Nous le disions ci-dessus, les enquêtes et sondages sur l’utilisation des GenIA commencent à être rendus publics. Nous pouvons par exemple mentionner :
- celle de l’European Legal Tech Association (ELTA), en collaboration avec Lefebvre Sarrut (juin-juill. 2023) : Generative AI Global Report 2023 (audio de la conférence de présentation des résultats lors des Rendez-vous des Transformations du Droit 2023 ici)
- celle de LexisNexis : L’IA Générative & les Professionnels du Droit
- celle de Wolters Kluwer "Avocats et juristes face au futur" édition 2023
- la nôtre (Village de la Justice), en collaboration avec le Cercle Informatique et Juridique, ComSG et Juriconnexion : ChatGPT et autres IA génératives : le regard des professionnels du Droit en France.
Si ces enquêtes ne posent pas toutes les mêmes questions, avec la même granularité, plusieurs interrogations convergent. Les données sont souvent concordantes. La Rédaction du Village a croisé les résultats obtenus tous métiers confondus pour voir ce qu’il en ressort !
GenIA et professionnels du Droit : une curiosité confirmée.
Deux séries de données attestent de la curiosité des professions du Droit vis-à-vis des IA génératives.
Sur la connaissance des GenIA :
- 100 % des répondants à l’enquête du Village de la Justice connaissent ChatGPT ;
- 92 % des répondants à l’enquête de LexisNexis disent connaître l’IA générative.
Sur le test des GenIA :
- près de 90% des répondants à l’enquête de l’ELTA/Lefebvre Sarrut ont déjà testé une IA générative ;
- 75 % des répondants à l’enquête du Village de la Justice ont déjà testé ChatGPT ;
- 49 % des répondants à l’enquête de LexisNexis utilisent ou prévoient d’utiliser l’IA générative dans leur travail...
- ...et 73% dans l’enquête Wolters Kluwer prévoient d’intégrer l’IA dans leur travail ces prochains mois.
GenIA : un impact évident sur le travail des professionnels du Droit.
Les quatre enquêtes font état du ressenti des professionnels du Droit sur la modification de leur façon de travailler.
Dans l’enquête LexisNexis : plus de la moitié des professionnels du Droit interrogés pensent que les outils d’IA générative transformeront significativement la pratique du droit (54% d’impact « significatif » ou « fondamental »). Seuls 6% estiment qu’ils n’auront pas d’impact ou un impact faible. 77% des répondants pensent que les outils d’IA générative augmenteront l’efficacité des professionnels du Droit.
Plus de 90% des répondants à l’enquête de l’ELTA/Lefebvre Sarrut estiment que l’usage est IA générative est utile dans leur travail (“very helpful“ ou “somewhat helpful“).
62% des professionnels du Droit pensent que l’IA générative a déjà un impact sur la profession juridique, tandis que 23% s’attendent à ce qu’elle ait un impact sur la profession juridique dans 2 à 3 ans. Plus précisément, 77 % d’entre eux estimant qu’elle les aidera de manière significative et 14 % craignent qu’elle ne menace certaines parties de leur travail.
Des tendances similaires se retrouvent dans l’enquête Village de la Justice : très majoritairement (67%), les répondants pensent que les GenIA vont modifier leur façon de travail « dans un futur proche ». Seuls 4% des répondants de notre panel estiment que les IA génératives n’auront pas d’impact sur leur façon de travailler.
Tous métiers confondus, seuls 11,5 % du panel estiment que leurs tâches ne peuvent pas être (du tout) effectuées par une IA générative. Une majorité des répondants du panel (54,5 %) évalue la proportion de leurs tâches réalisables par GenIA dans une fourchette située entre 0 et 25 %.
En outre, tous métiers confondus, 79% des répondants estiment qu’il va falloir obligatoirement à l’avenir apprendre à travailler avec les solutions de type ChatGPT et 85% des répondants ont émis le souhait d’apprendre à (mieux) travailler avec les IA génératives.
Dans l’enquête Wolters Kluwer, les répondants les plus susceptibles d’intégrer l’IA générative dans leur travail juridique dans le courant 2024, prévoient de l’utiliser pour réviser et analyser des documents juridiques, exécuter des tâches de base et passer des données électroniques au crible (bas de données, documentation, veille...).
Un attrait manifeste des professions du Droit pour les IA génératives.
Les enquêtes envisagées ici ont souhaité savoir quelle utilisation et quels avantages les professionnels du Droit voyaient dans l’utilisation des IA génératives.
Dans l’enquête de LexisNexis, parmi celles et ceux qui ont utilisé l’IA générative à des fins juridiques, la recherche d’informations est le principal cas d’utilisation (69 %).
L’IA générative est également populaire comme outil d’aide à la rédaction, plus de la moitié des professionnels du droit l’utilisant pour rédiger des documents (54%) et un tiers pour rédiger des e-mails (32%).
L’enquête de l’ELTA/Lefebvre Sarrut quant à elle met en évidence que la majorité des répondants ont utilisé les IA génératives d’abord par curiosité (29%), puis pour produire des textes non-juridiques (25%) ou des résumés (14%).
Pour l’avenir, les attentes des professionnels du Droit concernent la rédaction de documents (34%), la recherche juridique (26%) et la préparation de résumés et de synthèse (17%).
Dans l’enquête Wolters Kluwer, 73 % des participants estiment devoir intégrer l’IA générative dans leur travail juridique en 2024.
Dans l’enquête du Village de la Justice), la réalisation de tâches considérées comme étant « à faible valeur ajoutée » arrive en tête (78 %), juste devant la facilité pour générer des résumés (68 %) et le gain de temps pour créer des contenus de tout type (67 %). Viennent ensuite la traduction (57 %) et l’inspiration (56 %).
Un besoin avéré de transparence.
Près d’un répondant sur deux à l’enquête de l’ELTA/Lefebvre Sarrut n’est pas sûr(e) de faire confiance à l’IA générative ou ne lui fait pas confiance. La transparence sur la manière dont le système est construit et dont il fonctionne, ainsi que la connaissance et le test des données d’entraînement sont identifiés comme les deux principaux leviers d’amélioration de la confiance.
De notre côté (enquête du Village de la Justice), nous avons demandé à notre panel s’il fallait « informer les "consommateurs" et imposer la transparence avec une mention du type "contenu en partie généré par intelligence artificielle ? ». La réponse était presque sans appel, avec le oui de 91 % des répondants.
Une majorité des répondants à l’enquête de LexisNexis s’attend à ce que les conseils (avocats et notaires) utilisent des outils d’IA générative et communiquent sur leur utilisation. Le segment Entreprise a des attentes beaucoup plus élevées et s’attend davantage à être informé de l’usage de l’IA par leurs conseils.
Des risques et des inquiétudes éthiques manifestes.
Dans l’enquête du Village de la Justice, tous métiers confondus, le premier risque identifié est celui de la confidentialité des données des entreprises (79 %), suivi de très près par la désinformation (76 %) et la perte de savoir-faire/capacité à réfléchir (76 %), avant la propriété intellectuelle, la propagation des stéréotypes et discriminations, l’augmentation des fraudes et le chômage (28 %).
Cette classification des risques concorde assez bien avec les résultats de l’enquête de l’ELTA/Lefebvre Sarrut. Les principales préoccupations concernant l’IA générative se concentrent sur la confidentialité des données (data privacy), les biais algorithmiques et les questions d’éthique et de moralité. Étonnamment, la responsabilité et la violation de la propriété intellectuelle n’arrivent qu’en 4e et 7e position sur 9. De même, les « défis réglementaires » arrivent en 8e position dans la liste des préoccupations.
L’enquête de LexisNexis met en évidence le fait qu’une majorité de professionnels du droit voient du potentiel dans l’IA générative dans le développement de la pratique du droit (70% ressentent un impact positif ou mixte). Cependant, de nombreuses personnes se disent préoccupées par les implications éthiques de l’IA générative sur la pratique du droit (85%), un tiers citant des préoccupations significatives ou fondamentales.
L’enquête du Village de la Justice ne montre pas autre chose avec le ressenti face à l’affirmation suivante : « Nous allons réussir à réglementer l’usage des IA génératives et concilier impératifs éthiques et intelligence artificielle. ». Toutes catégories de métiers confondues, la réponse est pour le moins mitigée : globalement, c’est un 50/50.
Pour conclure, l’enquête Wolters Kluwer fait remonter ces principaux freins à l’adoption de la technologie juridique (pas seulement l’IA) : 44% des freins identifiés sont d’ordre organisationnels, 36% sont liés à des connaissances/ compréhension/ compétences limitées, et 10% sont d’ordre financier.