Sur un plan étymologique, le ministère public est composé de deux mots : le « ministère » et « public ». Le « ministère » dérive du mot latin « minister » qui veut dire « serviteur ». Le terme « public » s’entend de tout ce qui concerne la collectivité ou l’état. En assemblant les deux vocables, le sens qui s’en dégage est celui du serviteur de l’état ou de la collectivité. Autrement dit le ministère public désigne cet organe qui est au service de l’ensemble de la collectivité.
Sur le plan juridique, le ministère public désigne l’ensemble des magistrats qui sont chargés de défendre les intérêts de la collectivité nationale. Le ministère public constitue une œuvre originale des français. Il n’est né ni à Rome, ni à Athènes. Dans la Grèce antique, le droit de poursuivre appartenait aux personnes ayant subi un préjudice et, si pour certains crimes d’un caractère général, ce droit de poursuivre pouvait être exercé par tous les citoyens, aucun juge ne parait avoir été investi de fonctions spéciales à cet égard. La législation romaine obéissait aux mêmes principes. Il a fallu attendre l’avènement du 14ème siècle pour découvrir les véritables origines du ministère public. La royauté a prouvé le besoin de nommer auprès de chaque juridiction des auxiliaires chargés de maintenir l’ordre, de veiller à l’exécution des ordonnances et de combattre la féodalité et la juridiction ecclésiastique.
Primitivement le Roi, agissant comme partie, confiait à certaines personnes le soin de défendre ses intérêts privés. A l’origine, il s’agissait d’avocats ordinaires qui avaient une clientèle autre que le souverain. Au 15ème siècle, les avocats du Roi, dénommés également gens du Roi, furent contraints d’abandonner leur clientèle privée pour ne servir que le Roi. Le terme « parquet » encore employé aujourd’hui pour désigner le ministère public vient de cette époque ou les procureurs du Roi n’étaient pas encore exclusivement attachés au service royal et demeuraient sur le parquet de la salle d’audience. Les officiers du ministère public se tenaient alors débout sur le parquet, ce qui expliquait leur nom.
L’expression du « ministère public » est apparue pour la première fois dans une ordonnance de Philipe le Bel en date du 25 mars 1302. Ce n’est qu’au 17ème siècle que les attributions du ministère public furent organisées en vertu de deux ordonnances. La première datant de 1667 disposait que les jugements rendus sans les conclusions du ministère public sont susceptibles de requête civile, alors que celle de 1670 avait remis aux procureurs généraux l’entière initiative des poursuites criminelles. Toutefois l’action du ministère public en matière civile n’a été instituée d’une façon officielle qu’en vertu de la loi du 20 avril 1810.
Le ministère public est une institution commune à la procédure civile et à la procédure pénale. Dans sont traité pratique des fonctions du procureur du Roi, De Molène a soulevé excellemment la polyvalence des fonctions du ministère public : « les attributions du ministère public, bien comprises, sont les plus belles qui existent ». Si les fonctions pénales du ministère public ne suscitent pas de difficultés, ses fonctions en matière civile provoquent un certain étonnement ! On voit mal comment le magistrat du ministère public puisse être intéressé par un procès civil qui a pour unique but de trancher un litige entre deux personnes privées.
L’institution du ministère public au Maroc trouve ses origines dans le Dahir du 12 août 1913 relatif à l’organisation judiciaire. En tant que legs du protectorat français, le ministère public fut d’abord introduit dans les tribunaux du Makhzen et le haut tribunal chérifien sous l’appellation de « commissaires de gouvernement ». Il a ensuite été intégré dans l’organisation judiciaire marocaine en vertu du Dahir du 15 juillet 1974. Avant l’établissement du protectorat, la justice marocaine ne connaissait pas d’institution dénommée : « ministère public ». La justice du Chrâa était rendu par un cadi « juge de droit commun » qui était chargé d’appliquer le droit musulman et coutumier issu du saint Coran sans aucune intervention d’une autorité représentant l’état ou la collectivité publique.
Le ministère public au Maroc existe d’habitude auprès des juridictions de droit commun : tribunal de première instance, Cour d’appel et Cour suprême. Le ministère public est toujours partie principale au procès pénal. Aucune juridiction répressive ne peut siéger valablement sans la présence d’un représentant du parquet. Toutefois, le ministère public n’est pas toujours obligatoirement représenté en matière civile, sa présence à l’audience est facultative, sauf dans les cas déterminés par la loi et dans les cas où il est partie principale ou dans toutes les audiences de la Cour suprême. En plus de ce ministère public présent près les tribunaux de droit commun, existe dorénavant un autre ministère public propre au tribunal de commerce.
A l’opposé de la législation française, qui malgré une évolution notoire du rôle du ministère public devant la juridiction consulaire, n’a pas abouti à l’instauration d’un parquet autonome, le législateur marocain a privilégié l’idée de la création d’un parquet autonome près les tribunaux de commerce. Les articles 2 et 3 du Dahir du 12 février 1997 stipulent la présence d’un ministère public autonome auprès des tribunaux de commerce et des cours d’appel de commerce. Ce choix du législateur marocain, bien qu’il consacre l’existence d’une institution spécifique au droit marocain, pose un certain nombre de problèmes sur le plan pratique.
Il existe en Europe trois systèmes d’organisation de la justice commerciale, aucun ne dispose d’un ministère public autonome à l’image du droit marocain. Certains pays possèdent des chambres ou des tribunaux d’échevinage présidés par un magistrat professionnel assisté d’assesseurs élus issus du monde de l’entreprise, comme l’Allemagne ou la Belgique.
D’autre pays tels l’Italie, la Suède ou les Pays-bas, font trancher les litiges commerciaux par des magistrats professionnels au sein des juridictions de droit commun, qui peuvent néanmoins comprendre des sections spécialisées. Enfin, en Grande-bretagne, les juges des litiges commerciaux sont des magistrats professionnels appartenant à la juridiction ordinaire, mais spécialisés et choisis par leurs pairs en raison de leur connaissance des affaires commerciales.
Mustapha El Baaj, Docteur en droit