Le droit à l’image des morts.

Par Alexandre Blondieau, Avocat, et Aurélie Thuegaz, Docteur en droit.

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Explorer : # droit à l'image # vie privée # mémoire des morts # préjudice personnel

La problématique de la défense de l’image des défunts pose des questions qui ne sont pas sans rappeler l’exercice d’un autre droit de la personnalité : celui du droit moral de l’artiste après son décès.

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Après la Cour de cassation (Cass. civ, 1ère, 22 octobre 2009, Legipresse, mars 2010, p.19 ; Rtd civ. 2010, p.79), le Conseil d’Etat a décidé que le droit d’agir pour le respect de la vie privée et du droit à l’image s’éteint au décès de la personne qui en est seule titulaire, et que ce droit n’est pas transmis à ses héritiers (CE, 27 avril 2011, n° 314577, « M.F. et autres »). C’est bien la conception même des droits de la personnalité qui les destine ainsi à être des droits exclusivement attachés à la personne qu’ils ont pour objet de protéger (LOISEAU G., « Droits de la personnalité : janvier 2011- décembre 2011 », Legipresse 290, janvier 2012, p.59).

Cependant les deux juridictions suprêmes admettent tout de même que les proches d’une personne peuvent s’opposer à la reproduction de l’image de celle-ci après son décès, s’ils en éprouvent un préjudice personnel, direct et certain. Pour la Cour de cassation, les proches doivent subir un préjudice personnel qui peut être « déduit le cas échéant d’une atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort » (Cass. civ. 1ère, 22 oct. 2009, pourvoi n° 08-11112).

L’atteinte des proches peut donc être seulement indirecte : causant un préjudice par ricochet, l’atteinte à la mémoire ou au respect dû au mort peut se répercuter sur les vivants, même s’ils ne sont pas individuellement mis en cause. Dès lors, indirectement, les vivants font figure de « gardiens de la mémoire des morts » (MARINO L., « Droits de la personnalité appliqués à la presse et aux médias », Legipresse n°268, janvier 2010, p.13).

Si le droit de la personnalité ne se transmet pas, le lien entre le défunt et le requérant peut être tel que l’atteinte à la mémoire du premier cause un préjudice au second. Mais une fois que l’on a dit cela, on peut encore légitimement se demander quelles personnes sont admises à agir et qui sont ces personnes « proches » du défunt évoquées par la Cour. Les personnes concernées ne sont pas clairement distinguées par la juridiction. On imagine qu’il s’agit au moins des membres de la famille mais quid en cas de conflit entre eux ? Ce pouvoir reconnu par le juge aux « proches », pouvoir de défendre le respect de la mémoire du défunt est approprié en cas d’unanimité dans la volonté d’interdire ou de refuser ou la publication de l’image ou bien dans la défense de la mémoire du défunt.

Mais en cas de désaccord, comment trancher ? Faut-il privilégier la majorité ? Et à défaut de pouvoir exiger l’unanimité, est-il souhaitable de privilégier la volonté du conjoint sur celle des enfants ou au contraire de faire l’inverse ? La problématique de la défense de l’image des défunts pose des questions qui ne sont pas sans rappeler l’exercice d’un autre droit de la personnalité : celui du droit moral de l’artiste après son décès.

Alexandre BLONDIEAU
Avocat à la Cour
et
Aurélie THUEGAZ
Docteur en Droit

www.blondieau-avocats.com

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