I. Mission de police administrative du CNAPS : délivrance, retrait, suspension ou décision de refus.
Le secteur de la sécurité privée connait depuis quelques années, et notamment depuis la loi dite sécurité globale du 21 mai 2021, une évolution de sa réglementation.
Le CNAPS régule ce secteur et se prononce sur les demandes de titre dirigeant, d’autorisation d’exercice, de carte professionnelle, les autorisations préalables d’entrer en formation ainsi que le renouvellement de l’ensemble de ces titres.
Les délégations territoriales du CNAPS sont chargées d’instruire l’ensemble de ces demandes au niveau local.
Elles effectuent notamment une enquête administrative aux fins de vérifier si le demandeur rempli l’ensemble des conditions imposées par le Livre VI du Code de la sécurité intérieure.
Le CNAPS effectue notamment une enquête de moralité pour s’assurer que le demandeur justifie d’un comportement compatible avec l’exercice d’une activité de sécurité privée.
Dans le cadre de cette enquête administrative de moralité, le CNAPS est amené à consulter notamment le casier judiciaire B2 de l’intéressé ainsi que le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ).
L’existence d’une mention sur le B2 ou d’une inscription au TAJ amène fréquemment le CNAPS à rejeter la demande de délivrance de carte professionnelle, son renouvellement ou l’autorisation provisoire d’entrée en formation.
A l’issue de l’instruction de la demande, le CNAPS fait connaître au demandeur le résultat de l’enquête administrative. Le demandeur dispose d’un délai de 15 jours pour transmettre au CNAPS ses observations et/ou ses justificatifs.
Le contrôle du CNAPS s’est durci avec l’entrée en vigueur de la Loi sécurité globale et le rapport de la Cour des comptes de 2018 estimant que le contrôle de moralité exercé avant et après la délivrance du titre par le CNAPS était très insuffisant.
Il en résulte désormais un contrôle renforcé donnant lieu à de nombreuses décisions de rejet et à un contentieux important devant le tribunal administratif.
II. Les recours contre une décision défavorable du CNAPS.
A) Le refus implicite du CNAPS : le silence vaut refus.
Le CNAPS dispose d’un délai de deux mois pour répondre à la demande de carte, titre et autorisation.
A l’issue de ce délai, son silence vaut refus. Il est ainsi recommandé au demandeur de vérifier ce délai car à l’issue de ces deux mois impartis au CNAPS pour rendre sa décision, un délai de deux mois est octroyé au demandeur pour contester son refus devant le tribunal administratif.
B) Le refus explicite contre une décision du CNAPS.
Le CNAPS refuse bien souvent expressément la délivrance d’une carte ou d’un titre en se fondant sur les mentions portées au casier judiciaire B2 ou les inscriptions au TAJ.
Le demandeur dispose de plusieurs options :
1°- Possibilité de déposer une requête en effacement du B2 et/ou du TAJ.
La requête en effacement du B2 s’effectue devant le Président du tribunal correctionnel compétent. La requête en effacement du TAJ devant le Magistrat en charge du TAJ. Le délai varie selon les tribunaux (environ 6-8 mois pour l’effacement d’une mention au B2 et 3-4 mois pour une inscription au TAJ).
2°- Possibilité de saisir le tribunal administratif d’une requête en annulation.
Le demandeur sollicite du tribunal administratif l’annulation pure et simple de la décision du CNAPS en arguant de son illégalité.
L’inconvénient est relatif au délai notification du jugement du tribunal administratif (environ 12 à 18 mois).
3°- Possibilité de saisir en urgence le tribunal administratif d’une requête en référé suspension.
Cette requête en référé suspension est accompagnée d’une requête en annulation.
Le tribunal administratif statut sur la requête en référé dans un délai de 1 à 4 semaines. L’intérêt de cette procédure est d’obtenir la suspension de la décision défavorable du CNAPS et l’obtention d’une une carte provisoire jusqu’au jugement du tribunal statuant sur la demande en annulation de cette décision.
Dans le cadre d’une requête en référé, le demandeur doit justifier :
De l’urgence à voir suspendre la décision, en démontrant que cette décision lui cause un préjudice grave (suspension du contrat de travail, licenciement, absence de ressources, impossibilité d’honorer une promesse d’embauche…) ;
Des doutes sur la légalité de celle-ci (motivation insuffisante, erreur d’appréciation, erreur de droit…).
Le CNAPS doit motiver sa décision et la justifier. La juridiction administrative a ainsi récemment suspendu la décision du CNAPS considérant que le refus de renouvellement d’une carte professionnelle d’un agent de sécurité privée au motif qu’il était inscrit au TAJ pour des faits qui n’ont fait l’objet d’aucune suite judiciaire, constitue une erreur d’appréciation de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de sa décision.
La juridiction administrative exige par ailleurs que le CNAPS vérifie l’ancienneté des faits commis, leur nature et les suites judiciaires éventuelles prises à l’encontre de l’agent de sécurité privée. A défaut, sa décision de refus encourt la suspension et l’annulation.
Ce contentieux nécessite des compétences en droit public, en droit pénal et en droit de la sécurité privée. Il importe de faire attention aux délais de recours et d’introduire la requête en suspension assez rapidement après la naissance de la décision de refus du CNAPS au risque de la voir déclarée irrecevable par le juge administratif.
Discussions en cours :
Bonjour Maître Khiter,
Sans vouloir vous offenser et avec tout mon respect, vous oubliez de préciser qu’avant de saisir le tribunal administratif, il faut déjà passer par un recours administratif préalable obligatoire :
Avant la fin d’un délai de deux mois suivant la réception de la décision qui a refusé le renouvellement d’une carte professionnelle, on doit réagir en exerçant un recours conformément au Code de la sécurité intérieure (articles L 633-3 et R 633-9), que l’on doit adresserer à la commission nationale d’agrément et de contrôle du CNAPS (la CNAC).
Ce recours est appelé RAPO (recours administratif préalable obligatoire), car il n’est pas possible de contester directement la décision de la Commission locale devant un tribunal administratif.
Ce recours n’est pas suspensif et on n’aura pas le droit de travailler pendant les deux à trois mois que durera la procédure devant la Commission nationale.
Pour sauver son emploi et se préserver d’un licenciement en obtenant une autorisation provisoire en une dizaine de jours, on devra engager une procédure parallèle devant le juge des référés du tribunal administratif en vertu de l’article L 521-1 du Code de justice administrative : c’est le référé-suspension.
Cordialement
Bonjour,
La procédure a été réformée depuis plus de 3 ans. Les commissions locales (CLAC) et la CNAC n’existent plus…
Bien cordialement,
Samia KHITER
Bonjour Maître,
Dans le cadre d’un refus d’agrément, l’administration doit-elle énumérer les mentions du B2 qui fondent ce refus ou peut-elle utiliser un terme générique ?
En vous remerciant pour votre aide.
Bien cordialement,
Maître,
Il me semble que si le CNAPS constate, lors de l’enquête administrative, qu’il existe des inscriptions au B2 ou au TAJ et refuse la délivrance de la carte (ou agrément ou autre), la requête en effacement (B2 ou TAJ) n’a aucun impact puisque le CNAPS répondra que le fait que les mentions ne soient plus accessibles (ou effacées) ne signifient pas que les faits reprochés, connus par le CNAPS lors de la première enquête administrative, n’ont pas eu lieu. Plusieurs refus de ce type ont déjà été prononcés, cf cet exemple : https://www.alexia.fr/questions/372640/refus-cnaps.htm
Qu’en est-il concrètement svp ?
Chaque demande d’agrément ou de carte professionnelle donne lieu à une enquête administrative correspondante. Donc si au moment de l’enquête administrative les informations du TAJ ne sont plus accessible, un tel refus sera forcément illégal. Le CNAPS fait souvent n’importe quoi vu le taux important d’annulation par les Tribunaux administratifs.
Merci pour cet article intéressant.