Le Plan d’Epargne Retraite Individuel, créé par la loi PACTE du 22 mai 2019, connaît un franc succès auprès des épargnants avec 3,5 millions de souscripteurs et un encours de 43,4 milliards d’euros à la fin septembre 2022, pour les PER ouverts auprès de compagnies d’assurances.
Ce dispositif à vocation universelle semble répondre à une préoccupation importante des français concernant le niveau de leur revenu de remplacement une fois l’heure de la retraite venue, avec un dispositif dont le fonctionnement est assez simple à exposer.
La loi permet aux actifs français, quelle que soit la catégorie des revenus qu’ils perçoivent (traitement et salaires, rémunération des gérants « article 62 », bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux…), d’ouvrir une enveloppe fiscale qui va recueillir des versements volontaires défiscalisés en vue de leur capitalisation et de leur reversement au moment de la retraite du souscripteur.
En contrepartie de la déduction des cotisations versées pendant la période d’activité, les déblocages effectués au moment de la retraite seront imposés.
Le capital sera soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu tandis que les plus-values seront soumises au Prélèvement Forfaitaire Unique (dit « flat tax ») au taux de 30 %.
En cas de décès, le capital sera attribué aux bénéficiaires désignés par le souscripteur, selon un système proche de celui de l’assurance-vie, mais avec un régime fiscal et social spécifique et plutôt attractif.
En ce qui concerne les actifs rémunérés comme salariés ou assimilés (tels que les présidents ou directeurs généraux de société par actions, par exemple), le principe est celui de la déduction du revenu global sur le fondement de l’article 163 quatervicies du Code général des Impôts.
En ce qui concerne les travailleurs non-salariés (TNS), la situation est un peu plus complexe car une ou plusieurs options doivent être exercées.
C’est la raison pour laquelle, il nous a paru utile de revenir sur le principe de la déduction (I) et sur la mise en œuvre de la déduction (II), les fausses manœuvres en la matière étant susceptibles de conduire très exactement au résultat inverse de celui escompté par les épargnants.
I. Le principe de la déduction.
Comme il a été indiqué précédemment, l’objectif du PER est de permettre le cas échéant au souscripteur de déduire de son revenu imposable tout ou partie des cotisations versées sur ledit plan.
En contrepartie, les rente ou capital versés au moment du départ en retraite, seront fiscalisés.
L’idée est ici qu’en règle générale, les revenus des contribuables sont supérieurs en phase d’activité à ce qu’ils seront au moment du départ en retraite.
Dans l’intervalle, le contribuable bénéficie à plein de l’effet de levier fiscal car les sommes investies sont, par définition, majorées de l’impôt non acquitté et augmentent l’assiette du capital devant générer des revenus.
On considère en règle générale que le PERin ne présente d’intérêt que pour les contribuables imposés dans une tranche marginale supérieure ou égale à 30 %.
Les contribuables moins imposés se dirigeront probablement avec profit vers des assurances-vie, nettement plus souples en termes de rachat.
A. L’option pour la déductibilité des versements.
L’article L224-20 alinéa 2 du Code monétaire et financier ouvre au contribuable une option entre déduction et non-déduction des versements de l’impôt sur le revenu.
Pour être plus précis, le texte ouvre au contribuable la possibilité d’opter, à chaque versement opéré sur un PER, pour la non-déductibilité du versement.
Cette option pour la non-déductibilité doit donc être expresse.
Elle est par ailleurs irrévocable.
Il est permis de s’interroger sur l’intérêt d’une telle possibilité, en dehors de certains cas très marginaux où, de surcroît, les sommes pourraient être versées sur des contrats d’assurance-vie…
Quoiqu’il en soit, le texte de l’article L224-20 du Code monétaire et financier précise ensuite qu’en l’absence d’option souscrite lors du versement, les dispositions des articles 154 bis et 154 bis-0 A ou 163 quatervicies du Code général des impôts s’appliquent dans les conditions de droit commun.
La situation est donc la suivante selon le sens de l’option exercée expressément ou tacitement :
Renonciation expresse à la déduction : la non déductibilité au titre du versement considéré est définitive,
Absence de renonciation ou option expresse pour la déductibilité : la déductibilité est en principe acquise au titre du versement considéré.
Une fois l’option pour la déductibilité exercée, tacitement ou expressément, le contribuable TNS devra encore exercer un choix afin de déterminer le revenu duquel il entend déduire les versements.
B. Les deux régimes de déduction des cotisations PER.
Deux possibilités sont offertes aux TNS pour déduire leurs versements sur un PER.
Le contribuable TNS peut choisir de déduire les versements effectués sur son PER de son revenu catégoriel (BIC ou BNC) en application de l’article 154 bis du CGI (a) ou de son revenu global en application de l’article 163 quatervicies du même code (b).
a) La déduction des versements du revenu catégoriel (article 154 bis du CGI).
L’article 154 bis du CGI II indique que les versements sur un PER individuel sont déductibles dans la limite du plus élevé des deux plafonds qui suivent :
10 % de la fraction du bénéfice imposable retenu dans la limite de huit fois le montant annuel du plafond annuel de la sécurité social (fixé à 43 992 pour 2023), auxquels s’ajoutent 15 % supplémentaires sur la fraction du bénéfice imposable comprise entre une fois et huit fois le montant annuel précité,
10 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale.
Si les revenus catégoriels du contribuable sont inférieurs à 43 992 €, le montant maximal de la déduction sera donc de 4 399 euros.
Les revenus du contribuable compris entre 43 992 euros et 351 936 euros, ouvrent droit à une déduction majorée de 15 %, soit ensemble 76 986 €.
Le total annuel des déductions, pour une rémunération de 351 936 euros, ressort donc à 81 385 euros environ.
En contrepartie de ce plafond « majoré », le contribuable TNS ne peut bénéficier ni du report de plafond sur 3 ans, ni de la mutualisation du plafond avec celui de son conjoint comme le prévoit l’article 163 quatervicies.
b) La déduction des versements du revenu global (article 163 quatervicies).
Aux termes de l’article 163 quatervicies du CGI, les versements au titre d’un PER sont déductibles du résultat net global à concurrence de 10 % des revenus d’activité professionnelle, ou si elle est supérieure, d’une somme égale à 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.
A ce montant s’ajoutent, sur option, les plafonds non utilisés par l’autre membre du couple ou chaque partenaire du pacte.
En outre, les plafonds non utilisés d’une année peuvent être utilisés au cours de l’une des trois années suivantes.
Le principal critère de choix entre les deux solutions possibles est donc celui du plafond applicable.
Ainsi, lors de la mise en place d’un PER, le contribuable aura très probablement intérêt à opter pour la déduction de ses versements du revenu global, ce qui lui permettra de bénéficier des plafonds non utilisés des années précédentes et de ceux de son conjoint, le cas échéant.
En rythme de croisière, une fois ces plafonds épuisés, ce sera plutôt l’imputation sur le revenu catégoriel qui sera choisie, en raison de son plafond supérieur.
Voyons maintenant comment s’opère le choix par le contribuable.
II. La mise en œuvre de la déduction.
A. Position du problème.
La décision d’imputer les versements effectués sur le revenu global présente un caractère subsidiaire dès lors que l’article 163 quatervicies du CGI pose comme conditions (i) que le contribuable n’ait pas renoncé à la déductibilité de ses versements et (ii) que les versements n’aient pas été déduits du revenu catégoriel.
Pour mettre en œuvre ce principe, encore convient-il ici de distinguer selon la catégorie des revenus déclarés par le contribuable.
Lorsqu’il s’agit de bénéfices industriels et commerciaux ou de bénéfices non commerciaux, la situation est simple.
Si les cotisations facultatives ont été inscrites dans la comptabilité du professionnel, c’est nécessairement en vue de leur déduction du revenu catégoriel.
Dans le cas contraire, en vertu du principe de subsidiarité rappelé ci-dessus, seule la déduction du revenu global restera possible.
En ce qui concerne les dirigeants relevant de l’article 62 du Code Général des Impôts (notamment gérants majoritaires de SARL ou de SELARL), la situation est plus confuse.
En effet, la rémunération qu’ils perçoivent ne constitue pas à proprement parler un « résultat », issu d’un compte de résultat.
La société dirigée par un gérant majoritaire déclare un résultat dont elle a pu déduire des cotisations obligatoires du gérant, le plus souvent prises en charge par convention, et, le cas échéant, des cotisations facultatives.
De son côté, le gérant TNS déclare sa rémunération sur la déclaration de revenu Cerfa 2042 en case
1 GB ou 1 HB.
Il convient ici de préciser qu’il s’agit de sa rémunération brute à laquelle on ajoute les avantages en nature mais dont seront déduites les cotisations sociales obligatoires et facultatives, en ce compris les versements opérés sur un PER.
On observe immédiatement que ces derniers ne sont donc pas assimilés à un avantage en nature du point de vue de l’impôt sur le revenu.
Il convient surtout de relever que le montant à déclarer par le contribuable suppose un processus calculatoire qui, s’il n’est pas réalisé par l’expert-comptable de la société, devra l’être par le contribuable lui-même.
Ainsi, c’est à l’occasion du calcul de sa rémunération et de son report sur la ligne 1 GB ou 1 HB de sa déclaration de revenu que le contribuable exerce, le cas échéant, l’option pour la déduction des cotisations de PER du revenu catégoriel.
Il s’agit donc d’une option peu explicite dès lors que les cotisations versées sur un PER ne donnent pas lieu à déclaration en tant que telles, en vue de leur déduction, laquelle est opérée en amont.
Dans l’hypothèse où le TNS n’aurait pas déduit les cotisations versées sur le PER de sa rémunération en amont de la déclaration de revenus, lesdites cotisations seront considérées comme du revenu et il sera possible de les déduire du revenu global.
En définitive, et contrairement à ce que l’on peut parfois lire, les cotisations prises en charge par la société peuvent donc donner lieu à déduction, du côté du travailleur non salarié, aussi bien au titre du revenu catégoriel qu’au titre du revenu global.
B. Les subtilités déclaratives.
Nous rappellerons que les cotisations sociales facultatives, si elles sont déductibles de l’impôt sur le revenu, ne sont pas déductibles de l’assiette des cotisations sociales obligatoires.
La Déclaration Sociale des Indépendants (DSI) que les travailleurs non-salariés devaient souscrire tous les ans était à cet égard explicite car elle comportait une rubrique spécifique dans laquelle ces cotisations facultatives (Madelin notamment) devaient être reportées.
Depuis la disparition en 2021 de la Déclaration Sociale des Indépendants (DSI), c’est le Trésor Public qui collecte une partie des données nécessaires à l’établissement des cotisations sociales obligatoires.
Il conviendra donc de veiller à servir convenablement les cases de la déclaration de revenu afin de s’épargner toute mauvaise surprise liée, par exemple à l’augmentation artificielle de l’assiette des cotisations sociales obligatoires ou encore, à une double déduction des cotisations versées sur le PER.
a) En vue de l’établissement de l’impôt sur le revenu (et de la mise à jour des plafonds individuels de déduction).
En cas d’option du contribuable pour la déduction du revenu catégoriel, il n’y a pas lieu à déclaration spécifique des cotisations sur le formulaire 2042 en vue de leur déduction.
Les cotisations versées devront néanmoins être mentionnées en vue de leur déduction du plafond, afin qu’il soit actualisé.
Ainsi, il conviendra de reporter en case 6 OS, les sommes déduites des revenus catégoriels, dans la limite toutefois de 10 % de 8 PASS.
En effet, la fraction des cotisations correspondant aux 15 % supplémentaires déductibles entre 1 et 8 PASS n’est pas prise en compte en termes d’utilisation du plafond.
Pour mémoire, les cotisations versées sur les anciens contrats Madelin, doivent également être déclarées en case 6 QS, toujours en vue de leur prise en compte en soustraction du plafond, selon le même calcul que supra.
Lorsque le contribuable opte pour la déduction du revenu global, les cotisations sont à déclarer en case 6 NS, 6 NT ou 6 NU.
Dans ce dernier cas, les cotisations sont en principe automatiquement prises en compte en soustraction du plafond de déduction disponible.
b) En vue de l’établissement des cotisations sociales obligatoires.
En cas d’option pour la déduction du revenu catégoriel (article 154 bis du CGI), et dans ce cas seulement, il appartiendra au contribuable de renseigner les cases DSEA ou DSEB afin de permettre la juste prise en compte des cotisations facultatives dans l’assiette des cotisations sociales obligatoires.
Nous rappellerons ici que seules sont concernées les cotisations prises en charge par la société.
Les cotisations versées par le contribuable à partir de fonds ayant déjà supporté l’impôt et/ou les charges sociales ne doivent en aucun cas être déclarées ici.
On ne saurait donc trop conseiller au contribuable TNS qui envisagerait de procéder à des versements issus de son épargne personnelle, d’ouvrir un PER spécifique ne recueillant que des versements de cette provenance, afin de se simplifier les formalités déclaratives.
Outre les cotisations versées sur un PER, il conviendra également de déclarer ici les cotisations liées à la prévoyance et qui, usuellement, sont prises en charge par la société.
Conclusion
La logique assez simple du PER, sa vocation à s’appliquer au plus grand nombre et l’incitation fiscale à son utilisation ont probablement beaucoup contribué à son succès.
Sous réserve que le contribuable soit imposé dans une tranche supérieure ou égale à 30 %, le dispositif est très efficace et mérite son succès.
Encore convient-il que le TNS procède à la déclaration conforme des cotisations versées et ce n’est pas chose aisée !
Discussions en cours :
Bonjour,
Article très intéressant !
Néanmoins, un doute subsiste de mon côté quant à la pertinence des conseils qui m’ont été donnés par mon courtier.
Il m’a été indiqué que mes cotisations mensuelles pouvaient être déduites de mon revenu d’activité et que mes versements volontaires, en fin d’année par exemple, pouvaient l’être sur mon revenu global.
Qu’en pensez vous ?
Merci !
Bonjour,
Je ne connais pas de dispositif fiscal permettant une double déduction mais je serais très intéressé par un tel cadeau.
En réalité, je ne pense pas que l’idée de votre courtier ait été de vous faire déduire deux fois les mêmes cotisations ce qui est naturellement impossible.
C’est ce qui est indiqué dans le A du II de mon article : la déduction du revenu global présente un caractère subsidiaire par rapport à la déduction du revenu catégoriel.
En français non juridique, ceci signifie que la déduction du revenu global n’est possible qu’en l’absence de déduction du revenu catégoriel.
La suggestion qui semble vous avoir été faite est d’utiliser les deux régimes appliqués l’un aux versements réguliers, l’autre aux versements ponctuels.
Ceci semble théoriquement possible mais en pratique il va être difficile de définir le plafond, à cheval sur les deux régimes.
Mieux vaut à mon sens s’en tenir au système le plus lisible : un seul système de déduction par année fiscale, choisi en fonction du niveau de plafond maximal offert (report des plafonds des années antérieurs, plafonds non utilisés du conjoint).
Bien cordialement.
Bonjour,
en bas du bulletin d’adhesion de mon PER TNS il y a marqué ceci :
"A défaut d’option pour la non déductibilité de votre versement, et si vous êtes TNS ou TNS agricole, veuillez préciser le régime fiscal choisi :
☒ Article 163 quatervicies du CGI
☐ Article 154 bis du CGI (pour les TNS non agricoles) ☐ Article 154 bisO A du CGI (pour les TNS agricoles)
Sans précision de l’adhérent, le versement initial sera considéré comme déductible dans le cadre fiscal de l’article 163 quatervicies du CGI. Le régime fiscal choisi lors de l’adhésion pour le versement initial s’appliquera à l’ensemble des versements."
Est-ce normal ? pourquoi l’assureur se mêle de ça ? et pourquoi je ne pourrais pas choisir chaque année sans demander l’avis de mon assureur ?
Merci beaucoup à vous pour votre article ; le mieux que j’ai trouvé sur la toile :)
Bonjour,
La réponse à cette question est négative : l’option ne peut être exercée que par vous.
Selon ma compréhension, les assureurs emploient ce genre de stratagème principalement pour se simplifier l’existence, et limiter les frais, en évitant d’avoir à vérifier versement par versement quelle est l’option fiscale choisie par leur client.
Comme indiqué dans mon article, l’option principale à exercer, et qui devrait pouvoir être exercée à chaque versement, est entre déductibilité et non-déductibilité.
Lorsque vous avez opté pour la non-déductibilité, l’option "définitive" entre 163 quatervicies et 154 bis du CGI s’exerce en établissant votre déclaration de revenus, selon les modalités précisées.
Merci pour votre commentaire !