Une compétence douanière élastique en vue de la recherche de la fraude.

Par Jean Pannier, Avocat.

942 lectures 1re Parution: Modifié: 4.5  /5

Explorer : # fraude douanière # compétence douanière # transport international # droit d'accise

(Convention TIR. Chargement de papier en provenance de Lituanie dissimulant un stock de cigarettes)

-

La Cour de Justice de l’Union Européenne (6ème chambre) a rendu le 8 mars 2012 une ordonnance qui facilite la recherche de la fraude :

1° L’article 454, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, établissant le code des douanes communautaire, modifié, doit être interprété en ce sens qu’une association garante peut prouver le lieu où a été commise une infraction ou une irrégularité en se fondant sur le lieu où le carnet TIR a été pris en charge et où les scellés ont été apposés. Si cette association parvient à renverser la présomption de compétence des autorités douanières de l’État membre sur le territoire duquel une infraction ou une irrégularité a été constatée au cours d’un transport effectué sous le couvert d’un carnet TIR au profit de celles de l’État membre sur le territoire duquel cette infraction ou cette irrégularité a été effectivement commise, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, les autorités douanières de ce dernier État deviennent compétentes pour recouvrer la dette douanière.

2° Les articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise, modifiée, doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières de l’État membre sur le territoire duquel des marchandises ont été découvertes, saisies et confisquées sont compétentes pour recouvrer l’accise, même si ces marchandises ont été introduites sur le territoire de l’Union dans un autre État membre, pour autant que ces marchandises sont détenues à des fins commerciales, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer.

La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la convention douanière relative au transport international de marchandises sous le couvert de carnets TIR, signée à Genève le 14 novembre 1975 et de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise modifiée par la directive 96/99/CE du Conseil, du 30 décembre 1996.

Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la Koninklijke Federatie van Belgische Transporteurs et Logistiek Dienstverleners « Febetra » à l’État belge au sujet du paiement de droits de douane et d’accise.

Les faits :

Le 27 octobre 1999, un chargement de papier en provenance de Lituanie est entré sur le territoire douanier de l’Union européenne lors d’une opération de transport effectuée sous le couvert d’un carnet TIR. Il a été pris en charge par le bureau douanier de Francfort-sur-l’Oder en Allemagne, le bureau de destination étant situé à Gand en Belgique.

Le 28 octobre 1999, les autorités douanières belges ont découvert la présence de plus de 3,6 millions de cigarettes non déclarées à bord des conteneurs scellés faisant partie de ce transport TIR. Après avoir constaté l’infraction, le bureau des douanes de Gand a, par lettre du 9 novembre 1999, informé Febetra, en sa qualité d’association garante de l’opération, de la non-décharge du carnet TIR.

Le 13 mars 2001, Febetra a été invitée à payer les droits de douane et d’accise à concurrence du montant garanti.

Le 20 août 2001, les autorités douanières belges ont émis un avis de mise en recouvrement exécutoire à l’encontre de Febetra. Après le rejet du recours introduit contre celui-ci et la confirmation en appel de ce rejet, Febetra a saisi le Hof van cassatie d’un pourvoi dans lequel elle conteste la compétence desdites autorités pour recouvrer les droits de douane et d’accise en cause.

La question préjudicielle :

La juridiction de renvoi relève, tout d’abord, que l’article 37 de la convention TIR prévoit que, lorsqu’il n’est pas possible de déterminer le territoire sur lequel une irrégularité a été commise, celle-ci est réputée avoir été commise sur le territoire de l’État où elle a été constatée.

Elle indique, ensuite, s’agissant d’un transport TIR, que l’article 454, paragraphe 3, du règlement d’application prévoit que, lorsqu’il n’est pas possible de déterminer le territoire sur lequel une infraction ou une irrégularité a été commise, celle-ci est réputée avoir été commise dans l’État membre où elle a été constatée, à moins que, dans le délai prévu à l’article 455, paragraphe 1, de ce règlement, la preuve ne soit rapportée de la régularité de l’opération ou du lieu où l’infraction ou l’irrégularité a été effectivement commise. À défaut d’une telle preuve, l’État membre dans lequel l’infraction a été constatée est compétent pour recouvrer les droits afférents aux marchandises en cause.

Enfin, la juridiction de renvoi souligne que, au point 84 de l’arrêt du 23 septembre 2003, BGL (C 78/01, Rec. p. I 9543), la Cour a jugé que les articles 454 et 455 du règlement d’application n’imposent pas à l’État membre dans lequel l’irrégularité ou l’infraction a été constatée de rechercher le lieu effectif où celle-ci a été commise. Par ailleurs, au point 116 de son arrêt du 29 avril 2010, Dansk Transport og Logistik (C 230/08, Rec. p. I 3799), la Cour a jugé que ce sont les autorités de l’État membre situé à la frontière externe de l’Union par laquelle les marchandises ont été irrégulièrement introduites sur le territoire douanier de celle-ci qui sont compétentes pour recouvrer la dette douanière et la taxe sur la valeur ajoutée ainsi que les droits d’accise.

C’est dans ces conditions que le Hof van cassatie a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes :

1° Les articles 37 de la [convention TIR] et 454, paragraphe 3, deuxième alinéa, du [règlement d’application] doivent-ils être interprétés en ce sens que, à défaut de constatation officielle du lieu où l’infraction ou l’irrégularité a été commise et à défaut de preuve contraire apportée dans le délai par le garant, l’État membre où l’existence de l’infraction ou de l’irrégularité est constatée est réputé être celui où l’infraction ou l’irrégularité a été commise, même s’il est possible de déterminer, sur la base du lieu de prise en charge du carnet TIR et du scellement des marchandises, sans recherche supplémentaire, par le territoire de quel État membre situé à la frontière externe de la Communauté les marchandises ont été introduites irrégulièrement dans la Communauté ?

2° En cas de réponse négative à la première question, les mêmes articles, lus en combinaison avec les articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive sur l’accise doivent-ils être interprétés en ce sens que l’État membre situé à la frontière externe de la Communauté par laquelle les marchandises ont été introduites irrégulièrement est également compétent pour poursuivre le recouvrement des accises lorsque les marchandises ont entre-temps été acheminées dans un autre État membre où elles ont été découvertes, saisies et confisquées ?

Le droit :

La convention TIR

La convention TIR est entrée en vigueur pour la Communauté le 20 juin 1983. Elle prévoit, à son article 4, que les marchandises transportées sous le régime TIR qu’elle établit ne sont pas assujetties au paiement ou à la consignation des droits et des taxes à l’importation ou à l’exportation aux bureaux de douane de passage.

L’article 5 de cette convention est libellé comme suit :

« 1. Les marchandises transportées sous le régime TIR dans des véhicules routiers, des ensembles de véhicules ou des conteneurs scellés ne seront pas, en règle générale, soumis à la visite par la douane aux bureaux de passage.
2. Toutefois, en vue d’éviter des abus, les autorités douanières pourront exceptionnellement, et notamment lorsqu’il y a soupçon d’irrégularité, procéder à ces bureaux à la visite des marchandises. »

L’article 6, paragraphe 1, de ladite convention dispose que, sous les conditions et garanties qu’elle déterminera, chaque partie contractante pourra habiliter des associations à délivrer les carnets TIR, soit directement, soit par l’intermédiaire d’associations correspondantes, et à se porter caution.

L’article 37 de la même convention énonce :

« Lorsqu’il n’est pas possible de déterminer le territoire sur lequel une irrégularité a été commise, elle est réputée avoir été commise sur le territoire de la partie contractante où elle a été constatée. »

La réglementation douanière

Le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 955/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 13 avril 1999 (JO L 119, p. 1, prévoit à son article 202, paragraphe 1, a), qu’une dette douanière à l’importation naît de « l’introduction irrégulière dans le territoire douanier de la Communauté d’une marchandise passible de droits à l’importation ». Le paragraphe 2 de cet article précise que « la dette douanière naît au moment de l’introduction irrégulière ».

L’article 215 du code des douanes communautaire dispose :
1. La dette douanière prend naissance :

– au lieu où se produisent les faits qui font naître cette dette,
– ou si ce lieu ne peut être déterminé, au lieu où les autorités douanières constatent que la marchandise se trouve dans une situation ayant fait naître une dette douanière,
– ou si la marchandise a été placée sous un régime douanier qui n’est pas apuré et si le lieu ne peut être déterminé en application du premier ou du deuxième tiret dans un délai fixé, le cas échéant, selon la procédure du comité, au lieu où la marchandise a été, soit placée sous le régime concerné, soit introduite sur le territoire douanier de la Communauté sous ce régime.

2. Lorsque les éléments d’information dont disposent les autorités douanières leur permettent d’établir que la dette douanière était déjà née lorsque la marchandise se trouvait antérieurement dans un autre lieu, la dette douanière est considérée comme née au lieu où il est possible d’établir qu’elle se trouvait au moment le plus éloigné dans le temps où l’existence de la dette douanière peut être établie.

3. Les autorités douanières visées à l’article 217, paragraphe 1, sont celles de l’État membre où la dette douanière a pris naissance ou est réputée avoir pris naissance conformément au présent article.

4. Si une autorité douanière constate qu’une dette douanière est née, en vertu de l’article 202, dans un autre État membre, la dette douanière est réputée née dans l’État membre dans lequel la naissance de la dette douanière a été constatée lorsque le montant de la dette est inférieur 5 000 euros.

L’article 217, paragraphe 1, du code des douanes dispose que « tout montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière, ci-après dénommé ‘montant de droits’, doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte) ».

En vertu de l’article 451 du règlement d’application, aux fins de l’application du régime du transport international des marchandises sous le couvert de carnets TIR, le territoire douanier de la Communauté est considéré, pour ce qui concerne les modalités d’utilisation de ceux-ci, comme formant un seul territoire.

Aux termes de l’article 454 du règlement d’application :

1. Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions spécifiques de la convention TIR concernant la responsabilité des associations garantes lors de l’utilisation d’un carnet TIR.

2. Quand il est constaté que, au cours ou à l’occasion d’un transport effectué sous le couvert d’un carnet TIR, une infraction ou une irrégularité a été commise dans un État membre déterminé, le recouvrement des droits et autres impositions éventuellement exigibles est poursuivi par cet État membre conformément aux dispositions communautaires ou nationales, sans préjudice de l’exercice des actions pénales.

3. Lorsqu’il n’est pas possible de déterminer le territoire sur lequel l’infraction ou l’irrégularité a été commise, celle-ci est réputée avoir été commise dans l’État membre où elle a été constatée à moins que, dans le délai prévu à l’article 455 paragraphe 1, la preuve ne soit apportée, à la satisfaction des autorités douanières, de la régularité de l’opération ou du lieu où l’infraction ou l’irrégularité a été effectivement commise.

Si, à défaut d’une telle preuve, ladite infraction ou irrégularité demeure réputée avoir été commise dans l’État membre où elle a été constatée, les droits et autres impositions afférents aux marchandises en cause sont perçus par cet État membre conformément aux dispositions communautaires ou nationales.

Si, ultérieurement, l’État membre où ladite infraction ou irrégularité a effectivement été commise vient à être déterminé, les droits et autres impositions – à l’exception de ceux perçus, conformément au deuxième alinéa, au titre de ressources propres de la Communauté – dont les marchandises sont passibles dans cet État membre lui sont restitués par l’État membre qui avait initialement procédé à leur recouvrement. Dans ce cas, l’excédent éventuel est remboursé à la personne qui avait initialement acquitté les impositions.

Si le montant des droits et autres impositions initialement perçus et restitués par l’État membre qui avait procédé à leur recouvrement est inférieur au montant des droits et autres impositions exigibles dans l’État membre où l’infraction ou irrégularité a été effectivement commise, cet État membre perçoit la différence conformément aux dispositions communautaires ou nationales.

Les administrations douanières des États membres prennent les dispositions nécessaires pour lutter contre toute infraction ou toute irrégularité et les sanctionner efficacement.

L’article 455, paragraphes 1 et 2, du règlement d’application est rédigé comme suit :

« 1. S’il est constaté que, au cours ou à l’occasion d’un transport effectué sous le couvert d’un carnet TIR […], une infraction ou une irrégularité a été commise, les autorités douanières en donnent notification au titulaire du carnet TIR […] et à l’association garante, dans le délai prévu, selon le cas, à l’article 11 paragraphe 1 de la convention TIR […].
2. La preuve de la régularité de l’opération effectuée sous couvert d’un carnet TIR […] au sens de l’article 454 paragraphe 3 premier alinéa doit être apportée dans le délai prévu, selon le cas, à l’article 11 paragraphe 2 de la convention TIR […]. »

La directive sur l’accise

L’article 4 de la directive sur l’accise définit la notion de « régime suspensif » comme « le régime fiscal applicable à la production, à la transformation, à la détention et à la circulation des produits en suspension de droits d’accises ».

Aux termes de l’article 5, paragraphes 1 et 2, de ladite directive :

« 1. Les produits visés à l’article 3 paragraphe 1 sont soumis à accise lors de leur production sur le territoire de la Communauté tel que défini à l’article 2 ou lors de leur importation sur ce territoire.
Est considérée comme ‘importation d’un produit soumis à accise’, l’entrée de ce produit à l’intérieur de la Communauté […].
Toutefois, lorsque ce produit est placé lors de son entrée à l’intérieur de la Communauté sous un régime douanier communautaire, l’importation de ce produit est considérée comme ayant lieu au moment où il sort du régime douanier communautaire.
2. Sans préjudice des dispositions nationales et communautaires en matière de régimes douaniers, lorsque les produits soumis à accise :
– sont en provenance, ou à destination, de pays tiers […] et se trouvent sous le couvert de l’une des procédures suspensives énumérées à l’article 84 paragraphe 1 point a) [du code des douanes] ou dans une zone franche ou dans un entrepôt franc,
[…]
ils sont réputés être en suspension des droits d’accises.
[…] »

L’article 6 de la même directive prévoit :

« 1. L’accise devient exigible lors de la mise à la consommation ou lors de la constatation des manquants qui devront être soumis à accise conformément à l’article 14 paragraphe 3.
Est considérée comme mise à la consommation de produits soumis à accise :
a) toute sortie, y compris irrégulière, d’un régime suspensif ;
[…]
c) toute importation, y compris irrégulière, de ces produits lorsque ces produits ne sont pas mis sous un régime suspensif.
2. Les conditions d’exigibilité et le taux de l’accise à retenir sont ceux en vigueur à la date de l’exigibilité dans l’État membre où s’effectue la mise à la consommation ou la constatation des manquants. L’accise est perçue et recouvrée selon les modalités établies par chaque État membre, étant entendu que les États membres appliquent les mêmes modalités de perception et de recouvrement aux produits nationaux et aux produits en provenance des autres États membres. »

L’article 7, paragraphes 1 à 3, de la directive sur l’accise dispose :

« 1. Dans le cas où des produits soumis à accise ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre sont détenus à des fins commerciales dans un autre État membre, les droits d’accises sont perçus dans l’État membre dans lequel ces produits sont détenus.
2. À cette fin, sans préjudice de l’article 6, lorsque les produits ayant déjà été mis à la consommation telle que définie à l’article 6 dans un État membre sont livrés, ou destinés à être livrés à l’intérieur d’un autre État membre ou affectés à l’intérieur d’un autre État membre aux besoins d’un opérateur accomplissant de manière indépendante une activité économique ou aux besoins d’un organisme de droit public, l’accise devient exigible dans cet autre État membre.
3. L’accise est due, selon le cas, auprès de la personne qui effectue la livraison, qui détient les produits destinés à être livrés ou auprès de la personne où a lieu l’affectation des produits à l’intérieur d’un autre État membre que celui où les produits ont déjà été mis à la consommation, ou auprès de l’opérateur professionnel ou de l’organisme de droit public. »

La jurisprudence

Lorsqu’une question posée à titre préjudiciel est identique à une question sur laquelle la Cour a déjà statué ou lorsque la réponse à une telle question peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée comportant référence à la jurisprudence en cause. La Cour a estimé que tel est le cas dans la présente affaire.

Par ses deux questions, la juridiction de renvoi demandait si l’article 454 du règlement d’application ainsi que les articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive sur l’accise doivent être interprétés en ce sens que l’État membre dans lequel a été constatée une importation irrégulière de marchandises dans le cadre d’un transport TIR est compétent pour recouvrer les droits de douane et d’accise y afférents.

Cette demande de décision préjudicielle soulève des questions d’interprétation de la réglementation de l’Union en matière de droits de douane et d’accise qui sont identiques à celles posées par l’Østre Landsret (Danemark) dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Dansk Transport og Logistik, précité, ou dont la réponse peut être clairement déduite de la jurisprudence. Il convient d’analyser séparément la compétence pour le recouvrement des droits de douane et celle pour le recouvrement des droits d’accise.

Sur la question du recouvrement des droits de douane

La Cour a déjà jugé que les articles 202, 215, paragraphes 1 et 3, ainsi que 217 du code des douanes doivent être interprétés en ce sens que ce sont les autorités de l’État membre situé à la frontière externe de l’Union, par laquelle des marchandises ont été irrégulièrement introduites sur le territoire douanier de cette dernière, qui sont compétentes pour recouvrer la dette douanière, et ceci même si ces marchandises ont été par la suite acheminées dans un autre État membre où elles ont été découvertes puis saisies (arrêt Dansk Transport og Logistik, précité, point 116).

La compétence en matière de recouvrement des dettes douanières étant partagée entre les différentes autorités douanières des États membres, l’article 454, paragraphe 2, du règlement d’application prévoit que le recouvrement des droits nés à la suite d’une infraction ou d’une irrégularité relève de la compétence de l’État membre sur le territoire duquel ladite infraction ou irrégularité a été commise. Toutefois, conformément à l’article 37 de la convention TIR, l’article 454, paragraphe 3, de ce règlement prévoit que, lorsque l’État sur le territoire duquel l’infraction ou l’irrégularité a été commise ne peut être déterminé, une présomption de compétence joue provisoirement au profit de l’État sur le territoire duquel l’infraction ou l’irrégularité a été constatée. Une telle présomption tombe cependant, lorsque, ultérieurement, la compétence du premier État membre se trouve établie (voir, notamment, arrêt du 22 décembre 2010, ASTIC, C 488/09, points 27 et 28).

La juridiction de renvoi s’interroge sur les conditions dans lesquelles cette présomption peut être renversée. Elle se demande plus particulièrement si, faute pour les autorités douanières d’avoir établi le lieu où l’infraction ou l’irrégularité a été commise, l’État membre dans lequel celle-ci a été découverte demeure compétent même s’il est possible de déterminer, sur la base du lieu de prise en charge du carnet TIR et du scellement des marchandises, l’État membre par lequel les marchandises ont été introduites sur le territoire douanier de l’Union.

Dans le but de renverser la présomption de compétence au profit de l’État membre où l’infraction ou l’irrégularité a été constatée, l’article 454, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement d’application n’exige pas que le lieu de commission de cette infraction ou de cette irrégularité ait été déterminé et formellement établi par les autorités douanières. Ainsi, une association garante peut apporter la preuve du lieu où l’infraction ou l’irrégularité a été commise, le cas échéant à l’occasion d’une procédure juridictionnelle (en ce sens, arrêt BGL, précité, point 53).

Une association garante dispose, pour apporter la preuve du lieu où l’infraction ou l’irrégularité a été effectivement commise, d’un délai de deux ans commençant à courir à compter de la date à laquelle la demande de paiement de la dette douanière née de cette infraction ou de cette irrégularité lui a été adressée (arrêts précités BGL, point 73, et ASTIC, point 32).

Il s’ensuit, estime la Cour que, dans des circonstances telles que celles en cause dans l’affaire au principal, l’association garante peut, dans le respect dudit délai de deux ans, contester par la voie juridictionnelle la compétence des autorités douanières belges pour procéder au recouvrement des droits de douane, et ce alors même que le lieu où l’infraction a été commise n’a pas été officiellement déterminé par ces autorités.

Quant au point de savoir si, dans l’affaire au principal, Febetra est parvenue à renverser la présomption de compétence existant au profit des autorités du Royaume de Belgique en tant qu’État membre où l’infraction ou l’irrégularité a été constatée, la Cour considère qu’il appartient à la juridiction nationale saisie du litige d’apprécier si tel est le cas à la lumière de l’ensemble des circonstances de faits et de droit invoquées par cette association.

Toutefois, il y a lieu de souligner qu’il ressort des termes de la première question posée par la juridiction de renvoi que cette dernière considère qu’il est possible, dans l’affaire au principal, de déterminer sur la base du lieu de prise en charge du carnet TIR et du scellement des marchandises, sans recherche supplémentaire, le territoire de l’État membre situé à la frontière externe de l’Union par laquelle les marchandises en cause ont été irrégulièrement introduites sur le territoire douanier de l’Union.

Il ressort en effet de la décision de renvoi que les cigarettes de contrebande ont été découvertes en Belgique dans des conteneurs scellés. Ces scellés avaient été apposés par les autorités allemandes à l’occasion d’un transport TIR et ont été rompus par les autorités belges lors d’un contrôle douanier effectué en Belgique. Ces circonstances, invoquées par Febetra dans l’affaire au principal, démontrent qu’il est vraisemblable que ces marchandises ont été irrégulièrement introduites sur le territoire douanier de l’Union lors du passage de la frontière externe de l’Union en Allemagne.

De telles circonstances peuvent être invoquées pour renverser la présomption prévue à l’article 454, paragraphe 3, du règlement d’application et démontrer que l’infraction ou l’irrégularité a été commise dans un État membre autre que celui où l’infraction a été constatée.

La Cour conclut que l’article 454, paragraphe 3, du règlement d’application doit être interprété en ce sens qu’une association garante peut prouver le lieu où a été commise une infraction ou une irrégularité en se fondant sur le lieu où le carnet TIR a été pris en charge et où les scellés ont été apposés. Si cette association parvient à renverser la présomption de compétence des autorités douanières de l’État membre sur le territoire duquel une infraction ou une irrégularité a été constatée au cours d’un transport TIR au profit de celles de l’État membre sur le territoire duquel cette infraction ou cette irrégularité a été effectivement commise, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, les autorités douanières de ce dernier État deviennent compétentes pour recouvrer la dette douanière.

Sur la question du recouvrement des droits d’accise

S’agissant de la compétence pour le recouvrement des droits d’accise, l’article 7, paragraphe 1, de la directive sur l’accise prévoit, notamment, la perception de ces droits, dans le cas où des produits soumis à accise ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre sont détenus à des fins commerciales dans un autre État membre, par cet autre État membre (arrêt Dansk Transport og Logistik, précité, point 112).

En l’occurrence, il est vraisemblable que les marchandises découvertes et saisies en Belgique sont détenues à des fins commerciales. Il appartient à la juridiction de renvoi, qui est la seule à avoir une connaissance approfondie et directe du litige qui lui est soumis, d’apprécier si tel est le cas.

Si tel est bien le cas, il découle des dispositions combinées des articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive sur l’accise que les autorités de l’État membre dans lequel les marchandises, introduites irrégulièrement dans l’Union, ont été découvertes et saisies sont compétentes pour recouvrer l’accise. Dans l’affaire au principal, il s’agit des autorités douanières belges.

Si tel n’est pas le cas, les autorités douanières du premier État membre d’importation, à savoir la République fédérale d’Allemagne dans ladite affaire, resteraient compétentes, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive sur l’accise, pour recouvrer l’accise, et ceci même si les produits introduits irrégulièrement n’ont été découverts qu’ultérieurement par les autorités d’un autre État membre (voir arrêt Dansk Transport og Logistik, précité, points 113 à 115).

La Cour décide que les articles 6, paragraphe 1, et 7, paragraphe 1, de la directive sur l’accise doivent être interprétés en ce sens que les autorités douanières de l’État membre sur le territoire duquel des marchandises ont été découvertes, saisies et confisquées sont compétentes pour recouvrer l’accise, même si ces marchandises ont été introduites sur le territoire de l’Union dans un autre État membre, pour autant que ces marchandises sont détenues à des fins commerciales, ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer.

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

8 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27886 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs