[Enquête] Les vraies attentes des avocats vis-à-vis de leurs futurs collaborateurs juniors.

[Enquête] Les vraies attentes des avocats vis-à-vis de leurs futurs collaborateurs juniors.

Par Elodie Teissèdre, Directrice de Clearcase, Fondatrice des Ateliers by design
Charlotte Karila Vaillant, Associée fondatrice de Signe Distinctif, membre des Ateliers by Design
Nathalie Hantz, Rédaction du Village de la Justice

4912 lectures 1re Parution: Modifié: 4.64  /5

Le Village de la Justice et le collectif Les Ateliers by design [1] ont mené l’enquête auprès des cabinets d’avocats en juin et juillet 2021 autour d’une question centrale : Qu’attendent-ils de leurs jeunes collaborateurs ?
Au travers d’une quinzaine de questions, il s’agissait de mesurer les attentes vis-à-vis des collaborateurs fraîchement recrutés, dans une période de transformation profonde des cabinets (legaltech, orientation client, RSE/diversité, attentes générationnelles face à la profession, impact de la crise sanitaire etc.)
Voici la restitution de cette enquête, infographie et analyses à l’appui.

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La synthèse

L’analyse croisée complète par Les Ateliers by design et le Village de la Justice.

Première lecture, premiers constats...

- La valeur ajoutée de la LegalTech ne fait plus débat. Connaître des technologies et des services en ligne utiles au quotidien sont désormais des compétences d’avenir. C’est aussi l’assurance pour les candidats de marquer des points en recrutement !

En chiffre : à la question « Au vu du contexte et des transformations à l’œuvre dans la profession, pensez-vous accorder plus ou moins d’importance dans l’avenir à » : 52 % des répondants ont indiqué apporter plus (+) d’importance aux compétences numériques et en legaltech à l’avenir.

- Deuxième enseignement : on aurait tort de tout miser sur le savoir-faire ; le savoir-être des candidats, leur motivation et leur capacité à se projeter sont essentiels pour convaincre. Sur ces points d’ailleurs, les candidats doivent rassurer... Mais attention à ne pas négliger pour autant les compétences dites "dures" et techniques, elles restent la priorité.

- Enfin, les cabinets semblent attendre très peu de leurs jeunes collaborateurs sur le sujet de la relation client. Au vu des défis qui les attendent, ce résultat a de quoi surprendre. D’autant que les collaborateurs de demain sont de plus en plus formés sur ce sujet en école d’avocats !

Connaître des outils numériques avancés et s’intéresser à la Legaltech : des compétences en passe de devenir indispensables ?

L’ouverture au numérique est une compétence souhaitée en vue d’une première collaboration, pour plus d’un recruteur sur deux (56%). Elle est même la première compétence souhaitée, devant les connaissances en comptabilité (51%).

Pour autant, elle ne compte pas parmi les compétences techniques indispensables. Il sera demandé aux candidats de démontrer une fois au cabinet :
- leurs capacités rédactionnelles (98% des répondants jugent cette compétence indispensable)
- une maîtrise des outils informatiques de base (79%)
- des aptitudes en matière de veille et de recherche juridique (53%).

Sans surprise ce sont donc les compétences rédactionnelles qui remportent la palme des compétences les + indispensables (à 97%).

Plus surprenant - quoique ? - on retrouve en 2ème position la maîtrise des outils informatiques "de base". Pour celles + avancées, elles sont en majorité "souhaités (à 55%) et ne sont dites indispensables qu’à 23%.

Enfin une ouverture aux technologies à usage juridique ?

Prenons une nouvelle fois les choses à l’inverse : voici les compétences pour lesquelles les répondants ont répondu "ne me concerne pas" en majorité :
- la maîtrise de plusieurs langues : doit-on en déduire que la maîtrise d’au moins une (l’anglais) suffirait ?
- la maîtrise des réseaux sociaux à 50% : la moitié des avocats n’aurait donc pas encore compris l’utilité des réseaux sociaux sur un plan professionnel ?
- encore plus déstabilisant voire décevant : le legal design et la vidéo, qui atteignent 69% de non concernés. Si les avocats ne se sentent pas concernés par le legal design, qui le sera ?

Ceci pourrait néanmoins évoluer, car l’ouverture aux technologies à usage juridique intéresse de plus en plus : 48% des répondants indiquent qu’ils lui accorderont plus d’importance dans l’avenir.

Relation client : peu de compétences attendues.

Loin d’être circonscrite aux collaborateurs expérimentés, la relation client est l’affaire des jeunes aussi : pour 69% des répondants sondés, les avocats de moins de 5 ans d’expérience y participent dans leur cabinet.

Pour autant, les compétences demandées dans ce domaine couvrent étonnamment peu de besoins fonctionnels parmi ceux que la mission pourrait exiger.

Les cabinets indiquent ainsi ne pas activement rechercher l’orientation client chez leurs candidats à une première collaboration : cette posture serait une compétence indispensable pour 34% des répondants, alors qu’ils sont 55% à la juger souhaitable.
Pourtant, participer à la relation client est la 2ème mission du jeune collaborateur par ordre d’importance : à en croire l’enquête, celle-ci viendrait après la rédaction de documents juridiques (97% des réponses), mais avant la veille juridique (65%) et la gestion de dossier (65%) !

Même constat pour les aptitudes en matière de négociation : elles seraient souhaitables pour 69% des répondants, mais indispensables pour seulement 16%.
Les connaissances sectorielles, elles aussi, ne seraient souhaitables que pour 43% des répondants.

Faut-il y voir le signe que pour les répondants, ces compétences pourraient être acquises plus tard ? Ou qu’elles sont trop rares sur le marché pour être exigées des candidats ? Il est également possible qu’elles soient mésestimées des recruteurs.

Et puis attention : la gestion d’un dossier de A à Z est attendue ! Vous n’allez donc pas "rester au chaud" dans votre bureau : on va tout de même attendre de vous que vous preniez les choses en main et que vous vous confrontiez aux clients. Bienvenue dans la cour des grands !

Finalement, on retombe sur du grand classique : la mission principale à 90% reste la rédaction de documents d’actes juridiques. Normal en même temps, c’est bien là le cœur du métier d’avocat ! Et autre mission classique (60%) : la veille juridique.

Des attentes prioritaires non satisfaites qui freinent les besoins plus sophistiqués ?

Enfin, à des niveaux bien inférieurs en terme de pourcentage, mais pourtant significatifs, trois chiffres ont attiré notre attention :
- à 37%, la supervision des stagiaires est une mission qui pourrait vous être confiée ! Et c’est sans doute à ça que vos soft skills vont vous servir.

- à 35%, la création de contenus (comme des articles) : ce n’est pas le Village de la Justice qui va renier l’importance de cette tâche (n’hésitez pas à publier chez nous, nous sommes là pour vous épauler ! Et nos rubriques regorgent de bons conseils sur la communication des avocats).

- enfin, à 26% la conception de formation : intéressant...Les avocats s’empareraient-ils donc de ce "marché" ?

D’autres résultats de l’enquête nous amènent à penser que les recruteurs ont des attentes prioritaires sur celles-ci, qu’ils peinent à satisfaire. Ceci pourrait freiner l’expression de besoins plus “sophistiqués” comme l’orientation client ou la capacité à négocier.

Les principales difficultés de recrutement.

Deux se détachent particulièrement :

- Trouver des candidats avec le bon niveau de compétences techniques (65%). Une nouvelle fois, les hard skills sont donc loin d’être oubliées ! Elles restent la base du métier et des pré-requis, et semblent bien peser plus lourd dans la balance que les "soft".

- Attirer les meilleurs profils. (60%)

C’est bien la question en 2021 : Comment faire pour que les "bons" candidats connaissent les offres et y répondent ? Cela renvoie à la problématique plus large et très actuelle du moment : les offres d’emploi se multiplient mais les candidats sont aux abonnés absents. D’ailleurs, dans les commentaires libres, le même revient plusieurs fois : tout simplement "trouver des candidats"...

Savoir-être, motivation, capacité à se projeter : des points sur lesquels les candidats à une première collaboration doivent rassurer.

Plusieurs questions de l’enquête concluent à l’importance de ces critères pour les recruteurs.

Les compétences personnelles les plus demandées aux candidats relèvent en premier du savoir-être pour les candidats.
Voici précisément le trio gagnant (ceux jugés comme indispensables) :
- à 91% : le savoir-être !
- à + de 80% : l’organisation et la gestion du temps. La "perte de temps" ne semble pas être tolérée !
- et en 3ème : l’esprit d’équipe ! Oui, sans surprise on attend d’un collaborateur qu’il collabore...
Des soft skills extrêmement classiques donc !

Les commentaires libres semblent indiquer que les cabinets déplorent des lacunes en matière de savoir-être et de motivation chez leurs candidats. Les recruteurs mentionnent tout du moins un manque de compétences non techniques chez les candidats, englobant savoir-être, motivation et aptitudes linguistiques. Cette insatisfaction est même un écueil au recrutement : le 2ème par ordre d’importance, après le niveau de compétences techniques des candidats.

Prenons le contre-pied : la réponse "ne me concerne pas" est très peu choisie, quelle que soit la soft skill. C’est l’aptitude à la négociation qui atteint le maximum de réponse de ce type pour un petit 14%.
Cela signifie que l’ensemble des soft skills proposées est, si ce n’est indispensable, en tout cas souhaité !

Enfin, un répondant sur deux indique vouloir accorder plus d’importance dans l’avenir à l’existence d’un projet de collaboration réfléchi (52%), 42% déclarant ne pas accorder plus d’importance à ce point qu’actuellement.

Pandémie et recrutement.

Question posée : "Diriez-vous que la pandémie a modifié vos attentes en matière de profils de candidats recherchés ?" On s’attendait à oui (le fameux monde d’après, l’essor du télé-travail, les changements de mentalité etc.)....
Et bien c’est le non qui prime, et de loin= 85% ! Mais si les attentes ne changent pas là, quand alors ?

Quid du monde d’après ?

Les oui sont donc minoritaires (moins de 3%) mais pourtant le complément de réponse qu’ils ont pu apporter n’est pas négligeable :
- "la situation géographique du domicile du collab. a moins d’importance"
- "plus ouverts au télétravail et à la sous traitance"
- "une tête bien faite plutôt que bien pleine : de l’optimisme, de la détermination, de la volonté et de la confiance"
- "davantage à l’aise avec les outils numériques"

A noter également : les répondants pouvaient librement ajouter d’autres compétences attendues. Parmi la trentaine de réponses, on notera que « adaptabilité » revient plusieurs fois, ainsi que « la motivation », et « l’investissement personnel ».

Des collaborateurs mais aussi…

L’enquête portait sur les attentes vis-à-vis des collaborateurs, et à juste titre : collaborateurs juniors et expérimentés sont ceux qui apparaissent comme le plus à même de relever les défis de leur cabinet (à + de 75%).

Mais il faut noter aussi que les cabinets ne négligent :
- ni les stagiaires (pour 50%)
- ni les assistants juridiques (39%)
- ni, et c’est à souligner, les « intervenants extérieurs » : Consultant, coach, formateur, sur qui 25 à 30 % des répondants comptent…


Nous observons que certaines compétences souhaitables attendues des recruteurs étaient déjà enseignées aux futurs avocats.

Que ce soit dans le domaine de la relation client, de la gestion de Cabinet comme du numérique, plusieurs écoles ont adopté une politique volontariste ces dernières années. Ces compétences d’avenir ont même parfois un parcours électif qui leur est dédié, ce qui est une avancée considérable en matière de formation.

Les réponses à cette enquête donnent raison à leur audace, et on ne peut que souhaiter de voir leurs cours mieux connus des cabinets. Ces derniers seraient alors incités à accroître leurs exigences, d’autant que certaines compétences sont nécessaires à l’atteinte de leurs objectifs stratégiques.


Résultats bruts de l’enquête

Qui sont les répondants ?
- 104 répondants qui ont embauché un collaborateur dans les 2 dernières années.
- Pour 70% , l’arrivée d’un jeune collaborateur a moins d’un an.
- Tailles des cabinets répondants : individuel 13 %, de 2 à 10 avocats 45 %, de 11 à 50 avocats (26%) et + de 51 avocats 4 %
- Activité : Moitié conseil - moitié contentieux pour 41 % ou surtout en contentieux pour 35 %.
- Clientèle : à près de 80 %: les entreprises privées et entrepreneurs individuels, et à 42 % les particuliers.
Enquête réalisée en juin-juillet 2021 par internet auprès d’une population variée d’avocats.

Par Elodie Teissèdre, Directrice de Clearcase, Fondatrice des Ateliers by design
Charlotte Karila Vaillant, Associée fondatrice de Signe Distinctif, membre des Ateliers by Design
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[1Les Ateliers by design sont un collectif d’experts familiers de l’univers juridique, et une plateforme de formations pour avocats engagés dans la transition de leur cabinet. lesateliers-bydesign.com

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