L'IA en Direction Juridique : entre mythes et réalités.

L’IA en Direction Juridique : entre mythes et réalités.

Le cabinet de conseil Calame nous propose cet article, extrait de sa newsletter périodique, un sujet intitulé "L’intelligence artificielle, je fais comment, moi ?!"
La question et la réponse nous semblant très pertinentes, nous partageons !

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L’IA générative, les annonces, les roadmaps, les outils, les promesses... L’IA générative a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois. Le sujet est chaud et vous intéresse, nous n’échappons pas à la règle.

Mais concrètement, comment faire au sein d’une Direction Juridique ?! Comment alléger le fardeau porté au quotidien par un département aux enjeux si spécifiques ?

La base : les données

La première étape d’une réflexion sur l’IA doit être la question des données. Les vôtres et les leurs.

Les leurs d’abord. Pour créer ces LLMs si bien entrainés, les géants de l’IA ont scrapé (comprendre "volé") tout ce qu’ils ont pu trouver en ligne. Littéralement. Ils ont scrapé toute la Toile (oui, je parle comme ma grand-mère) et ont tout fait ingérer par leurs modèles si gourmands. Et pourtant les juristes le savent mieux que quiconque, "disponible en ligne" cela n’équivaut pas à "libre de droits". Cette question épineuse engendre assez naturellement un certain nombre de risques.

Par exemple, OpenAI se défend actuellement contre une attaque de John Grisham (l’auteur) mais également d’autres auteurs qui ont vu ChatGPT reproduire leur style, voire des paragraphes et chapitres entiers. Or, un LLM, c’est comme un gâteau : vous ne pourrez pas enlever les 50g de sucre volé que vous avez incorporé dans votre recette. Il faudrait recommencer à partir de zéro. Le coût d’entraînement de ChatGPT4 est estimé à 100 millions de dollars... et il faudrait recommencer à chaque fois...

Vous l’avez également sans doute lu dans la presse, Air Canada vient d’être condamné à verser une compensation à un passager qui s’est fié aux réponses fournies par leur chatbot. Le risque qu’un modèle génère des contenus erronés est bien réel. Si vous construisez un process business critical sur un LLM, que ferez-vous quand John Grisham ou Stephen King obtiendront gain de cause et qu’un juge américain ordonnera le retrait du LLM du marché ? Car c’est alors l’ensemble du modèle qui succombe.

Et maintenant, vos données.

Malgré les efforts de la France, notamment de l’entreprise Mistral AI, la plupart des solutions hautement performantes sont actuellement américaines. Dès lors, êtes-vous d’accord pour transmettre vos données Outre-Atlantique ? Si la réponse est négative, cela simplifie bien de choses. La question se pose régulièrement pour l’hébergement des données des solutions que vous utilisez, mais étonnement moins souvent dans ce cas d’usage. L’emballement de la nouveauté ?

Est-ce que vous souhaitez utiliser un service API ? Vos données transitent par quels pays ? Est-ce que l’abonnement sélectionné vous permet d’empêcher la réutilisation de vos données pour l’entraînement du modèle ?

Gardons bien en tête l’anglicisme data is the new oil. Les données notamment juridiques sont désormais une ressource stratégique pour votre entreprise. Il faut les traiter comme telle. L’achat et revente des données deviendra à moyen terme une source de revenus supplémentaires pour bien plus d’entreprises que ce n’est déjà le cas actuellement.

Mais j’achète quoi, moi ?!

Pour la plupart des entreprises, OpenAI propose la solution la plus accessible avec une intégration directe sur l’architecture Azure de Microsoft et des offres permettant de contrôler l’utilisation des données, à partir des quelques dizaines d’euros par mois.

"Ah, mais moi, je ne suis pas du tout OK avec les Américains, je fais quoi ?"

Le fine-tuning d’un modèle avec vos propres données est remarquablement accessible. Nul besoin de débourser des centaines de milliers d’euros pour accéder au mystérieux Harvey, dont le détail de la performance reste tout à fait obscur malgré les habitudes du marché à vanter les performances...

Mixtral, un modèle proposé par Mistral, par exemple, est la première solution française en termes de performance même si, comme tous les modèles entraînés sur les données "internet", le français ne fait que 5% du volume total. Vous pourriez déployer un modèle custom afin de gérer l’utilisation de vos données, le mettre à jour, le contrôler, bref, vous serez les chefs. En revanche, ce ne sera pas quelques dizaines d’euros par mois !

"Mais moi, je ne veux même pas de leurs données volées, je veux un truc clean de chez clean !"

Une seule option : un modèle dont vous êtes sûr de la provenance des données d’entraînement. Soit, vous en faites un, soit vous achetez le seul modèle "clean" commercialisé à jour, celui de Kelvin273. Cette solution ne convient pas à tout le monde, mais la performance est époustouflante. Le modèle est si performant qu’il peut être installé en local, sur un ordinateur assez basique (Macbook Air 2021) sans transfert de données.

"Et je fais quoi avec ?"

Ah.

En effet, un certain nombre d’équipes nous contacte sans avoir la moindre idée de comment l’utiliser pour de vrai. Ne faites pas comme eux. Avant de se poser toutes ces questions sur l’IA, posez-vous d’abord la question des use cases.

Voici quelques exemples tirés de nos expériences aux frontières des combats des Directions Juridiques en France et au-delà :

  • Analyse de contrats existants
    Vous avez 40.000 contrats et vous voulez savoir lesquels contiennent une rédaction de clause particulière ?
    Vous pourrez utiliser l’intelligence artificielle pour identifier ces documents rapidement sans avoir à les relire un par un.
    Automatisation d’un travail long, chronophage, pas particulièrement intéressant en soi, mais dont les résultats seront en revanche très impactants. Le cas d’usage idéal pour un recours à l’automatisation.
  • Self-service
    Les opérationnels vous harcèlent avec des questions aussi incessantes que répétitives ? (et sans grand intérêt, soyons honnêtes).
    La mise à disposition d’un chatbot qui ne fournit que des réponses sourcées, références à votre fond documentaire à l’appui pourrait bien vous soulager.
    A la clef : accélération du traitement des demandes business, libération du temps pour les juristes, recentrage sur les tâches importantes et impactantes. Alléluia.
  • Créativité
    Pas de bol. Les systèmes marchent sur la base de la probabilité, et sont entraînés sur les données du passé. Rien ne permet de garantir que ce ne sera pas le cas à long terme, mais pour l’instant, la créativité reste l’apanage des juristes (des juristes créatifs, à tout le moins).

Conclusion

On va vous dire un truc que l’on entend peu souvent sur le marché : réfléchissez d’abord.

Longuement.

L’intelligence artificielle partage bien des choses avec la boite de Pandore. La tentation de faire plus avec moins. La tentation d’aller plus vite.

Les données que vous utilisez, les vôtres et celles des autres, sont au cœur de l’économie de demain. Le chemin que vous emprunterez maintenant pourrait finalement vous éloigner de votre but.

Mais l’IA générative ne remplacera jamais une personne. Au mieux, elle remplacera une tâche ou elle permettra une accélération d’un travail donné.

La vraie force d’une Direction Juridique, sa créativité et sa force de proposition business, n’est pas (encore) remplaçable.

Sa valeur ajoutée humaine et le lien avec les individus semblent préserver de ces outils.

Dans l’attente, testez, testez, testez ! Trouvez une solution qui vous convient d’un point de vue des données, regardez vos flux de travail pour trouver un use case et testez encore et encore !

Jonathan Williams
Cabinet Calame

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