Les demandes d’asile déposées devant les autorités compétentes aux Etats-Unis mettent en exergue l’incapacité du pays d’origine à protéger l’individu demandeur d’asile contre les persécutions dont il peut faire l’objet. En effet, il est souvent inutile de signaler les abus et menaces aux autorités de certains pays, en particulier pour les membres de la communauté LGBT, qui préfèrent garder secrète leur orientation sexuelle par peur des représailles. Par ailleurs, de nombreux États ne disposent pas de formations adéquates au sein de la police ou du corps judiciaire. Pire encore, les membres du corps judicaire ou des forces de police peuvent contribuer eux-mêmes à la persécution des homosexuels.
Un arrêt de la Cour d’appel d’immigration des Etats-Unis vient récemment de rappeler à l’ordre une cour d’immigration de première instance qui avait conclu que le demandeur d’asile n’avait pas établi que le préjudice causé par son père en République dominicaine était en raison d’un motif protégé, au motif que son père n’avait prétendument pas connaissance de son orientation sexuelle. Le juge d’immigration de première instance avait également déterminé que le requérant n’avait pas établi de persécution passée, car le requérant n’avait pas démontré que le gouvernement de la République dominicaine était incapable ou peu disposé à le protéger contre d’éventuelles persécutions.
Avec la décision C-G-T rendue le 8 septembre 2023 [1], la Cour d’appel affirme que les juges de première instance ne peuvent obliger les demandeurs d’asile à cacher leur orientation sexuelle pour éviter d’être persécutés dans leur pays d’origine. Cette décision rappelle également d’autres principes procéduraux qui peuvent s’appliquer de manière générale à tout demandeur d’asile.
Le récit du requérant faisait état d’abus physiques et verbaux de la part de son père en raison de sa prétendue orientation sexuelle et ce, depuis son enfance. Bien que son père ne connût pas avec certitude son homosexualité au moment des faits, la famille du demandeur avait été témoin de la persécution et de l’abus subis par le jeune homme.
Avec cet arrêt, la cour d’appel appelle l’importance de prendre en considération toutes les preuves, telles que les conditions du pays ou les témoignages fournis, au moment de déterminer si le gouvernement du pays en question n’a pas pu ou n’a pas eu l’intention de protéger un individu contre les persécutions. Par ailleurs, la cour d’appel insiste sur la nécessité de prendre en compte toutes les circonstances justifiant la décision de ne pas signaler les abus auprès des autorités, comme l’âge du demandeur au moment des faits, ou la peur de subir des représailles. Enfin, la cour d’appel affirme qu’il est contraire à la loi d’obliger les demandeurs d’asile à cacher les aspects fondamentaux de leur identité, comme leur orientation sexuelle, pour éviter la persécution dans leur pays d’origine.
Cette décision constitue un précédent important pour les futurs cas où d’autres demandeurs d’asile pourraient ne pas avoir dénoncé ou signalé les abus subis en raison de leur orientation sexuelle. La cour d’appel rappelle que le fait de ne pas avoir dénoncé les abus ne disqualifie pas nécessairement une demande d’asile, à condition de prouver que le signalement auprès des autorités gouvernementales eût été inutile. Il convient de souligner également que ce critère ne se limite pas seulement aux cas d’orientation sexuelle, mais s’applique à d’autres demandes d’asile telles que celles fondées sur la persécution politique ou religieuse.