Un brigadier-chef de la police nationale a formé plusieurs demandes afin d’être autorisé à cumuler son activité principale avec des activités accessoires d’enseignement musical (au sein notamment du conservatoire de Nanterre).
Par un jugement du 12 juin 2017 devenu définitif, le Tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions de 2013, 2014 et 2015 du Ministre de l’intérieur refusant cette autorisation. L’agent a ensuite sollicité l’indemnisation des préjudices qu’il estimait avoir subis du fait de l’illégalité de ces décisions.
Par un arrêt du 29 mars 2022, la Cour administrative d’appel de Versailles a notamment porté le montant de la condamnation mise à la charge de l’Etat à la somme de 24 763,84 euros et rejeté le surplus des conclusions indemnitaires. La Cour a notamment limité le droit à indemnisation pour la seule période scolaire 2014-2015, au motif qu’une autorisation de cumul d’activités ne pourrait être demandée et délivrée que pour une durée limitée.
Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public ont l’obligation de consacrer l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Ils peuvent toutefois être autorisés à exercer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, à titre accessoire, une activité, lucrative ou non, auprès d’une personne ou d’un organisme public ou privé, dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui leur sont confiées et n’affecte pas leur exercice. L’activité doit toujours être accessoire à l’activité principale, elle ne doit pas porter atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service et elle ne peut être exercée qu’en dehors des heures de service.
Jusqu’au 1er février 2017, les règles relatives au cumul d’activités des fonctionnaires et des agents non titulaires de droit public étaient régies par le décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 [1]. Les articles 2 et 3 de ce décret énuméraient la liste des activités accessoires susceptibles d’être autorisées. L’article 4 faisait référence au régime d’autorisation du cumul d’activité. L’article 5 précisait quant à lui le contenu de la demande écrite devant être adressée à l’autorité dont relève l’agent, comprenant notamment les informations relatives à la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de cette activité. Ces dispositions sont aujourd’hui reprises presque à l’identique aux articles 10 à 15 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique.
Pour le Conseil d’Etat, les dispositions du décret du 2 mai 2007 ne faisaient pas obstacle à ce qu’une demande d’autorisation de cumul d’activités soit formée sans en préciser le terme. Le Conseil d’Etat précise également que si l’autorité appelée à statuer sur une telle demande peut fixer un terme, elle n’y est toutefois pas tenue. La demande de cumul d’activité peut donc être présentée et autorisée pour une durée indéterminée.
Le Conseil d’Etat prend toutefois immédiatement soin de rappeler certaines règles qui permettent d’encadrer l’exercice, pour une durée indéterminée, d’une ou plusieurs activités accessoires. L’autorité dont relève l’agent a d’abord la possibilité de s’opposer à tout moment, dans l’intérêt du service, à la poursuite de l’activité dont l’exercice a été autorisé. En outre, dès lors qu’un changement substantiel interviendrait dans les conditions d’exercice ou de rémunération de l’activité exercée à titre accessoire, l’agent a l’obligation de solliciter une nouvelle autorisation.
La Cour administrative d’appel de Versailles a donc commis une erreur de droit en jugeant qu’une autorisation de cumul d’activités ne peut être demandée et délivrée que pour une durée limitée, pour en déduire que l’agent concerné ne pouvait prétendre à l’indemnisation du préjudice financier se rapportant à une période postérieure à l’année scolaire 2014-2015.
Statuant au fond, le Conseil d’Etat a toutefois considéré que le requérant ne rapportait pas la preuve de la réalité du préjudice financier invoqué et il a donc rejeté ses conclusions indemnitaires présentées au titre des années postérieures à l’année scolaire 2014-2015.
En résumé :
- l’agent peut former une demande de cumul d’activités indéterminée ;
- l’autorité appelée à statuer sur cette telle demande peut fixer un terme, mais elle n’y est pas tenue ;
- l’autorité dont relève l’agent a la possibilité de s’opposer à tout moment, dans l’intérêt du service, à la poursuite de l’activité dont l’exercice a été autorisé ;
- en cas de changement substantiel intervenant dans les conditions d’exercice ou de rémunération de l’activité exercée à titre accessoire, l’agent a l’obligation de solliciter une nouvelle autorisation.
Même si les dispositions du décret du 2 mai 2007 relatives au cumul d’activités accessoires ont été abrogées par l’article 41 du décret du 27 janvier 2017 [2], lui-même abrogé par l’article 28 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 dont les dispositions sont aujourd’hui en vigueur, la solution dégagée dans cet arrêt devrait selon toute vraisemblance également trouver à s’appliquer aux demandes de cumul d’activités présentées sur le fondement de ces textes, leur rédaction étant quasiment identique.
À noter enfin que depuis le 1er février 2017 et l’entrée en vigueur du décret du 27 janvier 2017 ayant abrogé le décret du 2 mai 2007, la demande d’autorisation est désormais réputée rejetée en l’absence de décision expresse écrite notifiée à l’agent dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande.
L’article 13 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020, applicable depuis le 1er février 2020, maintient le principe de la décision implicite de rejet en l’absence de décision écrite notifiée à l’agent. Il faut donc obligatoirement une autorisation expresse avant de pouvoir exercer une ou plusieurs activités accessoires à son activité principale.
Discussions en cours :
Un agent salarié d’un organisme de sécurité sociale (régi par un contrat de travail de droit privé) a t-il le droit d’exercer une activité accessoire inscrite au décret 2020-69 ?
Notre employeur (qui est une CPAM) nous oppose une interdiction fondée sur l’article L 123-2 -2 du code de la Sécurité Sociale.
Bonjour
Dans de nombreuses collectivités territoriales, des agents fonctionnaires a temps complet, cumulent leur emploi principal avec l’activité d’agent recenseur, l’employeur étant la collectivité territoriale pour le compte de l’INSEE.
Est ce nécessaire que l’agent sollicite une autorisation de cumul d’emploi ?
le travail d’agent recenseur se déroulant généralement en dehors des heures de service, de 17h a 21 h et le samedi.
Il s’agit d’un contrat a façon, puisque l’agent recenseur est rémunéré au questionnaire rempli.
Toutefois pour un agent a 35 h qui travaillerait le soir , il a une activité accessoire d’environ 20h, ce qui représente tout de même un total de 55h par semaine, ce qui dépasse le volume horaire maximum.
L’activité d’agent recenseur s’étale de début décembre a fin janvier sur 6 semaines environ.
Il s’agit d’une mission de service public.
Nous sommes ici dans le droit administratif avec ses règles spécifiques. Mais je m’étonne qu’une activité accessoire d’enseignement musical ne soit pas autorisée de plein droit. Dans le droit commun social des salariés de droit privé (ce qui n’est certes pas le cas ici), tout ce qui touche à l’enseignement, l’éducation, la culture, les arts, l’animation, le spectacle est autorisé de plein droit en cumul d’activités salariées (ou sous autre statut professionnel).