Les droits d’auteur de l’architecte portent aussi bien sur les bâtiments construits, un ensemble de bâtiments, la répétition des plans, les dessins, les croquis, les esquisses, les plans, les maquettes.
1. La titularité des droits d’auteur.
La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée [1].
Lorsque l’œuvre architecturale est une œuvre de collaboration.
Lorsque plusieurs architectes ont concouru à la création d’une œuvre qui leur est commune, ils sont copropriétaires indivis sur cette œuvre, en application de l’article L113-3 du CPI :
« L’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Ils doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartiendra à la juridiction civile de statuer ».
Autrement dit, cette copropriété indivise sur l’œuvre« requiert le consentement unanime des coauteurs pour son exploitation » [2].
Lorsque l’œuvre architecturale est qualifiée d’œuvre collective.
L’œuvre collective est définie comme étant l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé [3].
La qualification d’œuvre collective est retenue dès lors qu’une seule et même personne (physique ou morale) dirige et publie l’œuvre architecturale. En matière d’architecture, l’agence d’architectes sera seule investie des droits d’auteur sur l’œuvre architecturale qu’elle a dirigée et publiée seule.
Ainsi, il a été récemment jugé que le fait que les différents documents techniques mentionnaient le nom d’une seule agence d’architectes - dans le cadre d’un partenariat entre deux agences qui œuvraient ensemble - en dépit du fait, que sur certains documents le nom des architectes personnes physiques soit parfois mentionné à côté du nom de l’agence, ne permettent pas d’exclure la qualification d’œuvre collective. De telle manière, que seule l’agence peut se prévaloir du bénéfice des droits d’auteur [4].
Néanmoins, dans une autre décision, les juges n’avaient pas retenu la qualification d’une œuvre collective pour un projet architectural, lorsque l’ensemble des notes architecturales, plans, illustrations, notes de présentation et les courriers adressés aux maîtres d’ouvrage dans le cadre de l’exécution du marché, de même que les articles de presse, portent la mention des noms des deux architectes personnes physiques. Que les seuls quelques plans et dessins épars indiquant le numéro national d’inscription de la société au tableau des architectes sont insuffisants, et que la qualité d’attributaire du marché de maîtrise d’œuvre architecturale est sans effet en droit d’auteur.
De plus, les juges avaient considéré que la société d’architectes ne démontrait pas, non plus, que l’œuvre avait été créée sous sa direction et ne justifiait pas de la moindre instruction donnée à ses salariés ou collaborateurs. Au demeurant, la société ne démontrait pas que divers auteurs ont participé sous sa direction à l’élaboration de l’œuvre.
Ainsi, seuls les associés de l’agence d’architectes pouvaient être investis des droits d’auteur sur leur création et non l’agence [5].
2- La cession des droits patrimoniaux de l’architecte associé auteur de l’œuvre architecturale.
L’application des principes en matière de droit commun d’auteur.
Les œuvres architecturales sont soumises au droit commun d’auteur.
Ainsi, pour la transmission des droits d’auteur de l’architecte auteur de l’œuvre un écrit est obligatoire [6].
Ce principe a été consacré par la jurisprudence dans un arrêt de la Cour de cassation du 16 mars 2004 (1 civ. n°99-12015), selon lequel :
« le louage d’ouvrage n’emportant aux termes de l’article L111-1 du CPI aucune dérogation à la jouissance du droit de la propriété intellectuelle de l’auteur, la preuve d’une cession de ses droits d’exploitation doivent être établie par convention expresse et conclue dans les conditions de l’article L. 131-3 du CPI ; à savoir que la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimités quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».
En effet, les contrats de cession doivent répondre aux dispositions de l’article L131-3 du CPI, exigeant une délimitation de la cession.
A savoir que :
« La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».
De même, la cession globale des œuvres futures est nulle [7]. Ce qui permet d’identifier l’œuvre architecturale, avant d’être cédée.
Quid de la cession des droits d’auteur par l’architecte associé au profit de la société d’architectes.
Dans les structures d’agences, les architectes associés peuvent être amenés à céder leurs droits patrimoniaux sur leurs créations, au profit de la société, dans le cadre d’un pacte d’actionnaires ou d’associés.
Se pose, ainsi la question de la validité de la cession des droits de propriété intellectuelle consentie au profit de la société, dans le cadre d’un pacte d’actionnaire ou d’associés.
Vers un allégement du formalisme ?
Récemment, la Cour d’appel de Montpellier dans un arrêt du 18 octobre 2022, a validé une clause de cession de droits de propriété intellectuelle dans un pacte d’actionnaires [8].
Il s’agissait d’une start-up dont l’objet était la conception de logiciels de modélisation pour les architectes et professionnels du bâtiment.
Un associé, nommé en qualité de directeur général a adhéré à un pacte d’actionnaires aux termes duquel il était prévu que :
« les droits patrimoniaux afférents à toutes les créations, logiciels, développements informatiques et aux inventions brevetables réalisées par l’une des parties dans l’exercice de ses fonctions sont dévolus à la société ».
Le litige est survenu entre les parties relatif à la propriété d’un code informatique utilisé par la société en question. La société se prévaut d’un pacte prévoyant la cession des droits des actionnaires signataires sur l’ensemble de leur création futures.
Selon l’ancien associé, le pacte d’actionnaires portant sur la cession des droits d’auteur constitue une convention de cession globale d’œuvres futures, au visa de l’article L131-1 du CPI et est non conforme aux dispositions de l’article L131-3 du CPI, en ce que la cession est générale.
Néanmoins, selon la Cour d’appel :
« ces dispositions ne s’appliquent qu’aux contrats prévus par l’alinéa 1 de l’article L131-2 du CPI, à savoir les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle et que tous les autres contrats de cession de droit d’auteur ne sont soumis par le 2nd alinéa qu’à la seule obligation d’un contrat écrit ».
Or, selon la Cour :
« le pacte d’actionnaires auquel l’ancien associé a adhéré précise que les droits patrimoniaux afférents à toutes les créations, logiciels, développements informatiques et aux inventions brevetables réalisés par l’une des parties, dans l’exercice de ses fonctions et missions sont dévolus à la société ».
Autrement dit, selon les juges, la société a acquis les droits d’auteur émanant de toutes les parties, alors que les dispositions de l’article L113-1 du CPI ne prohibent nullement le transfert de droits de propriété intellectuelle en vertu d’un pacte d’actionnaires, hors les cas des contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle.
Dans un autre arrêt, la Cour d’appel de Paris a également validé une clause de cession générale d’un pacte d’actionnaires. Dans cette affaire, une des créatrice a formulé une demande reconventionnelle en contrefaçon en reprochant à la société d’exploiter des modèles de robes qu’elle a créées après son départ de la société [9].
Selon la Cour, la créatrice avait conclu un pacte d’actionnaires par lequel chaque membre déclarait :
« avoir transféré à la société la pleine propriété de l’ensemble des droits de propriété intellectuelle (...) nécessaires ou utiles aux activités de la société s’interdisait à l’avenir de déposer ou de protéger de quelque façon que ce soit, à son nom, (...), tous droits intellectuels (brevets, marques, ...) nécessaires ou utiles à l’activité de la société et s’engageait à déposer et protéger lesdits droits exclusivement au nom de la société afin que cette dernière puisse en jouir et en disposer librement comme propriétaire ».
Selon les Juges par un tel pacte, l’une des créatrice a cédé à la société ses droits patrimoniaux d’auteur relatifs aux robes en cause.
Or, comme le soulève, à juste titre, certains auteurs, cette décision est "doublement critiquable", en ce que d’une part, les juges ont écarté l’application de l’article L131-3 du CPI, exigeant une délimitation de la cession, au motif que : « ces dispositions ne visent que les seuls contrats énumérés à l’article L. 131-2, al. 1er, à savoir les contrats de représentation, d’édition et de production audiovisuelle ». Alors que l’alinéa 2 de l’article L131-2 du CPI exige un écrit pour tous « les contrats par lesquels sont transmis des droits d’auteur ». Et d’autre part, le pacte d’actionnaires en question étant valable pour un nombre indéterminé d’œuvres et pour une durée minimale de 12 ans, contrevient au principe de l’interdiction de la cession globale des œuvres futures, prévue à l’article L131-1 du CPI. « Il semble surprenant d’admettre pour les pactes d’actionnaires, des clauses de cession automatiques que l’on refuse de jurisprudence constante au sein de contrat de travail » [10].
Cette critique soulevée justement par l’auteur peut également être transposable au récent arrêt de la Cour d’appel de Montpellier du 18 octobre 2022 [11].
En somme, bien qu’il y ait lieu de constater une nette tendance vers un allègement du formalisme quant à la détermination des droits cédés par la Jurisprudence, aucune des décisions n’a, encore, été tranchée par la Cour de cassation.
Et, en matière d’architecture, il demeure quoiqu’il en soit, prudent de soigner la rédaction des clauses de cession des droits patrimoniaux d’auteur en respectant les mentions obligatoires prévues par l’article L131-3 du CPI, sur la délimitation des droits cédés, et en précisant l’objet de la cession, afin d’éviter une cession globale d’œuvres futures [12].
Il en est de même dans le cadre des marchés publics, pour les clauses de cession des droits de propriété intellectuelle dans les CCAP (cahiers de clauses administratives particulières), qui doivent respecter les principes d’ordre public applicables aux contrats d’auteur.
Et enfin, un pacte d’actionnaires ou d’associés ne crée d’obligations qu’à l’égard de ses signataires, ainsi il est conseillé à l’architecte associé de rester vigilant quant à ses droits dont il est propriétaire.