Une nette augmentation de la sinistralité de la profession d'avocat. Par Benoît Henry, Avocat.

Une nette augmentation de la sinistralité de la profession d’avocat.

Par Benoît Henry, Avocat.

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Les pièges de la procédure d’appel ont une incidence sur la sinistralité de la profession d’avocat.
En 2015, les erreurs de la procédure en appel constituaient la 4ème cause de sinistralité avec 9,4 % des sinistres déclarés.
En 2016, ce taux est progressivement monté à 15,5 % de l’ensemble des sinistres.
Puis, à 20,4 % en 2017.
Représentant en 2018, 25 % des sinistres déclarés, les manquements en procédure d’appel suivent désormais de très près le défaut de diligence qui s’élève pour sa part à 26,3 %.

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Les principales causes de sinistres identifiées pour l’année 2018 sont principalement de 4 ordres :
- le non-respect des délais de l’appelant pour conclure dans plus de 50% des sinistres ;
- le non-respect du délai de l’intimé pour 25% des cas ;
- le non-respect de la dénonciation de la déclaration d’appel dans 20 % des sinistres ;
- le non-respect du délai d’appel pour 5% des sinistres.

En 2019, la vigilance s’impose particulièrement concernant les incidents de procédure soulevées d’office par le Conseiller de la mise en état ou à l’initiative de l’adversaire et en matière de procédure de renvoi après cassation.

D’une manière très paradoxale, les différentes réformes dites de simplification de la procédure d’appel menées depuis 2009, dont on peut citer la suppression des avoués, la dématérialisation des procédures et l’entrée en vigueur du décret Magendie et qui se sont accélérées en 2016 et 2017 ont abouti une procédure d’appel spécifique exigeant un véritable spécialiste du procès d’appel.

1) Une procédure d’appel spécifique...

L’appel est le dernier degré de juridiction, de sorte que l’erreur n’est pas permise, les conséquences de la moindre erreur étant extrêmement lourdes et très souvent irrattrapables.

La procédure d’appel est autrement plus complexe et périlleuse que ne l’est la procédure de première instance.

Ainsi, une péremption en première instance laisse la possibilité d’assigner à nouveau, alors qu’en appel, la péremption donne force de chose jugée au jugement, ce qui met un terme au litige, sans possibilité de réintroduire une instance.

De la même manière, Il est nécessaire de connaître les délais propres à chaque recours, le point de départ du recours, et être en mesure d’inscrire immédiatement ce recours dans les formes imposées.

Le non-respect du délai de recours entraîne la forclusion, avec comme conséquence que le recours ne pourra plus être formé ultérieurement.

Habituellement, le délai pour faire appel est d’un mois pour les jugements et de quinze jours pour les ordonnances (article 538 du Code de procédure civile).

La procédure commerciale connaît le plus souvent des délais courts, de l’ordre de huit ou dix jours à compter de la notification.

Mais les délais pour faire appel sont très variables puisqu’ils peuvent être de 24 heures (en matière de funérailles : article R. 321-12 du Code de l’organisation judiciaire) ou de plusieurs mois (lorsque la partie est domiciliée à l’étranger : articles 643 et 644 du Code de procédure civile), et même plusieurs années (si le jugement n’a pas été signifié : article 528-1 du Code de procédure civile).

De la même manière, le « décret Magendie », a introduit de nouvelles sanctions, très sévères, dans l’hypothèse de conclusions remises ou notifiées hors les délais et les formes impératifs imposés par les nouvelles dispositions.

Des conclusions ou des appels incidents ou provoqués qui ne sont pas formés dans les délais et dans les formes requises entraînent de manière automatique la caducité de la déclaration d’appel ou l’irrecevabilité des conclusions, sans possibilité de régularisation ultérieure.

Concernant les incidents de procédure soulevées d’office par le Conseiller de la mise en état ou à l’initiative de l’adversaire, si le décret du 6 mai 2017 a introduit la possibilité pour le Conseiller de la mise en état d’écarter les sanctions, les possibilités demeures très minimes puisqu’il convient pour l’avocat de démontrer le non-respect des délais provient d’un cas de force majeure.

La vigilance s’impose en matière de procédure de renvoi après cassation dont les délais pour le demandeur et le défendeur ont désormais été fixés par le décret du 6 mai 2017, à peine de caducité de la déclaration ou d’irrecevabilité des conclusions.

Surtout, le très bref délai de signification de la déclaration expose le demandeur au pourvoi à une brutale caducité dont les effets seront d’autant plus forts que la procédure a déjà fait l’objet d’au moins trois décisions préalables : un jugement, un arrêt de Cour d’Appel, d’un arrêt de Cassation.

2) Exigeant un véritable spécialiste du procès d’appel.

La procédure d’appel exige une vigilance très particulière pour échapper aux pièges.

Il y a une spécificité de la procédure d’appel, encore renforcée par la nouvelle procédure d’appel "Magendie" complexe, qui exige une parfaite maîtrise des règles de la procédure civile, exigeant un véritable spécialiste du procès d’appel.

- L’accès au juge d’appel, les décisions susceptibles d’appel, l’appel impossible, l’appel soumis à autorisation spéciale, l’appel différé, les règles particulières à certaines juridictions ;

- La saisine du juge d’appel, la pratique du RPVA, les difficultés liées à la communication électronique, la cause étrangère ;

- L’objet de l’appel limité aux chefs du jugement déféré, le défaut de capacité d’ester en justice, le défaut de pouvoir, les majeurs protégés, la disparition de la personnalité juridique et les difficultés des entreprises ;

- La recevabilité de l’appel, les personnes ayant qualité pour interjeter appel, les changements de qualité, l’appel du ministère public, le changement dans la situation des parties, l’intérêt à interjeter appel, l’appel incident et l’appel provoqué, l’appel nullité ;

- Les délais d’appel, l’irrecevabilité des conclusions et la caducité de l’appel ; les procédures d’urgence à bref délai, les procédures relevant obligatoirement du jour fixe ; la procédure prioritaire, les procédures en matière de saisie immobilière, l’appel particulier du jugement d’orientation, l’appel en matière de compétence, l’appel en matière de procédures collectives ;

- Le double degré de juridiction et le respect du principe du contradictoire, la communication des pièces et des conclusions ; le principe de l’immutabilité du litige, l’effet dévolutif, l’appel voie de réformation ou d’achèvement, frontières entre prétentions nouvelles recevables et prétentions nouvelles irrecevables, les applications jurisprudentielles, l’intervention volontaire, l’intervention forcée devant la Cour, l’évolution du litige, l’évocation ;

- L’office du juge d’appel, les pouvoirs juridictionnels du Conseiller de la mise en état, la chose jugée, le sursis à statuer, la communication des pièces, l’irrecevabilité des conclusions et leur modélisation, les exceptions de nullité, les fins de non-recevoir, les incidents d’instance, l’interruption, la péremption, la radiation, le désistement , l’autorité des décisions du CME et les voies de recours ; le référé suspension, l’arrêt de l’exécution provisoire, sanction de l’inexécution des condamnations provisoires de droit, ordonnées par le juge ou interdite ; aménagement de l’exécution provisoire.

De même, les pratiques actuelles très différentes selon les Cours quant à l’application du décret du 6 mai 2017 ne simplifient pas la gestion des multi-contentieux et la surveillance des délais notamment en matière d’appel de référés, d’affaires familiales, de décisions du juge de l’exécution ou encore de décisions concernant les procédures collectives.

La procédure d’appel est donc distincte de la procédure de première instance, et plus complexe, et elle exige du professionnel en charge de la postulation d’appel une parfaite connaissance de la procédure civile, et notamment en procédure civile d’appel.

L’avocat spécialiste en procédure d’appel, notamment celui qui a exercé précédemment les fonctions d’avoué à la Cour avant de devenir avocat a nécessairement la maîtrise de cette procédure d’appel.

En effet, il a traité, durant son activité professionnelle, des milliers de dossiers en appel, ce qui en fait un véritable spécialiste de l’appel.

Il garantit que la procédure sera scrupuleusement respectée, et que le dossier ne sera pas irrémédiablement perdu pour un problème de pure procédure.

Il peut intervenir en appel, en qualité d’avocat postulant, seul ou aux côtés de l’avocat plaidant qui sera alors en charge de la rédaction des conclusions et des plaidoiries.

Il peut proposer également une prestation, incluant notamment la rédaction de toutes conclusions, les plaidoiries sur incident ou déféré et l’exécution de la décision.

3) Pour être spécialiste, il faut traiter régulièrement un certain nombre de dossiers et mener très fréquemment la procédure d’appel.

L’avocat qui, à longueur d’année, mène des procès d’appel est un avocat spécialiste du procès d’appel.

Ses compétences sont éprouvées par une pratique régulière de la matière.

Il permet de bénéficier d’un concours efficace malgré le coût induit par cette intervention.

Cette intervention est parfaitement acceptée et comprise par le client lorsqu’il lui aura été expliqué en amont les spécificités de cette procédure pleine de chausse-trappes.

Il représente le client devant la Cour.

En revanche, l’avocat qui, très épisodiquement au cours de l’année, représentera une partie devant la Cour, ne le sera pas.

L’avocat qui, à longueur d’année, mène une activité de conseil et d’assistance en droit est un avocat spécialiste du fond.

Il accompagne et guide son client qui n’est pas suffisamment armé dans les méandres du droit civil, du droit commercial et du droit social.

Il mène une activité de conseil en droit.

Et quand un litige est né, il est à ses côtés également lors d’une médiation, d’un arbitrage et de tout mode alternatif de règlement des litiges...

Il l’assiste enfin dans le cadre d’une transaction, négociation ou accord.

Mais aussi bien sûr pour engager une action en justice ou l’assister dans sa défense pour plaider sur les moyens de droit à l’appui des demandes formées, devant la Cour.

4) Le double regard de deux spécialistes devant le Tribunal et devant la Cour, apparaît bien utile.

A la suite de la jurisprudence portant à la fois sur l’autorité de la chose jugée et sur la nécessité de concentrer l’ensemble des moyens, voir même les demandes nées d’une même cause dans une même instance, le double regard de deux spécialistes devant le Tribunal et devant la Cour, apparaît bien utile.

L’Avocat, spécialiste en procédure d’appel, représente la partie, accomplit sous sa responsabilité tous les actes de procédure et travaille de concert avec l’avocat plaidant.

Il est le copilote du procès, un spécialiste de la procédure et un généraliste du droit.

Sa proximité quotidienne du juge fait de lui un acteur précieux au sein du pouvoir judiciaire.

Il y a dans cette situation, la nécessité de regarder les choses dans leur globalité et il est donc impératif de la confier à des avocats spécialistes en procédure d’appel.

Benoit Henry, bhenry chez recamier-avocats.com
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel
Barreau de Paris
http://www.reseau-recamier.fr/
bhenry chez recamier-avocats.com
Président du Réseau Récamier
Membre de Gemme-Médiation
https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

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Discussion en cours :

  • par Pascale HEBACKER, Avocat et Médiateur , Le 24 septembre 2019 à 18:37

    Là reposent les vertus de la médiation : en responsabilisant les parties, la médiation permet d’éviter l’aléa d’un procès.
    Par aléa, il faut comprendre ses 2 composantes qui se conjuguent : l’aléa judiciaire et l’aléa procédural.
    Rappelons que la médiation peut être proposée à tout moment, même en appel. C’est le rôle de l’avocat d’identifier quel est le bon moment pour son client. Le contexte qui a fait dégénérer le conflit en contentieux peut avoir évolué. Un changement de direction par exemple, avec une nouvelle direction moins belliqueuse et plus portée sur les modes amiables.
    L’avocat doit intégrer la médiation ou d’autres MARD dans la stratégie qu’il élabore.

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