Le choix entre l’exportation directe ou intégrée et l’exportation par l’intermédiaire d’un acteur local.

Par Sandra Karen Morin, Avocat.

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Explorer : # exportation directe # exportation indirecte # partenariat commercial # agent commercial

L’exportation suppose de définir une stratégie d’implantation sur le marché cible, qui permette de pénétrer adéquatement celui-ci.

Il convient, au terme d’une étude de marché, de déterminer s’il est préférable de mettre en œuvre une technique intégrée ou externalisée d’implantation, à savoir de recourir à une exportation directe ou indirecte.

Ce choix découle principalement de la capacité financière de la structure commerciale de l’exportateur et de sa volonté de créer un lien étroit et direct avec une clientèle déterminée ou encore de s’appuyer sur l’expertise d’un prestataire bénéficiant d’une implantation préexistante sur le marché visé et une bonne connaissance de celui-ci.

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L’exportation directe ou intégrée

L’exportation directe ou intégrée consiste à assurer soi-même la promotion et la vente de ses produits et services directement auprès de ses clients, sans passer par le truchement d’un intermédiaire.

Cette solution permet d’établir un rapport direct avec la clientèle, de fixer le prix concurrentiel désiré, de maîtriser seul la politique commerciale de l’entreprise quant au choix des produits distribués, des réseaux de distribution exploités et des opérations de communication pour y parvenir.

Le contact direct avec la clientèle locale favorise la maîtrise et le contrôle de l’information sur les pratiques commerciales locales et les besoins du marché visé, un traitement direct des techniques de commercialisation, des formalités administratives, ainsi que du règlement des litiges et du recouvrement des créances.

Cela étant, l’exportation directe implique pour l’entreprise d’assumer seule l’intégralité des risques liés à une telle commercialisation.

Une représentation locale, sans intermédiaire, suppose des contraintes légales, administratives et financières conséquentes, notamment un assujettissement intégral aux charges domestiques liées aux frais fixes associés. De telles charges peuvent s’avérer contraignantes au départ, compte tenu du temps nécessaire qu’il faudra pour parvenir à s’adapter au marché local.

L’exportation directe nécessite la disponibilité d’un personnel qualifié, jouissant d’une bonne connaissance du marché cible, de ses caractéristiques culturelles et linguistiques, en vue de fidéliser rapidement sa clientèle, de sorte qu’il pourrait être opportun d’envisager, comme alternative à l’expatriation d’un salarié de l’entreprise exportatrice (sous réserve d’obtenir les autorisations de séjour et de travail requises), le recrutement local d’un employé à même de permettre à l’entreprise exportatrice de s’imposer par sa connaissance du marché, de la culture locale, des pratiques commerciales et de la clientèle susceptible d’être fidélisée.

L’investissement de l’entreprise doit être total, tant au niveau des ressources humaines que sur le volet logistique, administratif et financier, pour garantir (après un certain temps) le succès escompté de l’activité.

Dans ce contexte, une entreprise motivée par l’exportation mais ne disposant pas des ressources financières suffisantes ou souhaitant tout simplement procéder étape par étape peut, à titre préalable, recourir à une implantation locale progressive, notamment via une exportation indirecte, et privilégier initialement le recours à un intermédiaire.

Cette solution permet de réaliser des économies importantes et offre un gain de temps non négligeable pour développer sa stratégie d’implantation. Le recours à un intermédiaire suppose toutefois d’observer un comportement prudent et de s’attarder sur certains aspects juridiques importants du contrat commercial international.

Il convient notamment de s’assurer que l’intermédiaire ne fasse pas écran à la commercialisation des produits et services de l’exportateur et que celui-ci ne puisse pas constituer à terme un risque pour l’entreprise de voir éliminer sa ligne de produits au profit de celle d’un concurrent.

Les modes d’exportation indirecte

Dans un tel cas, l’exportateur fait appel à un intermédiaire et fait ainsi le choix d’engager un représentant ou un agent commercial local ou de conclure un partenariat avec un distributeur local.

Le partenariat avec un importateur-distributeur spécialisé

L’exportation indirecte par la voie du recours à un distributeur chargé de la promotion et de la vente des produits de la structure exportatrice est en quelque sorte une sorte de « sous-traitance » qui permet à l’entreprise exportatrice de bénéficier des compétences commerciales, culturelles et linguistiques nécessaires à la pénétration du marché domestique du distributeur compétent choisi, de la diminution du risque de change, mais aussi de la connaissance qu’a le distributeur des réseaux de distribution, de la réglementation applicable et de son aptitude à fidéliser la clientèle.

Le distributeur est un commerçant indépendant, qui en tant qu’importateur achète les produits de l’exportateur à un prix déterminé pour les vendre en son nom et pour son propre compte (en assumant les pertes et profits) sur le marché local, tout en se rémunérant sur la marge bénéficiaire générée par les produits ainsi vendus.

La société de distribution locale conserve la maîtrise de la commercialisation du produit, de sorte que la vente réalisée correspond à une vente domestique pour le distributeur, notamment en fixant le prix de vente du produit et en offrant, le cas échéant, le financement, la garantie ainsi que le service lié à la vente du produit.

Ces avantages présentent cependant la fâcheuse contrepartie d’exposer la société exportatrice à un manque de contrôle sur la commercialisation de son produit, si elle n’est pas assez vigilante, mais aussi à une réelle dépendance à l’égard du distributeur et de ses capacités commerciales.

En effet, celui-ci est généralement rémunéré par commission et a donc une vision à court terme du marché et peut être tenté de favoriser son propre intérêt, en privilégiant un produit tiers qui lui accorderait davantage de bénéfices, voire laisser à l’abandon le produit de la société exportatrice, qui réduirait sa marge bénéficiaire et perdrait ainsi son réseau de commercialisation.

Ainsi, la société exportatrice et fabricante, lorsqu’elle fait appel à un intermédiaire pour commercialiser son produit, doit s’interroger sur la pertinence et la nécessité d’accorder à ce dernier une exclusivité.

En cas d’exclusivité, l’entreprise exportatrice devient alors dépendante de son distributeur quant au rendement du produit, notamment en ce qui a trait au volume des ventes.

Par ailleurs, l’impossibilité pour le distributeur de satisfaire au niveau de performance auquel il s’est engagé ne permet pas à l’entreprise exportatrice de lui retirer l’exclusivité territoriale ainsi concédée, sauf à prévoir une clause contractuelle à cet effet.

Une telle clause peut s’avérer primordiale pour se ménager un moyen de pression sur le distributeur afin qu’il maintienne son niveau d’engagement, même si l’exclusivité constitue un incitatif à l’engagement du distributeur sans lequel celui-ci pourrait refuser de s’investir.

Aussi, la société exportatrice doit maîtriser les outils contractuels à sa disposition afin de maintenir une relation équitable avec le distributeur, qui par nature dispose de liens plus étroits avec la clientèle locale et d’une meilleure maîtrise des réseaux de distribution sur le territoire.
Il est ainsi fortement recommandé de prévoir dans le contrat de distribution à conclure des dispositions protectrices des intérêts de la société exportatrice, notamment :

1. le droit de modifier le territoire exclusif défini au contrat et restreindre celui-ci à la discrétion de la société exportatrice en cas de baisse de la marge bénéficiaire ;

2. le droit discrétionnaire de retirer l’exclusivité avant le terme du contrat, faute pour le distributeur de satisfaire au seuil de volume de vente défini ;

3. le droit de résilier avant son terme le contrat aux torts exclusifs du distributeur, sans droit à indemnité, pour inobservation des termes du contrat, lorsque le niveau de performance n’a pas été réajusté après mise en demeure ;

4. une indemnité compensatoire forfaitaire et fixe au profit du distributeur en cas de résiliation du contrat avant son terme pour raisons de convenance, laquelle est censée tenir compte de la durée du contrat de distribution, de la notoriété du produit au début du contrat de distribution, des frais de publicité et de mise en marché que le distributeur devra supporter et de la valeur commerciale accrue acquise par la vente du produit.

Le recours à un agent commercial

L’agent commercial qui agit en tant qu’intermédiaire indépendant entre l’exportateur et l’acheteur et qui est chargé soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises, soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant, est généralement considéré comme agissant dans le cadre d’un contrat de mandat.

L’agent peut être une personne physique ou morale. Il peut représenter l’exportateur à titre exclusif ou être le représentant de plusieurs entreprises, non concurrentes entre elles. Aussi, dans certaines circonstances, il peut à la fois agir comme agent de l’exportateur et comme importateur d’un tiers.

L’avantage de se faire représenter par un agent commercial pour une petite ou moyenne entreprise exportatrice est de pénétrer le marché local à un coût peu onéreux, au moyen du versement d’une commission.

Néanmoins, l’entreprise exportatrice qui engage un agent commercial doit s’assurer de sa réelle motivation à la représenter. Le principe de précaution à l’égard d’un agent est de veiller de manière constante à ce qu’il serve et préserve bien les intérêts de l’exportateur.

La conclusion à son profit d’un contrat d’exclusivité ne doit pas avoir pour conséquence de conduire à l’exclusion des produits de l’exportateur du marché en raison de l’inaction de l’agent ou de l’absence de promotion desdits produits. Tout comme pour le contrat passé avec un distributeur, une clause de performance ou de quota dont l’inobservation donnerait au mandant la faculté de suspendre de plein droit l’exclusivité accordée ou de résilier le contrat, le tout sans indemnité à la charge du mandant, peut s’avérer très utile.

Les principales obligations de l’agent et les objectifs qu’il doit atteindre en matière de transmission d’informations et de performances doivent être définis clairement et préciser s’ils relèvent d’une obligation de moyen ou de résultat. Une période d’essai peut être envisagée pour évaluer tant les compétences de l’agent que sa capacité à développer un réseau de clients, tout en bénéficiant de la formation adéquate de l’entreprise exportatrice, son soutien technique, ainsi que les outils nécessaires à une bonne représentation.

L’obligation d’information doit être étendue pour favoriser une implication de l’entreprise exportatrice dans la commercialisation de son produit. Il convient de requérir de l’agent commercial l’exercice d’un devoir de conseil constant à l’égard du mandant, incluant l’élaboration d’un plan d’affaires ou d’une stratégie de développement.

L’agent doit notamment être tenu d’informer l’exportateur sur les caractéristiques et l’évolution du marché (clientèle, concurrence...) et de maintenir une stricte confidentialité.

Toute violation d’une clause d’exclusivité donnant lieu à la représentation directe ou indirecte de produits concurrents doit être sanctionnée, de même qu’aucune tolérance octroyée à titre exceptionnel ne doit pouvoir constituer une quelconque renonciation du mandant à se prévaloir d’une telle interdiction.

Aux fins de conserver la maîtrise de son implantation, l’exportateur doit restreindre autant que possible tout effet écran, en conservant le contrôle de la politique commerciale, le pouvoir de fixer les prix et les conditions générales de vente de ses produits, en assurant un suivi des commandes (livraison, facturation, recouvrement des créances...) et en demeurant le seul responsable auprès du client. Il lui faudra également impliquer l’agent et le motiver à honorer son devoir contractuel d’information sur l’état du marché et son évolution.

Aussi, dans le cas où l’exportateur permet à l’agent de négocier les prix, il doit exiger de ce dernier un rapport circonstancié en ce qui concerne lesdites commandes et les prix négociés selon la marge de manœuvre qu’il aura accepté de lui concéder. Il en va de même quand l’exportateur confie à l’agent la gestion d’un stock, la gestion du fichier clientèle, l’organisation du service après-vente.

En tout état de cause, les coûts liés aux frais d’agence commerciale sont limités, dans la mesure où les frais à la charge de l’exportateur sont avant tout proportionnels à l’activité de l’agent, qui ne coûte à l’exportateur qu’à compter du moment où il réalise lui-même un chiffre d’affaires.

Enfin, il peut être utile de prévoir une clause « de ducroire » consistant à reporter une partie du risque crédit de l’entreprise exportatrice sur l’agent commercial.

Ainsi, en contrepartie du paiement d’une commission supplémentaire, l’agent pourrait se porter ducroire en faveur de l’exportateur et garantir ainsi le paiement de toutes les commandes qui lui sont transmises pour le compte de clients locaux.

En effet, la clause de ducroire impose à l’agent de se substituer au client acheteur pour payer lui-même l’exportateur dans le cas où le client ne s’acquitterait pas d’un tel paiement.

Une autre forme d’alliance ou de partenariat possible pour pénétrer le marché local consiste à collaborer avec une entreprise locale dans le cadre d’un contrat de franchise ou de concession de licence dans un but commun de commercialisation du produit.

Le franchisage

Parmi les diverses formes de partenariat favorisant une expansion rapide de l’activité commerciale figure le modèle éprouvé du franchisage.

Le franchisage (ou contrat de franchise) est le contrat par lequel un « franchiseur » qui a élaboré un concept et bénéficie d’un certain savoir-faire (résultant d’une expérience substantielle, secrète et qui lui est propre), transfère à un tiers indépendant, le « franchisé », le droit d’utiliser et d’exploiter ce savoir-faire ainsi que les signes distinctifs de son activité (notamment la marque ou l’enseigne) en échange d’une contribution financière directe ou indirecte, à charge pour ce dernier d’en faire un usage conforme à l’esprit de commercialisation développé par le franchiseur, lequel s’engage, en contrepartie de ces droits d’utilisation, à apporter au franchisé une assistance technique et commerciale pendant toute la durée du contrat.

Il s’agit donc de reproduire à l’étranger un concept qui a réussi dans le pays d’origine, en s’assurant que le modèle transplanté est conforme à l’esprit, à l’image et au savoir-faire développés dans le modèle d’origine, tout en adaptant celui-ci aux spécificités du marché local.
La franchise suppose donc une homogénéité importante au niveau du savoir-faire mis en œuvre, des normes d’exploitation et des pratiques commerciales. Elle requiert une information exhaustive du franchisé au moyen de la documentation d’information pré-contractuelle.

Le contrat peut comporter une exclusivité territoriale au bénéfice du franchisé, tout en laissant au franchiseur un degré significatif de contrôle sur son activité.

Le franchisé doit maintenir la même qualité d’image que le franchiseur, exploiter le nom et la marque en mettant tout en œuvre pour assurer sa croissance et le maintien de l’identité commune du réseau de franchise ainsi que sa réputation, sans lui faire concurrence, informer le franchiseur de toute violation de la marque ou de ses droits de propriété intellectuelle et préserver ou exercer les recours en son nom, et ne céder aucun droit sans l’assentiment du franchiseur. Il doit, en outre, tenir le franchiseur informé de ses performances en mettant à sa disposition les données vérifiables de ses états financiers.

La concession de licence

Dans le contrat de licence, le concédant, propriétaire d’une marque régulièrement enregistrée, accorde à une autre entreprise le droit de l’utiliser légalement et d’exercer un commerce sous cette enseigne ou de commercialiser des produits sous cette marque, en contrepartie du paiement d’une redevance. Contrairement à ce qui est généralement prévu au contrat de franchise, le concédant n’accorde pas la plupart du temps au bénéficiaire de la licence de droits sur son savoir-faire ou le droit à une quelconque assistance.

Aussi, les contraintes imposées au bénéficiaire de la licence en termes de communication d’informations financières et de contrôle de la gestion quotidienne de son exploitation seront généralement moindres, en comparaison de ce qui est d’usage dans le franchisage.

Le contrôle du concédant existe toutefois sous diverses formes et peut dans certains cas se révéler presque aussi contraignant qu’en matière de franchise, notamment lorsque le concédant conserve la possibilité de contrôler les activités commerciales du bénéficiaire de la licence et la commercialisation des produits et services.

Dans un tel cas, la frontière entre la licence et la franchise est plus difficilement perceptible.

En conclusion, le recours à un intermédiaire ou la mise en place d’un partenariat peuvent constituer des formes adaptées à l’implantation sur un nouveau marché à l’étranger.

En tout état de cause, il conviendra de porter une attention toute particulière aux clauses contractuelles du contrat envisagé, aux règles concernant le droit applicable et à la clause attributive de juridiction, dès lors que le contrat demeurera un contrat international, tout en prenant acte des lois de police et d’ordre public du for.

Me Sandra Karen MORIN
Avocat - Membre des barreaux de Paris et du Québec (Montréal)
Associée gérante
SK.M Cross Borders - Avocats
smorin chez skm-crossborders.com
www.skm-crossborders.com

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