I. La difficile protection des droits d’auteur.
Le droit d’auteur protège les œuvres de l’esprit, quelle que soit leur forme d’expression, à condition qu’elles soient originales.
L’originalité des œuvres, photos et vidéos peut être assimilée à l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Cette originalité est examinée par les tribunaux « dans son ensemble au regard de la combinaison des différents éléments, même banals, la composant » [1].
Dans l’affaire du 7 septembre 2023, la cour d’appel a confirmé le jugement de première instance en reconnaissant l’originalité de la photographie en question.
Les juges ont identifié plusieurs éléments caractérisant l’empreinte de la personnalité de l’auteur :
- Le cadrage réalisé : la cour a souligné la composition spécifique de l’image, avec au premier plan les casseroles utilisées pour le glaçage et le topping.
- La gestion de la profondeur de champ : les juges ont relevé que la première casserole était légèrement floutée pour mettre en relief le second plan.
- La capture d’un instant précis : l’image saisissait le moment exact où le chocolat coulait en mince filet du bâtonnet glacé.
- Le choix des couleurs : la cour a noté que les couleurs utilisées étaient toutes dans le même ton.
- La gestion de la lumière : une lumière diffuse a été utilisée pour créer une ambiance particulière.
Par ailleurs, la cour a rappelé un principe important du droit de la propriété intellectuelle : la bonne foi est inopérante en matière de contrefaçon.
Ainsi, même si la défenderesse arguait de sa bonne foi, cet argument n’a pas été retenu pour écarter la contrefaçon du fait de la reprise sans autorisation de la photographie sur Internet et sur LinkedIn.
Mais cet arrêt ne reflète cependant pas la tendance en la matière.
En effet, la protection des droits d’auteur pour les œuvres photos et vidéos, notamment sur les réseaux sociaux, est souvent écartée par les tribunaux, faute d’originalité suffisante [2].
Un nouvel axe : le parasitisme économique.
Une nouvelle voie ouverte récemment par la jurisprudence pourrait être intéressante pour les titulaires d’œuvres photos et vidéos : celle du parasitisme économique.
Pour rappel, le parasitisme économique désigne un comportement par lequel une entreprise tire indûment profit des efforts, des investissements ou de la réputation d’une autre entreprise, sans investir elle-même ou fournir d’efforts équivalents.
Il s’agit d’un cas de concurrence déloyale, même en l’absence de faute, lorsque l’entreprise parasite se place dans le sillage d’une autre pour profiter de ses succès ou de ses innovations, tout en évitant les risques ou les coûts associés à l’activité de celle-ci.
La Cour d’appel de Paris [3] a récemment dénié la protection des droits d’auteur à des photographies faute d’originalité, car
« les choix de la photographe dans la réalisation de ces deux clichés étaient nécessairement contraints, quand bien même, en qualité de professionnelle de la communication, elle a pu bénéficier d’une certaine latitude, sa mission étant avant tout de photographier un mannequin professionnel ».
En revanche, la cour condamne la société ayant repris sans autorisation ces photographies pour parasitisme économique, dans la lignée de plusieurs décisions des tribunaux judiciaires en ce sens.
Les juges considèrent en effet que la société appelante démontrait des « investissements » pour la réalisation de ces photographies au travers de relevés de comptes produits, et que les photographies avaient été utilisées à de multiples reprises sur ses réseaux sociaux (Pinterest, Instagram).
Par conséquent, la reprise par la société intimée de ces photographies sans autorisation et en s’épargnant des efforts d’investissement ab initio, constitue des actes de parasitisme, donnant lieu au versement de 8 000 euros de dommages et intérêts.
Dès lors, on peut déduire qu’une société ayant investi pour réaliser des œuvres photos et vidéos et pouvant le démontrer, aura tout intérêt à entamer une action pour parasitisme économique si ces œuvres sont reprises sans son autorisation dans un contexte commercial.
La contrefaçon pourra être également invoquée, mais sous réserve de la démonstration complexe d’une originalité suffisante.