La formalisation de la rencontre des volontés par l’agent immobilier.

Par Pascal Bellanger, Avocat.

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Explorer : # vente immobilière # agent immobilier # compromis de vente # offre d'achat

Conséquence de la négociation en matière de transaction immobilière, l’agent immobilier va intervenir au niveau de la formalisation de l’accord intervenu, il devra retenir l’option la plus adaptée à la situation et interviendra dans la finalisation de l’accord.

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Après la présentation du bien au cours des visites, la première mission de l’agent immobilier lorsqu’un éventuel acquéreur est intéressé par le bien présenté, est de parvenir à la rencontre des volontés.

Comme toute vente, une vente immobilière nécessite un accord sur la chose et sur le prix.

La chose constituée du bien à commercialiser, a été présentée, des informations données par l’agent immobilier et des pièces éventuellement communiquées notamment au regard des charges, des servitudes, des impositions, de l’environnement du bien (PLU, PPRI, diagnostics, etc.) et pour la vente de lots de copropriétés, les informations obligatoires imposées par la loi ALUR.

L’appréhension par le prospect des qualités substantielles du bien vendu ressort du devoir d’information et de l’obligation de conseil de l’agent immobilier qui devra être particulièrement diligent au regard de cet aspect essentiel pour lequel il engage sa responsabilité tant à l’égard du vendeur que de l’acquéreur.

Sur le prix, élément essentiel de la vente, il y aura lieu à négociation laquelle sera menée sous l’égide de l’agent immobilier.

C’est dans ce cadre que seront élaborés l’offre d’achat (II), la promesse de vente (III), puis le compromis (IV) après avoir éventuellement réglé le sort d’un éventuel pacte de préférence (I).

I – Le Pacte de préférence.

C’est un contrat par lequel le vendeur s’engage auprès d’un bénéficiaire, pour le cas où il se déciderait à vendre son bien immobilier, à en offrir prioritairement la vente avant de le céder à un tiers.

La vente reste hypothétique puisque le promettant n’est pas obligé de vendre et peut parfaitement décider de ne jamais céder l’immeuble concerné.

C’est assez proche d’une préemption mais moins contraignant qu’une promesse unilatérale de vente qui nécessite un consentement à la vente, lequel n’est pas nécessaire en matière de pacte de préférence.

Le promettant conserve toute liberté et le bénéficiaire n’a aucune assurance que le bien qui l’intéresse, sera un jour mis en vente dans le délai du pacte puisque si la durée d’un pacte de préférence n’est pas jugée obligatoire par la Cour de cassation, la prescription trentenaire peut être évoquée.

C’est la raison pour laquelle si un agent immobilier participe à la rédaction d’un pacte de préférence, il sera prudent de le limiter dans la durée, pour éviter cet écueil.

Le pacte de préférence peut-être consenti à titre gratuit ou onéreux avec une contrepartie financière même s’il n’y a pas d’immobilisation du bien.

Le prix de vente de l’immeuble n’a pas à être fixé dès l’origine et la régularisation du pacte ainsi que l’a jugé à plusieurs reprises, la Cour de Cassation depuis une décision de la troisième Chambre Civile du 1er février 1984 (bulletin III, numéro 26)

Pour que le pacte de préférence soit exécuté, il faudra que le promettant se décide à céder l’immeuble objet du pacte pour un prix de la transaction.

Celle-ci sera envisagée une fois la priorité donnée au bénéficiaire par le pacte de préférence purgée soit par une cession au bénéficiaire soit une cession à un tiers.

Naturellement, les conditions de la vente doivent être identiques entre celles proposées à un tiers et celles qui ont été annoncées au bénéficiaire du pacte.

S’il décide de vendre, le promettant devra notifier son offre de vente au bénéficiaire du pacte en lui communiquant :
- le prix de vente ;
- la désignation de l’immeuble ;
- les modalités de paiement ;
- les servitudes grevant l’immeuble ;
- le délai de levée d’option.

Si aucun accord n’a lieu dans un premier temps sur le prix, et si le promettant met l’immeuble en vente par l’entremise d’un agent immobilier, si une négociation intervenait sur un prix inférieur à celui offert préalablement, une nouvelle notification au bénéficiaire du pacte semble une précaution minimale.

En effet, lorsque le promettant viole le pacte de préférence et conclut la vente avec un tiers, il engage sa responsabilité contractuelle.

A priori, la sanction sera l’attribution de dommages intérêts, sans que le bénéficiaire du pacte ne puisse solliciter l’annulation de la vente, sauf dans l’hypothèse où le tiers acquéreur serait de mauvaise foi.

En effet, il a été jugé par un arrêt important de la Cour de Cassation en Chambre mixte, le 26 mai 2006 (bulletin n°240) que le bénéficiaire du pacte de préférence pouvait obtenir sa substitution à l’acquéreur dans l’hypothèse d’une collusion entre vendeur et acquéreur.

Il sera donc dans l’intérêt du bénéficiaire d’un pacte de préférence de requérir la publicité foncière, du pacte même si celle-ci n’est pas considérée comme obligatoire par la Cour de Cassation (troisième chambre civile, 16 mars 1994).

Il sera prudent, pour l’agent immobilier, intervenant éventuellement dans la transaction de préconiser la rédaction d’un acte authentique avec publicité facultative afin d’assurer au bénéficiaire la sécurité juridique qu’offre cette publicité, laquelle aura de plus, l’avantage de présumer la mauvaise foi d’un éventuel tiers acquéreur.

II - L’offre d’achat.

En pratique, il est proposé à l’acquéreur de formuler une offre d’achat ou offre de prix. Il n’existe aucun formalisme particulier et obligatoire à respecter, mais dans la mesure où elle est finalisée à la demande de l’agent immobilier, même si celui-ci n’a aucun lien contractuel avec l’acquéreur, il convient de veiller à ce qu’elle comporte des éléments et informations suffisantes.

Naturellement, elle doit comporter le prix (la mention en lettres et en chiffres est préférable), la désignation du bien, les conditions suspensives en matière de financement et point capital, la durée de validité de l’offre.

Cette offre remise à l’agent immobilier devra être communiquée au vendeur, aussi un envoi par lettre recommandée ou une remise contre décharge pourront seuls justifier de cette transmission.

À défaut, si le vendeur cédait son bien pour une offre inférieure à celle qui a été formulée par le prospect de l’agent immobilier, un contentieux pourrait s’engager afin d’indemnisation du préjudice que constitue pour le professionnel la perte de chance de ses honoraires, motif pour lequel il doit se ménager une preuve de la transmission de l’offre.

III- La promesse de vente.

Il s’agit d’une formule peu utilisée par laquelle, un vendeur s’engage auprès du candidat acquéreur à lui vendre son bien pour un prix déterminé et lui laisse un délai pour décider s’il entend acheter l’immeuble à commercialiser.

Depuis l’ordonnance du 10 février 2016 sur la réforme du droit des obligations et des contrats, la promesse unilatérale a été définie à l’article 1124 du Code Civil.

« La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorda l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. »

Il s’agit d’un droit d’option offert à l’acquéreur qui n’a plus qu’à lever l’option dans le délai.
La contrepartie de cet engagement pour le vendeur est le versement d’une indemnité d’immobilisation dont bénéficiera le promettant si le bénéficiaire renonce à acheter ou qui s’imputera sur le prix de vente dans le cas contraire.

Elle est généralement en pratique de 10 %.

Comme le compromis, cet acte peut être assorti d’une condition suspensive d’obtention d’un prêt ou d’un permis de construire.

La particularité de ce type d’actes est liée à son formalisme puisque la promesse de vente doit être rédigée soit par acte authentique, soit par un acte sous seing privé enregistré dans les 10 jours de sa date, la jurisprudence ayant considéré que les 10 jours commençaient à courir à compter de l’acceptation de la promesse par le bénéficiaire.

Pour que la transaction intervienne, il suffira que l’acquéreur lève l’option sans qu’aucune condition de forme, ni modalité particulière ne soit requise.

Il a été jugé pour cette question de forme, par la Cour de Cassation (troisième Chambre Civile, 19 décembre 2012, pourvoi 8–14. 225) que l’information orale du notaire de l’acquéreur auprès des vendeurs, avant l’échéance prévue, valait levée d’option.

Le contentieux en la matière est lié aux conditions de la levée d’option et notamment un éventuel conflit entre les conditions suspensives et la rétractation du promettant.

Dans l’éventualité d’une rétractation du promettant, la sanction pourra être soit l’allocation de dommages intérêts, soit la réalisation forcée de la vente, au choix du bénéficiaire.

L’autre sanction du défaut de réalisation de la vente est l’affectation de l’indemnité d’immobilisation.

En effet, l’indemnité d’immobilisation prévue à la promesse unilatérale de vente restera acquise au promettant en cas de défaut de réalisation de la vente.

Or, l’acte étant généralement assorti de conditions suspensives, cette indemnité d’immobilisation sera restituée au bénéficiaire si les conditions suspensives, notamment celle d’obtention de prêts, ne sont pas réalisés.

Les risques de contentieux étant particulièrement importants, la sécurité juridique étant aléatoire, ce mode de contractualisation est relativement limité en pratique.

En effet, lorsque la vente a lieu entre deux personnes physiques d’un terrain construire d’un immeuble d’habitation, ce sera le compromis de vente qui sera utilisé. La promesse unilatérale de vente est souvent envisagée dans le cadre d’une opération immobilière d’ampleur telle qu’une promotion immobilière ou dans le cadre d’un investissement locatif.

Lorsque pour construire un ensemble immobilier, un promoteur doit faire l’acquisition de différentes parcelles et obtenir des autorisations administratives, il proposera la régularisation d’une promesse de vente en offrant une indemnité d’immobilisation (généralement, par caution bancaire) plutôt que de s’engager dans la voie d’un compromis plus exigeant.

4 – Le compromis de vente ou promesse synallagmatique de vente.

C’est l’acte le plus répandu et essentiel à toute transaction immobilière puisse qu’il consacre la rencontre des volontés et consacre la vente.

C’est un acte synallagmatique ce qui signifie un accord de volonté par lequel deux personnes s’engagent réciproquement et définitivement dans les termes d’un contrat.

Il interviendra lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix, sans qu’il consacre immédiatement le transfert de propriété.

Il est consacré par l’article 1589 du Code Civil selon lequel « la promesse de vente vaut vente, lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. »

Il est régularisé soit sous-seing privé éventuellement avec l’intervention de l’agent immobilier soit sous forme authentique par devant notaire. Naturellement, un écrit est obligatoire.

Il peut s’analyser comme une vente dont les effets sont retardés jusqu’à la régularisation d’un acte authentique notarié, lequel vaudra transfert effectif de propriété.

Il a un caractère irrévocable et tout manquement à l’exécution de cet acte aura des conséquences pour la partie défaillante, soit par l’allocation de dommages intérêts, soit par une procédure de vente forcée, si c’est l’acquéreur qui est défaillant sans motif juridique valable.

Au plan de sa rédaction, qu’il doit comporter une description suffisante pouvant déterminer la chose et le prix du bien cédé.

Les éléments y figurant seront les suivants :
- l’identité des parties, État civil pour les personnes physiques et identification commerciale pour les personnes morales dont il sera vérifié par l’agent immobilier, la qualité du représentant et son pouvoir d’engager la personne morale.
- La description de l’immeuble cédé, son origine.
- Les charges et conditions de la vente en particulier relatives aux servitudes, à la situation hypothécaire de l’immeuble cédé, à l’existence de caractéristiques techniques de l’immeuble tel que des travaux récents ou au regard des règles d’urbanisme (PPR III, préemption, etc…).
- Le prix de vente, avec une éventuelle précision quant aux meubles pouvant être également cédés conjointement avec l’immeuble (description et valeur).
- le dépôt de garantie ou indemnité d’immobilisation,
- les conditions suspensives (autorisation administrative, conditions d’obtention d’un prêt immobilier, urbanisme, …) ;
- Les précisions quant à l’intervention d’un agent immobilier ou d’un notaire et sa rémunération.
• La durée de validité du compromis, ses conditions de réitération, la disponibilité du bien et le calendrier de l’opération et les sanctions en cas d’échec (clause pénale).
• Les diagnostics.
• Dans l’éventualité où le bien cédé est régi par le régime de la copropriété, il sera remis la copie du règlement de copropriété et les délibérations des assemblées générales des trois derniers exercices.

Après régularisation, cet acte doit être notifié par LRAR à l’acquéreur, sachant que si ce sont des époux qui font l’acquisition d’un bien, pour faire courir valablement le délai de rétractation, il faut notifier l’acte à chacun des deux époux.

Le délai de rétractation initialement de sept jours a été porté à 10 jours par la loi Macron de 2016. Il s’agit d’un délai légal, d’ordre public auquel on ne peut pas déroger. Toute clause contraire serait nulle.

Le délai commence à courir le lendemain de la signature de l’acte et sa remise en main propre si le compromis a été rédigé par notaire ou de première présentation de la lettre recommandée avec accusé de réception, si le compromis résulte d’un acte sous seing privé.

Dans le cas particulier où le dernier jour tomberait un jour férié ou un dimanche, le délai est reporté au premier jour ouvrable suivant, sachant que les dimanches et jours fériés tombant dans les jours intermédiaires sont sans influence sur l’expiration du délai.

À l’égard du vendeur il n’y a aucune notification à effectuer postérieurement à la signature du compromis, dans la mesure où il ne peut pas se rétracter et ne bénéficie d’aucune protection, contrairement à l’acquéreur.

Pour se rétracter, l’acquéreur a simplement à adresser au vendeur ou à ses mandataires, rédacteur ou agent immobilier, une lettre recommandée avec accusé de réception mentionnant simplement qu’il n’entend pas réaliser la vente, et ce sans aucune obligation de motivation.

En cas de rétractation, le dépôt de garantie sera restitué.

Sans rétractation de la part de l’acheteur, le compromis reprend toute sa valeur juridique et le calendrier prévu pour la signature de l’acte authentique peut se poursuivre.

Cet acte étant établi par le Notaire, l’agent immobilier transfère le dossier à celui-ci, sa mission d’entremise étant aboutie.

Pascal Bellanger
Avocat au Barreau de Nîmes

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