Pour cette rédaction de conclusions, il faut être d’autant plus rigoureux qu’il n’est possible de régulariser une éventuelle erreur que dans le délai de dépôt des conclusions d’appelant ou d’intimé (3 mois en droit commun, 2 mois pour les renvois de cassation et 1 mois pour les procédures de l’article 905). En effet, il s’agit dans les deux cas d’un délai de forclusion.
Il est donc essentiel que les règles applicables pour la rédaction des conclusions d’appel soient respectées strictement dès les premières conclusions.
1) L’en-tête des conclusions.
L’article 961 du C.P.C. renvoie pour les indications, que doivent contenir les conclusions, à l’article 960, qui exige pour la constitution d’avocat :
si la partie est une personne physique ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
s’il s’agit d’une personne morale sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.
La sanction encourue est l’irrecevabilité des conclusions, qui est déclarée par le conseiller de la mise en état.
De ce fait, lorsqu’il s’agit de conclusions d’appelant, l’appel peut devenir caduc au titre de l’article 908 à la suite de l’irrecevabilité des conclusions et ce faute de l’absence de respect du délai.
Pour les parties intimées, la sanction se bornera à l’irrecevabilité des conclusions sur le fondement de l’article 909.
2) Le contenu des conclusions.
L’article 954 précise que les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens, ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions.
L’énoncé des chefs de jugement critiqués.
Avec la suppression de l’appel général, l’appelant principal ou incident est invité à préciser dans ses conclusions les chefs de jugement qu’il critique.
Sauf exception la dévolution de l’appel ne jouera que sur les dispositions, qui auront été expressément mentionnées par les parties en cause d’appel.
La concentration des prétentions.
Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée.
L’appelant, tout comme l’intimé, doit exposer ses prétentions dans ses premières conclusions sans pouvoir élargir la dévolution du litige par de nouvelles prétentions dans des conclusions ultérieures.
L’article 910-4 énonce expressément qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office les parties doivent présenter l’ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les premières conclusions. Il prévoit cependant des exceptions lorsque les nouvelles prétentions sont destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses et également à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Pour un intimé forclos, il est donc possible de répliquer aux nouvelles conclusions de celui-ci à partir du moment où l’appelant a présenté des moyens nouveaux ou des prétentions nouvelles.
Il est également possible dans le cadre des prétentions formulées dans les premières conclusions de présenter dans des conclusions ultérieures des pièces et des moyens nouveaux.
Il convient de rappeler que les exceptions de procédure, les fins de non-recevoir et les moyens relevant de la défense au fond doivent être présentés dans cet ordre à peine d’irrecevabilité.
L’indication des pièces invoquées.
Les conclusions doivent indiquer les pièces invoquées au soutien des diverses prétentions (article 954) au fur et à mesure du développement de celles-ci. Toute pièce régulièrement communiquée, mais non invoquée expressément dans les conclusions, pourrait être considérée comme inopérante.
Cette indication se fait en annexant aux conclusions un bordereau récapitulatif, qui permet à la Cour de s’assurer du respect du principe du contradictoire.
Les pièces communiquées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
L’obligation de communiquer de nouveau les pièces en cause d’appel n’est pas expressément sanctionnée.
Enfin, les pièces doivent être communiquées simultanément avec la notification des conclusions à peine d’irrecevabilité.
L’appel incident.
La Cour de cassation fait une distinction selon que la partie défaillante a ou non été intimée par l’appelant principal. Si elle n’a pas été intimée, un appel provoqué doit être formé par assignation à l’intérieur du délai d’intimé pour conclure. Par contre, si la partie défaillante a été régulièrement intimée par l’appelant principal, l’appelant incident dispose du délai d’un mois supplémentaire pour faire signifier ses conclusions par huissier à l’intimé défaillant.
L’intimé qui a négligé de former appel incident ou provoqué dans le délai pour conclure ne peut plus depuis la réforme de 2017 former un appel principal.
Les conclusions récapitulatives.
Les parties doivent « reprendre dans leurs dernières écritures les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures ».
A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés : la Cour ne statuera que sur les dernières conclusions déposées.
Par contre, si des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils doivent être présentés « de manière formellement distincte » (article 954).
Les conclusions d’incident.
Ces conclusions doivent être spécialement adressées au conseiller de la mise en état ou au président de la formation s’il n’y a pas eu de désignation de celui-ci. Le conseiller de la mise en état n’a pas à statuer sur des conclusions adressées par erreur à la Cour d’appel.
Les parties doivent conclure au fond dans le délai, qui leur est imparti, même quand elles ont saisi le conseiller de la mise en état d’un incident visant à mettre un terme au litige. En effet, seules les conclusions au fond sont interruptives des délais imposés à peine de caducité ou d’irrecevabilité.
Cependant, pour être recevables les conclusions d’incident doivent être notifiées par RPVA ne serait-ce que de quelques minutes avant les conclusions sur le fond.
L’article 914 fixe la compétence du conseiller de la mise en état jusqu’à la clôture de l’instruction. Une fois l’ordonnance de clôture rendue, c’est la Cour d’appel qui est compétente pour statuer.
La jonction d’instances.
Lorsque plusieurs appels principaux ont été formés, le Conseiller de la mise en état instruit de manière parallèle chaque instance et ne fait une jonction qu’une fois que tous les délais d’intimés sont expirés.
La jonction d’instance ne crée pas de procédure unique, qui obligerait les parties à récapituler en un jeu unique d’écritures des conclusions déposées dans chaque procédure avant leur jonction.
Le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées dans chaque procédure par la partie, qui n’a pas conclu après jonction.
3) Le dispositif des conclusions.
Aux termes de l’article 954, les prétentions des parties doivent être récapitulées sous forme de dispositif et la Cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
C’est notamment le cas des fins de non-recevoir. La finalité est de faciliter le travail des juges d’appel et de sécuriser la question du défaut de réponse à conclusions.
La caducité de la déclaration d’appel est encourue dès lors que les conclusions bien que notifiées dans le délai de l’article 908 ne visaient pas dans leur dispositif l’infirmation partielle ou totale du jugement [1].
La Cour de cassation considère que la Cour d’appel saisie par un dispositif de premières conclusions, qui ne sollicite pas l’infirmation ou l’annulation du jugement, ne peut que le confirmer [2].
Une fois le délai pour conclure dépassé, l’omission dans le dispositif n’est plus régularisable. Cependant, la Cour de cassation estime que la sanction ne doit s’appliquer qu’aux procédures, dont les déclarations d’appel sont postérieures au 17 septembre 2020.
Enfin, il faut rappeler que la Cour de cassation considère que les « Donner acte » (sauf lorsqu’il s’agit de faire acter un aveu judiciaire ou un désistement), « constater », « dire », « dire et juger », « rappeler » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du Code de procédure civile, mais des rappels de moyens, auxquels le juge n’est nullement tenu d’y répondre. Il faut donc se borner à faire figurer dans le dispositif les expressions efficaces, telles que « déclarer recevable », « ordonner », « condamner », « débouter », « annuler ».
Discussion en cours :
Merci de cette synthèse du formalisme de la procédure d’appel qu’il est d’autant plus important de rappeler que ses effets peuvent être drastiques.
La cour d’appel ne PEUT que confirmer le chef du jugement qui ne fait pas l’objet d’une demande d’infirmation spécifique dans le dispositif des conclusions des parties (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 19-23.615, Publié au bulletin).
Lorsqu’un chef de jugement ne fait l’objet d’aucune critique des parties, la cour d’appel DOIT-elle pour autant confirmer ce chef de jugement ? Plus précisément, lorsqu’un chef de jugement n’est mentionné ni dans la déclaration d’appel ni dans les conclusions d’appelant et que les conclusions d’intimé et d’appelant à titre incident demandent explicitement (dans leur discussion et dans leur dispositif) la confirmation de ce chef de jugement, la Cour d’appel a-t-elle l’OBLIGATION Pour de confirmer ce chef de jugement ?
Dans un tel cas, qu’advient-il si la Cour d’appel ne se prononce pas sur ce chef de jugement :
Cela pourrait-il constituer matière à cassation (afin de renvoyer l’affaire devant la Cour d’appel pour qu’elle confirme ce chef de jugement) ?
Ou bien ce chef de jugement de première instance demeure-t-il simplement en vigueur (exécutoire) puisqu’il n’a fait l’objet d’aucun recours (même si d’autres chefs de ce jugement ont été réformés en appel) ?
Merci par avance de votre éclairage.