Les difficultés issues de la discordance entre le champ d’application du contentieux « CADA » et celui du Code des relations entre le public et l’administration
Un bref rappel de la procédure contentieuse qui trouve à s’appliquer devant la CADA s’impose. Dès lors que l’autorité compétente est saisie d’une demande de communication de documents, une décision implicite naît à l’expiration du délai d’un mois à compter de la réception de ladite demande. Ensuite, le demandeur dispose, à compter de la notification de la décision de refus ou de l’intervention de la décision implicite de refus d’un délai de deux mois pour saisir la CADA. Une fois la commission saisie, et dans un délai d’un mois à compter de l’enregistrement de la demande au secrétariat, celle-ci est, en principe, censée notifier son avis à l’intéressé et à l’administration mise en cause. De même, le délai de deux mois à l’issue duquel l’administration mise en cause est réputée avoir rejeté la demande de l’intéressé court non pas à compter de la notification de l’avis de la CADA mais à compter de l’enregistrement de la demande par la commission. C’est cette décision qui est susceptible de faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif.
La procédure applicable aux demandes d’avis relatifs à la communication de documents administratifs, et désormais définie aux articles R.343-1 du Code des relations entre le public et l’administration (ci-après : « CRPA »), s’articule, en définitive, en deux temps. Un temps « ante commission » comprend la première saisine de l’autorité administrative par l’intéressé, la réponse implicite ou explicite de celle-ci, puis la saisine de la commission. Le second temps « post commission » intègre la décision de la commission, et la décision de l’autorité administrative qui s’ensuit.
D’ores et déjà, à la seule lecture de la procédure applicable, un premier constat s’impose. Le second temps de la procédure apparaît en réalité peut compatible avec la pratique. Il n’est, en effet, pas rare que la commission rende son avis plus de quatre mois après l’enregistrement de la demande au secrétariat. En conséquence, le refus implicite de l’autorité administrative est susceptible d’intervenir avant même que la CADA n’ait statué, alors que la logique voudrait que la décision de l’administration soit prise sur la base de l’avis rendu. En d’autres termes, il appartient à l’intéressé de saisir le tribunal administratif dans le délai de quatre mois à compter de l’enregistrement de la demande par le secrétariat de la CADA, sans même attendre de connaître l’avis de la CADA, laquelle ne se sera probablement pas encore prononcé sur la question.
Outre cette première incohérence, le nouveau CRPA nous offre une nouvelle contradiction s’agissant précisément de son champ d’application.
La loi n°78-753 du 17 juillet 1978, et désormais les articles L.300-1 et suivants du CRPA, s’appliquent, on le sait, aux documents administratifs produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Ainsi, au sens de ces dispositions, sont des administrations l’ensemble des personnes de droit public ainsi que les personnes de droit privé chargées d’une mission de service public.
Pourtant, le CRPA a vocation à s’appliquer aux seules administrations de l’État, aux collectivités territoriales, leurs établissements publics administratifs et les organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif.
Le champ d’application des articles L.300-1 et suivants du CRPA diverge du champ application des autres dispositions du même code. En effet, les personnes publiques et privées chargées d’une mission de service public industriel et commercial n’entrent pas dans le champ de la loi DCRA du 12 avril 2000 et subséquemment du nouveau CRPA.
Cette divergence des champs application n’est pas sans poser de difficulté lorsque le justiciable entend contester la décision de refus de l’EPIC de communiquer un document administratif.
Lorsqu’intervient la décision implicite ou explicite de refus, l’intéressé dispose d’un délai de deux mois pour saisir la CADA, et ce à peine d’irrégularité de la procédure, laquelle est susceptible d’entrainer, ensuite, l’irrecevabilité de l’éventuel recours contentieux.
En raison de la compétence du juge administratif pour connaître d’une telle décision, les règles issues du code de justice administrative (ci-après : « CJA »)ont vocation à s’appliquer. Ainsi et lorsque la décision est explicite, le délai de recours contentieux n’est opposable, conformément à l’article R.421-5 du CJA, que lorsque la mention des voies et des délais de recours figure dans la décision.
Mais qu’en est-il lorsque la décision de refus prise par l’EPIC est implicite ?
En droit commun, l’article 19 de la loi DCRA n°2000-321 du 12 avril 2000, devenu L.112-6 du CRPA subordonne l’opposabilité des délais de recours à l’indication des mentions des voies et délais de recours lorsque l’administration accuse réception de la demande.
Cependant, ce droit commun ne trouve en l’occurrence pas à s’appliquer en raison de son champ d’application.
Par ailleurs, on ne peut utilement soutenir que le régime issu de l’ancienne loi du 17 juillet 1978 aurait défini un régime juridique dérogeant aux dispositions de la loi du 12 avril 2000, le juge administratif ayant déjà conclu que la loi du 12 avril 2000 trouve à s’appliquer aux demandes de communications de documents administratifs (CAA Nancy, 18 avril 2013, n°11NC01860).
Une lecture stricte des textes applicables nous conduirait ainsi à considérer, à l’instar de la CADA dans son avis « RATP » qu’en présence d’une décision de refus émanant d’une personne publique chargée d’une mission de service public industriel et commercial, le délai de deux mois pour saisir tant la CADA que le juge administratif est opposable au demandeur même dans le cas où il n’en a pas été informé par un accusé de réception (CADA, avis 20131479, séance du 4 juillet 2013). Notons néanmoins que, par ce même avis, la CADA a indiqué que le demandeur pouvait refaire sa demande et l’a d’ailleurs encouragé en ce sens. La CADA n’a donc pas appliqué de manière rigoriste la règle qu’elle a pourtant rappelée.
Une telle solution n’est, à l’évidence, pas satisfaisante. Elle impliquerait d’une part à ce que la tardiveté puisse être opposée à un requérant qui ne se serait jamais vu notifier les voies et délais de recours contentieux, et ce de surcroit alors que le délai présente l’originalité de courir à compter de l’enregistrement de la demande par la CADA. D’autre part, cette interprétation des textes suppose l’application d’un régime distinct au demandeur selon que celui-ci s’adresse à une personne publique chargée d’un service public industriel et commercial ou à une personne publique chargée d’un service public administratif.
En conséquence, et à notre sens, une transposition du principe issu de l’article 19 de la loi DCRA apparaissait indispensable. Une telle solution se justifiait en raison de ce que la procédure « CADA » ne s’applique pas en présence d’une « administration » mais en raison du caractère administratif du document sollicité.
En définitive, vouloir rattacher la mise en œuvre de la procédure administrative à la condition organique pour conserver une certaine cohérence ajoute, en réalité, plus à l’incohérence en ce qu’elle créé une dichotomie entre les différentes administrations préjudiciable au requérant.
La réaffirmation de la mention des voies et délais de recours comme condition de leur opposabilité
En l’absence de texte adéquat sur la question de la mention des voies et délais de recours en matière de communication des documents administratifs, la décision du Conseil d’État du 11 juillet 2016 vient apporter un éclairage utile comblant ainsi les insuffisances du droit en vigueur.
On l’a vu, une fois mise en cause, c’est à l’administration qu’il revient de faire part de son avis à la CADA mais aussi à l’administré. Néanmoins et pressentant surement que l’administration refuserait de jouer son rôle dans cette procédure, il a été prévu que le silence gardé par l’administration pendant un délai de deux mois vaut décision de refus, ce qui est d’ailleurs chose courante en pratique. Plus inhabituel, il a été prévu que le point de départ de ce délai n’est pas conditionné par un évènement auquel prend part l’administration (comme la réception de la demande) mais par l’enregistrement de la demande par la CADA (Articles R. 343-4 et R. 343-5 du CRPA). En raison de cette étrangeté, il peut apparaitre difficile d’appliquer l’article L. 112-3 du CRPA qui prévoit que toute demande doit faire l’objet d’un accusé de réception. En effet, au stade de la saisine de la CADA, aucune demande n’est réalisée auprès de l’administration. Par conséquent, il apparait inenvisageable d’obliger l’administration déjà en cause d’accuser réception d’une saisine d’une autorité administrative indépendante. Or ce n’est que si l’accusé de réception n’est pas transmis que les délais de recours ne sont pas opposables (article L.112-6 du CRPA). Précisément, et conformément aux textes applicables, c’est parce que l’administration manque à son obligation d’information qu’elle est privée de la possibilité d’opposer la brièveté du délai de recours.
Au regard de ce qui vient d’être dit, l’on pourrait concevoir que la spécificité de la procédure CADA permet de faire courir les délais en l’absence de toute information, néanmoins une telle solution apparait tellement inique qu’elle est inenvisageable.
L’on peut donc soit partir du principe non satisfaisant que l’administration voir même la CADA a la charge de communiquer l’information concernant les voies et délais de recours, soit et c’est audacieux partir du principe qu’en l’absence d’information les voies et délais de recours ne sont jamais opposables.
Partir du principe que la CADA ou l’administration doit délivrer une telle information n’est pas satisfaisant et ce pour la simple et bonne raison que la détermination de la personne la plus à même de la délivrer n’est pas aisée.
On pourrait penser en premier lieu que c’est sur la CADA que repose cette charge. En effet, la CADA lorsqu’elle procède à l’enregistrement de la demande pourrait par la même occasion délivrer l’information sur les délais de recours. Toutefois la CADA n’est qu’un tiers par rapport à ce contentieux et son avis qui n’est que consultatif, n’est pas susceptible de recours. En outre, faire reposer une telle charge sur la CADA reviendrait in fine à permettre à l’administration de faire preuve d’inertie en toute impunité. Une telle situation n’est pas souhaitable surtout que l’article L. 311-14 du CRPA par l’emploi des termes « toutes décisions de refus » peut être entendu comme faisant référence non seulement à la décision de refus initiale mais aussi à celle intervenant suite à la saisine de la CADA.
Ainsi, l’obligation de mention des voies et délais de recours ne peut reposer que sur l’administration. Mais alors une nouvelle question apparait : quand doit-elle en informer le demandeur ? On pourrait envisager que l’administration mentionne les voies et délais de recours lorsqu’elle est saisie de la demande de communication initiale. Toutefois la délivrance d’une information intelligible sur cette question semble difficile voire impossible à ce stade (V. en ce sens : A. Lallet « Documents administratifs : accès et réutilisation » fascicule au répertoire Dalloz de contentieux administratif.). A cela s’ajoute que l’administration déjà passive dans cette procédure pourrait, une fois cette formalité accomplie, estimer qu’elle n’a plus de rôle à jouer dans la procédure, ce qui n’est évidemment pas le but recherché.
L’administration pourrait donc délivrer une information postérieurement à la saisine de la CADA. Néanmoins, la plupart du temps cette dernière, lorsqu’elle refuse de communiquer, reste passive. Pire encore, l’on sait que parfois l’administration indique qu’elle va communiquer les documents sollicités (ou en communique quelques-uns) sans jamais procéder à cette communication (ou à la communication complète) ce qui permet bien évidemment de retarder voire d’éviter un recours contentieux tout en laissant le demandeur dans une attente sans fin (V. en ce sens : CE, 28 janvier 1998, Commune de Gravelotte, n°144921).
Aucun moment n’apparait donc opportun pour délivrer au demandeur une information complète sur le recours qui lui est ouvert.
La décision du Conseil d’État est donc la bienvenue puisqu’elle prend acte de cette difficulté et affirme que bien que l’administration mise en cause n’ait pas l’obligation d’informer « le demandeur du recours contentieux qu’il peut former », la conséquence de l’absence d’une telle information est l’inopposabilité des délais. En d’autres termes, et faute d’obligation en ce sens, l’administration n’est pas tenue d’avertir le demandeur de la mention des voies et des délais de recours. Toutefois, et lorsque l’administration ne se soumet pas volontairement à cette information, on ne saurait opposer les voies et délais de recours à l’administré. Autrement dit, l’administration pour pouvoir opposer les voies et délais de recours doit prendre l’initiative d’informer l’administré.
Cette solution revient à réaffirmer le principe selon lequel l’administration doit informer l’administré des voies et délais de recours pour pouvoir par suite, les opposer dans le cadre du contentieux de la communication des documents administratifs.
Pour le moment étendre ce principe à l’ensemble du contentieux administratif peut apparaitre audacieux et ce pour deux raisons à savoir : les termes de la solution du Conseil d’État mais aussi la spécificité du contentieux en cause.
En effet, l’on peut regretter que le Conseil d’Etat n’affirme pas purement et simplement ce principe sur les dispositions de l’article R. 421-5 du CJA dont le champ d’application est plus large que les articles du CRPA qui nous intéressent et qui peut être entendu comme s’appliquant à l’ensemble des décisions administratives (y compris implicites). La décision adoptée est donc prudente et se fonde non seulement sur les dispositions de l’article R. 421-5 du CJA mais aussi et surtout sur les dispositions des articles L. 112-3 et L. 112-6 et R. 112-5 du CRPA qui s’appliquent spécialement dans le cas des décisions implicites. C’est donc de la combinaison de ces dispositions que l’on déduit que l’administration ne peut opposer les voies et délais de recours sans avoir les avoir préalablement mentionnés.
A cela s’ajoute, que le droit à communication est perpétuel et que par suite, il n’existe aucun intérêt à ce que l’on enserre le recours contre une décision de refus de communication dans un délai (CADA, avis 20131479, séance du 4 juillet 2013). De plus on voit mal quels intérêts justifieraient que l’on ne puisse pas remettre en cause une telle décision de refus dans un certain délai.
S’il est donc audacieux d’étendre la solution ici commentée à l’ensemble du contentieux administratif il est possible, et ce même si le rappel des dispositions des articles L. 112-3, L. 112-6 et R. 112-5 du CRPA nuit au raisonnement, d’étendre ce principe à l’ensemble du contentieux en matière de communication des documents administratifs. En effet, le fichage de la décision indique bien qu’il n’existe aucune obligation d’informer le demandeur des voies et délais de recours contentieux et que son absence a pour conséquence l’inopposabilité. En revanche, l’obligation de mentionner l’existence d’un recours administratifs préalable « sous peine » d’inopposabilité demeure en phase « ante commission ». L’on déduit donc que dans un cas l’idée est de faire en sorte que l’on ne puisse pas opposer à un demandeur non informé une irrecevabilité au stade du recours contentieux, alors que dans le second cas l’idée est de sanctionner la personne qui n’a pas délivré l’information. Aussi, si un traitement différencié selon le type de personnes à l’origine de la décision de refus de communication peut se comprendre au stade du recours administratif préalable, cela n’est plus justifié au stade de l’introduction du recours.
Aussi, il n’est pas étonnant que les juges aient pris le parti, dans ce type de contentieux, de vérifier si l’administré a été informé des voies et délais de recours sans tenir compte de la nature de « l’administration » qui a d’ores et déjà était mise en cause dans les règles.
Cette décision est donc la bienvenue et ce tant parce qu’elle clarifie la question de la notification des voies et délais de recours pour introduire une action contentieuse à la suite d’un refus de communication que parce qu’elle affirme que l’administration (dans son sens large) doit notifier les voies et délais de recours pour pouvoir les opposer. Cette décision avec celle précitée rendue quelques jours plus tard tendent à instaurer un certain réalisme en ce qu’elles prennent en compte ce que l’on peut attendre d’un comportement diligent de l’administration comme de l’administré.