La distinction entre examen et concours.
Un examen se distingue d’un concours par le fait que le nombre d’admis n’est pas limité en nombre ; il suffit de satisfaire les minimas définis au préalable ; les résultats sont appréciés de façon individuelle. Le concours en revanche s’apparente à une compétition : le nombre de lauréats est fixé à l’avance et ces derniers sont classés : le succès de l’un dépend des résultats des autres candidats.
Le présent article s’intéressera aux examens - et de manière incidente aux concours - relevant de la juridiction administrative, c’est-à-dire principalement ceux organisés par les établissements d’enseignement public ou relatif à des examens nationaux (Brevet, baccalauréat, licence, Master).
L’aspect procédural.
Les conditions de recevabilité des recours sont appréciées différemment entre le contentieux des concours et celui des examens. Les candidats à un examen ne sont recevables à agir que contre les délibérations du jury en tant qu’elles concernent exclusivement leur propre situation. Est ainsi dépourvu d’intérêt pour agir un candidat à un examen demandant l’annulation d’une décision ayant admis un autre candidat à cet examen. A contrario, pour contester le résultat d’un concours, compte-tenu de son caractère indivisible il est nécessaire de demander l’annulation de l’ensemble de la délibération.
En outre, un candidat n’est pas recevable à demander l’annulation d’une note ou d’une épreuve. Ces dernières ne constituent que de simples mesures préparatoires non détachables de la décision du jury [1]. Sur ce point, des décisions récentes ont pu venir ouvrir une brèche même s’il convient de rester prudent sur ce point.
Enfin, comme pour toute décision individuelle, le délai de recours contentieux de deux mois n’est opposable à un candidat qu’à la condition qu’elle lui ait été notifiée avec la mention des voies et délais de recours, ce qui reste peu souvent le cas en pratique. A défaut, c’est un délai d’un an qui s’appliquera.
Cependant, les concours et examens déterminant souvent la poursuite du cursus académique de l’étudiant, un référé-suspension sera en pratique souvent introduit pour permettre une résolution rapide du litige. Il est donc important, eu égard à la condition d’urgence, de ne pas retarder la saisine contentieuse et, à l’inverse, de l’accélérer.
Les moyens de légalité externe.
En matière de légalité externe, les moyens habituels sont invocables. L’incompétence de l’autorité ayant pris la décision d’ajournement est sanctionnée, notamment s’il méconnait la compétence du jury. Le président de l’université, pas plus qu’un ministre ne peut ainsi réformer la décision du jury.
Les vices de procédure affectant la composition d’un jury sont également de nature à entraîner l’annulation de ses délibérations. Est ainsi annulée la délibération d’un jury compte-tenu de l’absence de l’examinateur professionnel à l’épreuve de soutenance du rapport de stage prévu par les textes. Est également annulée la délibération d’un jury en raison de la participation de membres du jury retraités de leur activité professionnelle quand les textes prévoyaient qu’ils devaient être en activité. L’est dans le même sens la délibération du jury de l’examen du certificat d’aptitude à la profession d’avocat qui n’était composé que d’avocats, alors que le règlement prévoyait la présence de professeurs ou maîtres-assistants de droit des universités et d’un magistrat [2].
Le jury doit par ailleurs être impartial. L’état de la jurisprudence est fixé par un arrêt de Section selon lequel « la seule circonstance qu’un membre d’un tel jury d’examen professionnel connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu’il s’abstienne de participer aux délibérations qui concernent ce candidat ». En revanche, selon le même arrêt « le respect du principe d’impartialité exige que s’abstienne de participer, de quelque manière que ce soit, aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat un membre du jury qui aurait avec celui-ci des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation » [3]. En outre, « un membre du jury qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l’impartialité requise, peut également s’abstenir de prendre part aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat ». A titre d’illustration, il a été jugé qu’affectait l’impartialité d’un jury la présence d’un professeur en litige avec un étudiant pour des raisons personnelles ou professionnelles dès lors que les liens entre l’étudiant et le professeur étaient « de nature à influer sur son appréciation » [4].
S’agissant d’un jury d’examen, un membre peut en principe se retirer pour ne pas procéder à l’appréciation de l’étudiant à l’égard duquel l’impartialité n’est pas satisfaite. La question est plus délicate s’agissant d’un concours où règne le principe d’unicité du jury, qui impose aux membres d’un jury de concours d’être présents à toutes les épreuves [5]. La jurisprudence fait cependant preuve de souplesse, en prenant en compte le nombre de candidats ou la durée de l’épreuve.
Le moyen tiré du défaut de motivation est quant à lui voué à l’échec : aucune disposition législative ou réglementaire n’impose à un jury d’examen d’assortir les notes attribuées aux auteurs des copies d’une motivation ou d’indications relatives au respect d’un barème de notation, y compris sur les procès-verbaux de délibération.
Les moyens de légalité interne.
En matière de légalité interne, la règle cardinale du contentieux des examens est le principe de souveraineté du jury consacré de longue date et régulièrement rappelé par la jurisprudence.
Cette souveraineté signifie que les critères de notation d’un examen ou d’un concours ne peuvent pas être discutés devant le juge. Il n’exerce ainsi aucun contrôle de la qualification juridique des faits, même pour censurer l’erreur grossière d’un jury sur les mérites réels d’un candidat [6].
La souveraineté du jury ne s’étend cependant pas au-delà de l’appréciation de la valeur des candidats.
En premier lieu, le juge contrôle l’erreur matérielle. Le juge vérifie la matérialité et l’exactitude des notes et sanctionne les erreurs de report de notes des copies sur les relevés de notes. La note doit en outre apparaitre sur la copie et non sur un bordereau.
Ce contrôle de l’erreur matérielle rend d’autant plus nécessaire le droit d’accès aux copies consacré par la jurisprudence. Ce droit s’étend à tous les documents afférents aux examens, s’il ne s’agit pas de documents préparatoires et s’ils ne concernent pas d’autres étudiants [7]. C’est le cas des délibérations des jurys [8], des relevés de notes [9], des grilles individuelles de correction ou d’évaluation d’un concours remplie par le jury pour autant qu’elle ne présente pas le caractère d’un document inachevé et qu’elle ait perdu son caractère préparatoire [10].
Un tribunal a pu annuler une délibération dans une hypothèse où l’administration avait privé les étudiants de la possibilité de déceler d’éventuelles erreurs dans le report des notes sur le procès-verbal de délibération et de contrôler que les délibérations ne reposent pas sur des faits matériellement inexacts.
Dans l’hypothèse où les correcteurs font apparaître sur la copie une note par exercice (ce qui n’est pas obligatoire ), le juge contrôle qu’aucune erreur matérielle n’a été commise dans la somme des notes des exercices.
En deuxième lieu, la souveraineté du jury ne lui permet pas de déroger aux règles préalablement fixées. Ainsi, la méconnaissance d’un règlement d’examen ou d’un règlement des études par un jury entache ses décisions d’illégalité. Une épreuve organisée de manière irrégulière ou tardive est illégale. Le juge veille également au respect de la durée des épreuves, notamment en cas de dépassement ayant pénalisé le candidat ou en cas de réduction d’une durée d’une épreuve même justifiée pour un motif légitime [11].
La prise en compte par le jury de critères non prévus est également prohibée, tels que « des critères tenant à l’âge des candidats, à la nature de leur formation scientifique antérieure ou à la réorientation de leur parcours professionnel ». Un jury ne peut pas fixer lui-même une note éliminatoire, ni ajourner des candidats en raison d’une note insuffisante dans une épreuve dont la note n’était pas éliminatoire.
Les questions hors programme sont prohibées. Le juge vérifie qu’il n’existe, dans le choix du sujet d’une épreuve, aucune violation du règlement du concours de nature à créer une rupture d’égalité entre les candidats.
Le jury ne peut pas prendre en compte des éléments étrangers à l’appréciation du mérite du candidat tels que son âge, les condamnations pénales, son aptitude physique ou ses opinions politiques et son appartenance syndicale. Rappelons qu’en matière de discrimination, la charge de la preuve est allégée : « Le juge, lors de la contestation d’une décision dont il est soutenu qu’elle serait empreinte de discrimination, doit attendre du requérant qui s’estime lésé par une telle mesure qu’il soumette au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte au principe de l’égalité de traitement des personnes. Il incombe alors au défendeur de produire tous ceux permettant d’établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires » [12].
Dans la même ligne, le jury doit respecter le principe d’égalité. Le juge sanctionne les incidents qui ont entrainé une rupture d’égalité entre candidats : retard lors de la distribution d’un sujet, une panne d’électricité qui a justifié la poursuite de l’épreuve avec des machines de location inconnues des candidats, le fait que des étudiants n’ont eu qu’une photocopie en noir et blanc de la feuille de sujet rendant illisible une image. Le Conseil d’Etat a considéré, que l’application par deux professeurs « d’échelles de notation substantiellement différentes » aux deux groupes d’étudiants dont ils avaient respectivement la charge pour la correction d’une même épreuve s’analysait en une rupture du principe d’égalité [13].
En revanche, le principe d’unicité du jury applicable en matière de concours n’est pas applicable aux examens. Le principe d’égalité peut par ailleurs commander des aménagements ou dispense d’épreuve pour les étudiants en situation de handicap, le juge vérifiant que les aménagements prévus sont suffisants et bien été mise en œuvre. A ce sujet, notons que le juge administratif n’hésite pas à censurer les épreuves irrégulières en annulant la délibération [14].