Il est important de rappeler que l’obligation d’une motivation n’existe que si la norme (la loi, plus rarement le règlement, exceptionnellement le principe générale du droit) le prévoit. La loi du 11 juillet 1979 est le texte le plus fréquemment utilisé, mais il n’est pas le seul. Car en effet, le régime de motivation des actes administratifs est aussi encadré par des textes réglementaires.
Par contre aucune règle ni principe de valeur constitutionnelle n’imposent aux décisions administratives d’être motivées, sauf pour les décisions infligeant une sanction. Ce principe, dépourvu de valeur constitutionnelle, s’applique même lorsque l’administration exerce une mission de service public.
Bien que l’administration assure une mission de service public, elle est tout de même soumise au principe de légalité. En vertu de ce principe, l’administration applique la loi du 11 juillet 1979, fondant ainsi légalement le principe de motivation des actes administratifs. Ladite loi est intervenue pour établir une relation de confiance entre l’administration et l’administré. Ceci permettant la transparence des décisions administratives et la consultation des documents concernant l’administré.
Une relation de confiance ne peut être entretenue dans un État arbitraire, dans lequel, l’administration appliquerait des décisions sans se justifier. En présentant ses motifs, l’administration donne la possibilité au requérant de pouvoir comprendre la décision et présenter un éventuel recours. Disons que cela facilite l’application de principe du contradictoire.
Avant la loi du 11 juillet 1979, l’autorité administrative n’était pas toujours tenue par la jurisprudence à un principe de motivation des actes. En effet une décision du Conseil d’État indiquait : « Considérant que les décisions des autorités administratives n’ont pas, en règle générale, à être motivées » .
Or, il parait juste d’affirmer que le droit des usagers du service public est garanti, dans l’élaboration du principe de motivation. En effet l’usager est en droit de connaître les motifs de fait et de droit qui ont été utilisé par l’administration, pour justifier sa décision.
De facto, l’autorité administrative qui ne se prononcerait pas sur une décision, priverait l’administré d’une justification à sa demande administrative.
En principe tous les actes doivent être motivés, mais parfois l’autorité administrative prend une décision implicite de rejet, dans ce cas le requérant peut demander les motifs de la décision.
Le principe de légalité est un principe fondamental du droit administratif, en effet l’administration est tenue de respecter la loi. En l’occurrence l’administration observe les dispositions de la loi de 11 juillet 1979.
Aussi, est-il important de voir, les fondements de la motivation des actes administratifs puis les conséquences du non respect de ce principe, en évoquant successivement l’exigence de motivation des actes administratifs et les actes ne satisfaisant pas à l’obligation de motivation et leurs sanctions.
Dans une première partie nous aborderons la motivation des actes administratifs telle que fixée par la loi du 11 juillet 1979 et dans une seconde partie nous évoquerons les exceptions au principe de motivation.
I. LA MOTIVATION DES ACTES ADMINISTRATIFS SELON LA LOI DU 11 JUILLET
Selon la jurisprudence du Conseil d’État, avant la loi du 11 juillet 1979 la motivation n’était obligatoire que pour certaines administrations et sous réserve de l’existence d’une norme (A).
La loi du 19 juillet 1979 précise ce que comporte un acte administratif motivé et détermine la catégorie des actes faisant l’objet d’une motivation (B).
A. La motivation des actes administratifs avant la loi du 11 juillet 1979
L’administration française fut longtemps dominée par le principe du secret, surtout dans les décisions qui étaient rendues par les autorités administratives avant 1979.
Il est intéressant d’observer l’état du droit du droit administratif avant la loi du 11 juillet 1979, concernant les actes motivés.
En effet, avant 1979, le Conseil d’État s’était toujours opposé à reconnaître l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions, comme principe général du droit. « …les décisions des autorités administratives n’ont pas, en règle générale, à être motivées ; s’il est fait exception pour les décisions des autorités collégiales, en raison notamment de leur mode de fonctionnement et de la nature de leurs attributions, la motivation n’est obligatoire, lorsque la décision émane d’une autorité personnelle, qu’autant qu’elle est expressément prévue par les textes… ».
Cette décision avait été reprise dans un arrêt, le Conseil d’État avait clairement affirmé sa position en estimant que, « Seul lorsqu’un texte le prévoit, l’administration a pour obligation de motiver ses décisions ». En revanche, le juge administratif se réservait la possibilité, s’il l’estimait nécessaire, de demander à l’auteur d’un acte attaqué, de lui en révéler les motifs. L’obligation de motiver une décision ne pouvait être considérée comme un principe général du droit selon le Conseil d’État.
Il paraît important de préciser, que cette obligation, liée à l’exercice d’un recours, n’existait qu’au profit du juge et non de l’administré.
Peu de textes imposaient expressément la motivation des actes administratifs. Dans l’absence de texte et donc au regard du silence de ces textes, le Conseil d’État avait dans un arrêt seulement considéré « Eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme professionnel auquel les pouvoirs publics ont conféré le pouvoir d’arrêter les droits de chaque armement dont l’exploitation du trafic, les décisions prises par la Commission doivent être motivées ».
Mais à partir de la fin des années 70, le pouvoir législatif, soucieux de garantir les droits des administrés face à l’administration, une abondance de textes législatifs fut adoptée :
loi du 17 juillet 1978 relative à « l’informatique et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public » et son décret d’application du 20 octobre 2005, qui permet à toute personne de connaître, et le cas échéant, de contester les informations nominatives la concernant qui figurent dans un fichier automatisé, sous la contrôle de la Commission nationale de l’informatique et de libertés(CNIL) ;
La création d’autorités administratives indépendantes .
C’est dans cet esprit qu’est intervenue, la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs. Cette loi a opéré un bouleversement, puisque désormais les actes devaient trouver une justification en fait et en droit.
B. La classification et le contenu des actes administratifs faisant l’objet d’une motivation
1. Les décisions devant faire l’objet d’une motivation
Dans la circulaire du 31 août 1979 relative à la motivation des actes administratif, Titre I Partie A, il est précisé que la loi n’impose pas une obligation générale de motivation des actes administratifs, mais elle réalise une très large extension des cas de motivation obligatoire.
Cette loi ne pose pas un principe général de motivation des décisions de l’Administration : elle énumère un certain nombre de décision qui dorénavant, devront être motivées, les solutions acquises précédemment n’étant pas remises en cause.
La loi du 11 juillet 1979 (modifiée par la loi du 17 janvier 1986) dispose que seules peuvent faire l’objet d’une motivation les décisions individuelles défavorables à leurs destinataires, concernant les personnes ou les personnes morales.
Les actes à caractère réglementaire n’entrent pas dans la catégorie des actes obligatoirement motivés.
L’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 donne une liste précise des décisions individuelles défavorables précisées très clairement par la circulaire du 28 septembre 1987. La loi du 17 janvier 1986 allonge cette liste des décisions qui devront être motivées en y mentionnant, les refus d’autorisation, et la loi du 27 juillet 1993, modifiant l’article 27 du Code civil, les refus de naturalisation. Cependant il existe une exception : les décisions implicites de rejet, l’intéressé peut demander dans un délai de deux mois à connaître les motifs d’une décision implicite de rejet. L’administration est tenue de répondre à cette demande dans un délai de 1 mois.
Voici une liste limitative des décisions qui doivent être motivées provenant des articles 1 et 2 de la loi du 11 juillet 1979. Ce sont les décisions suivantes :
1) Restreignent l’exercice des libertés publiques ou de manière générale, constituent une mesure de police. A titre d’exemple citons, le refus d’admettre un enfant de moins de 6 ans en classe primaire. Pas de restriction, pas d’obligation de motiver. Et le refus d’admettre une élève en classe préparatoire aux grandes écoles. Il y a une restriction car la classe préparatoire est le passage obligé de l’accès à certains concours.
2) Infligent une sanction ;
3) Subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions ;
4) Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ;
5) Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ;
6) Refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir ex : refus d’une demande de titre de séjour « vie privée et familiale »en vertu de l’article L. 313-11 al 7° du CESEDA par le Préfet ;
7) Refusent une autorisation, sauf lorsque la communication des motifs pourraient être de nature, à porter atteinte à l’un des secrets ou intérêts protégés ;
8) Dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement.
2. La notion d’acte administratif motivé
La motivation est formalisée par un écrit et doit comporter l’énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision. Les motifs de l’acte doivent pouvoir être facilement reconnaissables par le ou les destinataires de l’acte.
La motivation ne doit pas nécessairement être longue, mais elle doit être claire et précise. La motivation doit être adaptée aux circonstances de l’affaire.
L’exposé de ces considérations est généralement inclus dans le texte même de la décision. Cependant, selon la jurisprudence, il est parfois possible que les motifs d’une décision soit exposés dans un document joint à la décision (lettre d’accompagnement, rapport, avis…) ou, plus généralement, porté à la connaissance de l’intéressé en même temps que la décision. Si l’intéressé n’a pas connaissance de ce document, l’obligation de motiver ne sera pas considérée comme respectée, même s’il expose suffisamment les motifs de la décision.
3. La motivation obligatoire non prévu par la loi du 11 juillet 1979
Il n’existe aucun principe général qui oblige l’administration à motiver .
Cependant certains textes obligent l’administration de motiver ses décisions :
le décret de dissolution des conseils municipaux ;
le refus de naturalisation ( loi du 22 juillet. 1993 ; article 27 du Code civil) ;
le licenciement d’un collaborateur de cabinet territorial ( décret du 15 février 1988) ;
le placement en zone d’attente d’un étranger ( C. étrangers, art. L. 221-3) ; le placement dans un centre de rétention administrative ( C. étrangers, art. L. 551-2).
Par décision de la jurisprudence, les actes de certains organismes professionnels doivent être motivés en raison de la composition, de la nature et des attributions de ces derniers . Cette solution a été étendue aux autorités collégiales, à la commission nationale d’équipement commerciale
Il existe des exceptions à la motivations des actes administratifs qui sont prévus par la loi du 11 juillet 1979.
II) LES EXCEPTIONS A LA MOTIVATION DES DÉCISIONS ADMINISTRATIVES
La loi du 11 juillet 1979 précise que l’administration n’est pas obligée de motiver sa décision en cas d’urgence absolue et pour respecter du principe du secret (A).
Tous les actes dont l’absence de motivation est constatée, sont susceptibles d’être annulés par le juge administratif (B).
A. LA NON MOTIVATION DES DÉCISIONS ADMINISTRATIVES
Dans un cas tel que « l’urgence absolue », l’acte administratif n’a pas « vocation » à être motivé. Mais, cette exception n’est que temporaire puisque sur simple demande, l’intéressé (présentée dans le délai de recours contentieux) peut obtenir, dans le délai d’un mois la communication des motifs.
De même dans des circonstances précises telles que le respect du secret médical ainsi qu’a divers autres secrets, l’obligation de motiver est restreinte. A titre d’exemple citons : les délibérations du gouvernement, de la défense nationale et de la politique extérieure, de la sûreté de l’État et de la sécurité publique.
« Sont au nombre des décisions dont la communication des motifs risque de porter atteintes à la sécurité publique celles qui refusent une autorisation de détention ou de port d’armes ou de faire commerce de matériel de guerre » .
Lorsque l’autorité administrative ne donne pas de réponse à une demande d’un administré. Le requérant est en droit de demander l’exposé des motivations de sa décision.
1. La motivation des décisions sur demande du requérant
a) Les décisions implicites de rejet
« Lorsqu’une décision implicite de rejet intervient lorsque la décision explicite aurait dû être motivée, l’intéressé est en droit de demander (dans le délais du recours contentieux) les motifs de cette décision implicite ».
Cette demande des motifs par le requérant s’effectue à la condition qu’il est observer l’expiration du délai de formation de la décision implicite « faite prématurément la demande serait sans objet et sans conséquence ».
b) La décision implicite et le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Un étranger en situation irrégulière, c’est-à-dire dont la situation administrative n’est pas régularisé. Il doit effectuer une demande de titre de séjour au titre du regroupement familial Art L.313-11 al 7° du CESEDA au titre du regroupement familial.
Si le Préfet ne donne pas de réponse à cette demande. Il s’agit donc d’une décision de refus de régularisation implicite qui ne permet pas de connaître les éléments de fait et de droit sur lesquels la préfecture s’est fondée pour opposer un refus de séjour au requérant.
L’article R.311 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile énonce que : « Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ». L’article 5 de la loi du 11 juillet 1979 susvisée précise : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. Toutefois à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivent cette demande".
Au même titre que les actes administratifs illégal pour vice de forme, la décision non motivée fait l’objet d’une sanction.
B. LA SANCTION DE L’ABSENCE DE MOTIVATION
Le juge tire des conséquences identiques d’une insuffisance de motivation et d’un défaut de motivation.
Lorsqu’une motivation est requise, l’administration doit s’y soumettre si elle ne veut pas être sanctionnée, sinon elle risque l’annulation de l’acte si un recours pour excès de pouvoir est formé sauf en cas de compétence liée de l’administration ou la constatation de son illégalité si une exception d’illégalité est soulevée à son encontre.
L’absence ou même le défaut de motivation entache l’acte d’illégalité pour vice de forme. S’il est saisi d’un recours pour excès de pouvoir, le juge la sanctionnera par une annulation.
L’insuffisance de motivation : les conséquences sont les mêmes si la motivation est insuffisante.
Un administrateur qui se fonde sur un certificat médical pour prendre sa décision, doit joindre ladite pièce à sa décision et ne pas se borner à le viser .
« Une décision prise sur recours administratif, n’a pas à être motivée si la décision initiale l’a été ».
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
1. Droit administratif général
Jean Waline, Précis de droit administratif, Dalloz, 22ème édition ;
Jacqueline Morand-Deviller, Cours de droit administratif, Montchrestien, Huitième édition ;
Marie-Christine Rouault, Manuels de droit administratifs, Gualino éditeur, 2ème édition. Charles DEBBASCH et Fré,déric Colin, Droit administratif, Economica, 8ème édition.
2. Ouvrages spécialisés
Yves BROUSSOLLE, Guide d’aide à la rédaction des actes administratifs / Communes et groupements de communes, Dossier d’experts, Territorial éditions ;
Lexique des termes juridiques 2011, 18ème édition Dalloz.