Faisant notamment suite à la publication du très remarqué "Médecin chef à la prison de la santé" et de plusieurs rapports parlementaires, l’article 720-1-1 du code de procédure pénale prévoit que "quelle que soit la nature de la peine ou la durée de la peine restant à subir", celle-ci peut-être suspendue "pour les condamnés dont il est établi qu’ils sont atteints d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que leur état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention" à la seule condition que la situation médicale soit établie par deux expertises concordantes.
Cette réforme fut l’occasion d’adapter la législation française afin de la rendre compatible avec les exigences des juges européens qui considèrent, en se fondant sur le droit à la vie et sur la prohibition des traitements inhumains et dégradants, que le maintien en détention des personnes dont l’état de santé ne leur permet pas d’exécuter leur peine dans des conditions dignes peut être un motif de violation de la Convention européenne des droits de l’homme ; ce qui explique notamment la condamnation de la France de le cas de l’affaire Mouisel où la cour nota que "si l’on ne peut en déduire une obligation générale de libérer un détenu pour motifs de santé, l’article 3 de la Convention impose en tout cas à l’Etat de protéger l’intégrité physique de personnes privées de liberté notamment par l’administration de soins médicaux requis."
Le texte a depuis fait l’objet de quelques aménagements, notamment avec l’instauration d’une limite en cas de "risque grave de renouvellement de l’infraction" ou la prise en compte des situations d’urgence par la loi pénitentiaire en date du 24 novembre 2009.
Mais, curieusement, le législateur n’a, jusqu’à aujourd’hui, jamais pensé à mettre en place un tel dispositif en matière de détention provisoire en cas de dégradation de l’état de santé ; la seule solution étant de faire une demande de mise en liberté mais celle-ci ne sera accueillie que si les conditions qui justifient le maintien de la mesure ne sont plus réunies.
Pourtant, les personnes alors incarcérées devraient également, voire peut-être à plus juste titre en raison de leur présumée innocence, pouvoir bénéficier d’une procédure rapide et efficace lorsque leur état de santé devient incompatible avec la poursuite d’une détention.
Ceci se justifie d’autant plus en raison de la non conformité des dispositions en vigueur avec les exigences européennes puisqu’il est à noter que les juges de Strasbourg visent dans leurs décisions "les personnes détenues" ou les "prisonniers" sans distinction ; ce qui recouvrent indifféremment la situation des condamnés et des personnes placées en détention provisoire.
C’est pour cela qu’un grand nombre de sénateurs viennent de déposer, en utilisant en grande partie le modèle dessiné à l’article 720-1-1 du code de procédure pénale, une proposition de loi relative à la création d’un dispositif de suspension de détention provisoire pour motif d’ordre médical.
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