Parmi ces conditions, il y a la bonne foi du bailleur, qui ne doit pas abuser de son droit de mettre en œuvre la clause résolutoire.
Mais qu’en est-il lorsque le bailleur est de mauvaise foi ?
La Cour de cassation a récemment apporté une réponse nuancée à cette question, dans un arrêt du 26 octobre 2023 (Cass. civ. 3, 26 octobre 2023, n° 22-16.216, FS-B).
Le contexte de l’affaire.
L’affaire soumise à la Cour de cassation opposait un bailleur et un locataire d’un local commercial. Le bailleur avait délivré au locataire un commandement de payer un arriéré de loyers de 20 031 euros, sous peine de résiliation du bail. Le locataire avait saisi le juge des référés, qui lui avait accordé des délais de paiement en 24 mensualités, en suspendant les effets de la clause résolutoire. Le locataire devait également payer le loyer courant à bonne date. Le locataire n’ayant pas respecté ces conditions, le bailleur avait demandé l’expulsion du locataire.
La cour d’appel avait refusé de constater la résiliation du bail, au motif que le bailleur était de mauvaise foi, car le solde restant dû par le locataire était de 31 euros, une somme minime par rapport à la dette initiale, et que le locataire avait versé 20 000 euros en 8 mois, alors qu’il disposait de 24 mois pour s’acquitter de sa dette.
La solution de la Cour de cassation.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, en rappelant les principes applicables à la clause résolutoire du bail commercial. Selon l’article L145-41 du Code de commerce : la clause résolutoire ne peut jouer qu’un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le juge peut, en accordant des délais de paiement au locataire, suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire, mais le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise.
La Cour de cassation en déduit que, lorsque le juge des référés a accordé des délais de paiement au locataire, en suspendant les effets de la clause résolutoire, par une ordonnance passée en force de chose jugée, le bailleur peut se prévaloir de la clause résolutoire, sans que sa mauvaise foi puisse y faire obstacle. La Cour de cassation considère donc que la mauvaise foi du bailleur n’est pas un obstacle à l’acquisition de la clause résolutoire, mais seulement à sa mise en œuvre.
Conclusion.
La décision de la Cour de cassation peut surprendre, car elle semble revenir sur la jurisprudence antérieure, qui exigeait la bonne foi du bailleur pour invoquer la clause résolutoire. Toutefois, il faut souligner que la décision repose sur le respect de la chose jugée, qui interdit de remettre en cause les conditions fixées par le juge des référés pour accorder des délais de paiement au locataire. Le bailleur n’a fait qu’exécuter une décision de justice, sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur sa bonne ou mauvaise foi.
La décision illustre également la rigueur du mécanisme de la clause résolutoire, qui impose au locataire de respecter scrupuleusement les délais et les montants fixés par le juge, sous peine de perdre le bénéfice du bail. La décision n’est donc pas un revirement de jurisprudence, mais une application stricte des règles légales et de la volonté du juge des référés.