Faut-il négocier en cas de poursuite pour fraude fiscale ? Eléments de réponse statistiques.

Par Antoine Reillac, Avocat.

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Il est désormais possible de négocier les sanctions pénales applicables en cas de poursuite pour fraude fiscale.
C’est en effet depuis la loi du 23 octobre 2018 que la procédure du « plaider-coupable » (CRPC pour Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) est applicable à la fraude fiscale.

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Le Parquet National Financier (PNF) ayant publié les chiffres clés de cette procédure pour l’année 2020 ; c’est l’occasion d’en évaluer les avantages et les risques.

1. La Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Il faut d’abord rappeler brièvement ce qu’est la CRPC.

Cette procédure inspirée du droit anglo-saxon permet de négocier les peines applicables directement avec le Procureur de la République et ce, afin d’éviter une procédure plus longue et par définition plus hasardeuse devant le tribunal correctionnel.

La procédure se déroule en deux étapes : dans un premier temps, le procureur propose des peines au mis en cause qui doit être accompagné d’un avocat.

Après discussion et si celui-ci accepte, il y aura dans un second temps une homologation par un juge du siège en audience publique.

2. Eligibilité de la CRPC.

Le bénéfice de la CRPC n’est pas automatique.

Il faut bien entendu en premier lieu que le justiciable reconnaisse les faits.

La CRPC peut être ensuite directement proposée par le procureur ou bien demandée par le justiciable ou son avocat.

Pour proposer une CRPC ou accéder à la demande du justiciable, le procureur se fondera sur un certain nombre de critères exposés dans le rapport annuel du PNF :
- le caractère aggravé ou non des faits poursuivis,
- le montant des fonds dissimulés et des droits dissimulés,
- le comportement du mis en cause durant l’enquête,
- les antécédents judiciaires et fiscaux.

Il est certain que le justiciable qui a un casier vierge par exemple se verra plus facilement proposer une CRPC.

3. Chiffres clés.

Le rapport annuel du PNF fait état des chiffres clés suivants pour 2020 :

5 : nombre de CRPC conclues en 2020 en matière fiscale.

Ce nombre est assez faible en soit mais il faut prendre en compte le caractère très récent de cette procédure.

Il est probable que la CRPC va avoir tendance à se développer dans les années à venir pour les affaires de fraude fiscale.

En tout état de cause, ces 5 CRPC fournissent un aperçu des peines prononcées en 2020 et permettent d’avoir un aperçu de sa pratique..

15,6 mois : quantum moyen d’emprisonnement avec sursis prononcé (allant de 6 mois à 3 ans avec sursis).

Le principal enseignement est qu’il ne semble pas y avoir eu de peine de prison ferme prononcée.

On peut ainsi estimer qu’il y a peu de risque de voir prononcer une peine de prison ferme en empruntant cette procédure.

397 160 euros : c’est le montant moyen des amendes prononcées (allant de 10 000 euros à 885 800 euros).

Le montant moyen semble à première vue relativement important mais il faut observer l’écart entre la plus faible peine d’amende (10 000 euros) avec la plus élevée (885 800 euros).

En réalité, tout dépendra de l’ampleur de la fraude elle-même pour le montant de l’amende proposée.

4. Risques et avantages.

Sur la base de ces éléments statistiques, il semble que la CRPC puisse être intéressante dans certains cas.

En effet, elle favorise un règlement rapide de la procédure et permet généralement d’éviter les peines de prison ferme.

Par ailleurs, le justiciable peut tout à fait refuser la proposition de peine qui serait faite par le procureur. Dans un tel cas, le justiciable sera convoqué et son affaire sera jugée devant le tribunal correctionnel.

A l’inverse, il est certain que si le justiciable ne reconnaît pas les faits ou bien si le dossier présente des faiblesses (vices de procédure par exemple), il pourra être plus opportun d’aller devant le tribunal.

Enfin, il faut encore ajouter que la CRPC ne règle pas la question des sanctions fiscales proprement dites qui sont traitées par un autre acteur : l’administration fiscale.

Rien n’empêche toutefois de contester parallèlement ces sanctions fiscales ou de négocier là-aussi avec l’administration fiscale.

Antoine Reillac
Avocat associé chez Arfé Avocat
Barreau de Paris
antoiner chez arfe-avocats.com

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