mettre un double garde-fou en retenant qu’il ne s’agit pas d’un acte usuel mais d’un acte nécessitant l’accord des deux parents. Il pourrait sembler regrettable que cette injonction ne soit pas assortie d’une astreinte pouvant avoir un caractère dissuasif ;
Le second point est que la Cour d’appel de Paris, infirmant la décision de première instance, rendue par le JAF de Paris, considère que l’autorité parentale commande, par principe, un accord des deux parents concernant la publication des photos de leur enfant : la cour n’exige donc pas du parent lésé de prouver que l’autre parent a fait un usage excessif ou préjudiciable de l’image de leur enfant. La solution retenue par la cour d’appel mérite d’être approuvée. En effet, on peut s’interroger sur les critères à l’aune desquels les juges pourraient déterminer ce que constitue le caractère « excessif » ou « préjudiciable » de l’image d’un enfant. Ces critères auraient été soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond et pourraient ne pas être les mêmes dans toutes les juridictions ou ne pas être considérés de la même manière par chacun des parents. Par sa position de principe, l’arrêt de la cour d’appel permet donc d’éviter tout aléa judiciaire.
Conclusion.
Lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération l’aptitude de chaque parent de respecter les droits de l’autre [3]. En conséquence, un parent qui ne respecte pas l’autorité parentale conjointe s’expose à un transfert de la résidence chez l’autre parent, comme le souligne par exemple cette décision : « des violations de l’autorité parentale conjointe pourraient aboutir, à terme, à ce que l’enfant soit confié à l’autre parent qui en ferait la demande » [4].
Il est donc important de bien délimiter ce qui relève des actes usuels ou des actes importants nécessitant l’accord des deux parents.
L’usage des réseaux sociaux est un terrain de contentieux récent, mais qui se développe à l’ombre de scandales concernant l’utilisation du droit à l’image d’enfants, parfois très jeunes.
Il ne peut donc qu’être recommandé aux parents de publier des photos de leur enfant sur les réseaux sociaux qu’avec une grande parcimonie, en floutant les visages par exemple, et d’envisager les conséquences possibles avant de poster une image sans l’accord de l’autre parent. Pour éviter tensions et conflits à ce sujet, il est important de créer ou de recréer une véritable co-parentalité autour de l’enfant en prévoyant, dans l’accord parental, une clause spécifique sur la diffusion, ou non, des images de l’enfant sur les réseaux sociaux.
Les modes amiables de règlement des différends (MARD), tels que la médiation familiale, permettent également d’arrêter l’escalade du conflit et de respecter le besoin fondamental de l’enfant de vivre sereinement.