Covid-19 : une licence d’office pour fabriquer les vaccins en France.

Par Matthieu Dhenne, Avocat.

1751 lectures 1re Parution: Modifié: 4.8  /5

Explorer : # licence d'office # propriété intellectuelle # fabrication de vaccins # souveraineté industrielle

Pendant que la campagne de vaccination bat son plein, une nouvelle polémique émerge : aucune usine ne fabrique pour l’instant aucun des vaccins sur le territoire français.
Comment expliquer cette situation ? Ne serait-ce pas la faute des brevets détenus par les fabricants sur leurs médicaments qui empêcheraient une fabrication sur le territoire français ?
Article vérifié par l’auteur en septembre 2023.

-

Oui et non.

Oui, parce que les vaccins innovants autorisés exigent effectivement un savoir-faire que seuls leurs fabricants détiennent, que des demandes de brevets y sont sans doute liées, voire également des brevets (même si uniquement à la marge notamment sur l’ARN messager).

Non, parce que ce ne sont pas que les brevets qui sont en cause, mais plutôt les demandes de brevets et le savoir-faire, et finalement les autorisation de mise sur le marché postérieures. Intox aussi parce que si des vaccins autorisés n’étaient pas aussi innovants (comme celui de Valneva) une fabrication serait sans doute aisément envisageable.

Sauf que si le blocage ne vient pas nécessairement des brevets et que la licence d’office n’est pas la solution miracle, elle pourrait néanmoins constituer une contribuer à la résolution du problème.

Rappelons que la France premier marché du médicament en Europe est aussi, comme les autres pays européens, désertée par les fabricants quand il s’agit de fabriquer des médicaments, en raison des coûts excessifs de fabrication sur son territoire.

Propriété intellectuelle et savoir-faire permettent aux fabricants de contrôler la fabrication et donc la fabrication des vaccins à leur guise. La licence d’office pourrait constituer un levier pour les inciter à produire en France ou à aider d’autres fabricants à produire en France.

Mais, pour ce faire, il faudrait réformer un minimum la licence d’office pour qu’elle puisse être efficace.

Cette réforme de la licence d’office, qui est prévue à l’article L613-16 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, pourrait d’ailleurs s’avérer d’autant plus aisée qu’elle pourrait intervenir par voie réglementaire puisque l’article 2 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 introduit un nouvel article L3131-15 dans le Code de la santé publique, autorisant le Premier Ministre, par décret réglementaire, à intervenir "en tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire".
On pourrait ainsi, par exemple, étendre le mécanisme aux demandes de brevet et au savoir-faire, prévoir une condition exceptionnelle d’extrême urgence sanitaire, voire une procédure d’urgence lie à cette dernière, sans oublier de faciliter les autorisations temporaires de mise sur le marché (indispensables pour la commercialisation subséquentes).

Comprenons nous bien : la licence d’office n’est pas une expropriation elle constitue une limitation de l’exercice d’un droit par son titulaire tout en lui assurant des redevances, quand ledit titulaire ne peut pas fournir des quantités suffisantes. Nous sommes exactement dans cette situation aujourd’hui. Le Gouvernement doit donc agir, de toute urgence.

Relocaliser des usines de principes actifs c’est retrouver notre souveraineté industrielle dans le secteur pharmaceutique avec des emplois et des moyens de production face à d’éventuelles pandémies à venir.

Matthieu Dhenne
Avocat à la Cour, Docteur en droit
https://www.dhenne-avocats.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

10 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 370 membres, 27916 articles, 127 262 messages sur les forums, 2 710 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Nouveau : Guide synthétique des outils IA pour les avocats.

• [Dossier] Le mécanisme de la concurrence saine au sein des équipes.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs