Le Conseil d’Etat cherche et détruit le droit administratif.

Par Nicolas Pillet, Avocat.

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Explorer : # droit administratif # conseil d'État # pragmatisme juridique

« Searching, Seek and destroy … Searching, Seek and destroy »

Tel est certainement le titre de Metallica, issu du premier album « Kill’Em All », qui résonnait sous les ors du Palais-Royal lorsque les 3ème et 8ème chambres, réunies pour l’occasion, ont porté un nouveau coup dur, mais pas encore fatal, à notre cher droit administratif.

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Selon les Hauts juges mélomanes : « une décision créatrice de droits, entachée d’un vice qui n’a pas été susceptible d’exercer une influence sur le sens de cette décision et qui n’a pas privé les intéressés d’une garantie, ne peut [désormais] être tenue pour illégale et ne peut, en conséquence, être retirée ou abrogée par l’administration de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers, même dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision » (CE, 7 février 2020, Mme B, req. n° 428625).

Comme les Gibson de Pete Townshend, l’article L. 242-1 du Code des relations entre le public et l’administration vient donc de voler en mille morceaux !

Et voilà encore un moyen en moins au ceinturon des avocats publicistes, qui ne pourront désormais que ronger le maigre os restant du droit administratif (mais reste-t-il encore l’ombre même d’un os quand on observe l’évolution de l’office du juge de l’urbanisme et des contrats pour neutraliser nos moyens… ?).

En réalité, il faut se réjouir – quand on se trouve en défense évidemment … – du pragmatisme du Conseil d’Etat depuis la fameuse et heureuse jurisprudence Danthony dont les effets ne cessent d’irriguer le droit public, à l’instar de la jurisprudence Czabaj relative à l’extension du délai de recours en cas d’irrégularités sur les indications des voies et délais de recours.

En effet, l’adaptation du droit administratif, qui tend à devenir un droit pratique et non plus seulement purement théorique, avait déjà depuis été confirmée dans un arrêt du 18 mai 2018, par lequel l’Assemblée du Conseil d’Etat – qui devait alors certainement "headbanger" sur Overkill de Motorhead– avait, dans le cadre d’un recours par voie d’exception d’un acte règlementaire ou d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d’abroger l’acte réglementaire, tué :
- les moyens tirés des conditions d’édiction de ces actes ;
- et les vices de forme et de procédure ;

dont ces actes seraient entachés, qui ne peuvent désormais plus qu’être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’acte réglementaire lui-même et introduit avant l’expiration du délai de recours contentieux confirmé par CE, 24 février 2020, Sté La Grand’Maison, req. n° 431255.

Scandale pour les requérants, pragmatisme pour l’Administration, gain de temps pour le juge, une chose est sûre : « there is no escape and that is for sure » pour le droit administratif de Chapus !

Nicolas PILLET, avocat inscrit au barreau de Paris

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  • par SEBASTIEN PALMIER , Le 9 mai 2020 à 18:48

    On ne peut que partager le sentiment éprouvé par notre Confrère/ Le Conseil d’Etat n’apparaît plus du tout comme une juridiction impartiale qui respecte et applique le principe de légalité qui a pourtant fait la grandeur de la jurisprudence administrative mais comme une juridiction de l’administration qui ne sanctionne plus rien : une apparence de légalité et un trompe l’oeil dans l’application des règles de droit : bien triste est déshonorant

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