Celle-ci contribue à l’objectif global de protection des consommateurs. Mais la réforme réglementaire de la formation continue d’IOBSP, depuis l’été 2022 la rend, simplement, inapplicable.
La conscience professionnelle des intermédiaires bancaires, aidés d’organismes de formation spécialisés, compense cette réglementation gribouille. Parmi les conséquences : le contrôle de cette obligation légale mal précisée n’est guère possible.
I - L’obligation de formation continue annuelle de l’intermédiaire bancaire est dépourvue de durée précise.
« Bonjour Madame la vendeuse ; je voudrais des pommes, s’il-vous-plait » ; « Bonjour Monsieur, certainement ; combien ? » ; « Une quantité suffisante » ; « Certes, mais combien ? » (…).
1.1. L’obligation d’entretien annuel des compétences et des connaissances de l’IOBSP : un principe de protection des consommateurs.
Depuis 2013, l’exercice de l’intermédiation en opérations de banque suppose de l’intermédiaire en opérations de banque qu’il réunisse, en permanence, six conditions d’accès et d’exercice de sa profession réglementée [1]. Parmi celles-ci, l’intermédiaire bancaire, tel qu’un courtier en crédit par exemple, se plie à une obligation dite « de compétence professionnelle » [2]. Cette compétence professionnelle de l’IOBSP comporte un volet initial, avant l’entrée en fonction de la personne [3], entretenue par un parcours de formation continue annuelle [4].
Selon le Code monétaire et financier, les intermédiaires bancaires « […] mettent à jour leurs connaissances et compétences professionnelles, […] prenant notamment en compte les changements de la législation ou de la réglementation applicable » [5] « en matière juridique, économique et financière » [6] grâce à cette formation continue annuelle.
Pour sa part, le Code de la consommation rappelle ce principe, mais seulement pour les crédits immobiliers
« […] les intermédiaires de crédit veillent à ce que le personnel placé sous leur autorité possède et maintienne à jour des connaissances et compétences appropriées concernant l’élaboration, la proposition et l’octroi des contrats de crédit immobilier, la fourniture de service de conseil indépendant en crédit immobilier ainsi que, le cas échéant, l’activité d’intermédiation » [7].
Les autres crédits relevant du Code de la consommation ne bénéficient pas d’un principe légal de formation continue de l’intermédiaire [8], hors le principe général posé par le Code monétaire et financier.
Si le principe légal de formation continue par année civile posé à la fois par le Code monétaire et financier et par celui de la consommation (pour les crédits immobiliers) est très clair, en revanche, ses modalités d’application pâtissent d’une réglementation spécialement défectueuse, qui en ruine largement l’application pratique. En premier lieu, la durée exacte d’une obligation de formation continue annuelle est une donnée essentielle, mais inconnue pour celle de l’IOBSP.
1.2. L’obligation de formation continue annuelle d’IOB se trouve dépourvue de durée précise.
« Tout ce qui n’est que suffisant ne suffit jamais » Marivaux, « Le paysan parvenu », 1736.
La durée est la première des modalités de formation continue. Lorsque l’obligation de formation continue de l’IOBSP s’est imposée, en 2017, avec l’introduction de la législation européenne sur le crédit immobilier, la durée de formation continue s’est fixée à sept (7) heures par année civile [9]. Mais cette disposition réglementaire a disparu : l’article D313-10-4 du Code de la consommation est abrogé depuis le 1er juillet 2016.
Aucune disposition du Code de la consommation ne vise la formation continue des intermédiaires. L’article L314-24 de ce Code est limité au crédit immobilier et ne précise aucune durée. Il n’est associé à aucune précision réglementaire exploitable : l’article D314-23 du Code de la consommation concerne les intermédiaires, mais pas la formation continue ; les articles D314-25 et D314-26 du Code de la consommation concernent la formation continue, mais des seuls prêteurs ; l’article D314-29 traite la formation continue, mais sans préciser les personnes concernées. Ces dispositions remontent majoritairement à 2016. En 2022, les modalités de formation continue d’IOBSP sont remaniées, de manière tout aussi pitoyable. Le Décret n° 2022-894 du 15 juin 2022 ne mentionne aucune durée de formation continue. Le programme de formation des IOBSP [10] n’indique aucune durée de formation continue.
Depuis le 18 juin 2022, c’est donc l’article R519-11-3 du Code monétaire qui fixe les durées de formation continue des intermédiaires : sans volumes horaires, seulement avec la formulation aérienne de « durée suffisante ». Ce qualificatif ne possède aucune définition juridique. La réglementation bancaire n’indique donc aucune valeur horaire à l’obligation de formation continue annuelle de l’IOBSP, ni aucun moyen juridique de justifier de ce caractère suffisant. Le débiteur de la norme est privé de toute information utile, alors qu’il doit rendre compte de la bonne délivrance de celle-ci. Voici avec quelle ambiguïté notre droit bancaire conçoit la protection des consommateurs.
Parfois, le droit semble confondre la subtilité juridique avec l’emploi de formulations creuses. L’usage, fréquent, de tournures négatives illustre cette pratique. L’emploi abondant des termes « manifestement insuffisant » y compris en jurisprudence, en donne une illustration. « Suffisant » pourrait être un progrès, mais : insuffisant. Le droit bancaire ne fait pas exception, qui offre d’abondants exemples de cette coquetterie intellectuelle : ici, avec la notion fumeuse de « durée suffisante ».
Comme si la compréhension de la norme par le plus grand nombre de ses débiteurs signait une faiblesse.
En l’absence de réglementation claire, du 1er juillet 2016 au 18 juin 2022, la durée de sept heures s’est installée dans la pratique. Il s’infère pourtant directement de la réglementation remaniée en 2022 que la durée de formation continue annuelle de l’IOBSP, qui n’est pas fixée autrement que par un vague adjectif, n’est pas de sept heures. En conséquence, cette durée est libre. Mais les autres défauts structurels de la réglementation empêchent d’en fixer efficacement le niveau horaire, de même que les modalités pratiques.
II - Ses critères inapplicables rendent impossible le contrôle de la formation continue des IOBSP.
Au-delà de sa formulation juridique [11] la conformité juridique consiste basiquement, pour un professionnel bancaire en l’occurrence, à placer en adéquation ses actes avec les normes juridiques prévues pour son activité. L’atteinte de cet objectif suppose la réunion de trois facteurs, dont, de toute évidence, la connaissance parfaite de l’obligation à remplir. S’agissant de la formation continue annuelle des intermédiaires bancaires, non seulement sa durée est inconnue, mais la réglementation ne permet ni de la déterminer, ni d’en déduire efficacement les modalités pratiques de mise en oeuvre.
2.1. L’incompréhensible typologie réglementaire des « activités » d’intermédiation bancaire.
Simple dans son principe, la compétence professionnelle de l’IOBSP est dépourvue d’obligation horaire claire. De plus, elle connaît des modalités pratiques bancales.
Cette compétence professionnelle est également déterminée selon « la nature de l’activité exercée par ces personnes » [12]. Ce principe réglementaire fait dépendre la durée de la formation continue directement des activités pratiquées par l’intermédiaire bancaire. Or il n’existe aucune définition juridique des « activités » de l’intermédiaire bancaire, terme absent de la définition de l’intermédiation en opérations de banque [13].
La principale approche de « l’activité » est celle déclarée par l’IOBSP au Registre national unique des intermédiaires, tenu par l’ORIAS [14]. L’IOBSP est tenu de la déclarer selon une nomenclature rigide [15]. Mais la typologie réglementaire proposée est maladroite, laissant croire qu’elle repose sur « les opérations de banque » et décrivant imparfaitement les activités de l’IOBSP. En réalité, les rubriques proposées ne reprennent pas la définition des trois opérations de banque : quatre rubriques pour le crédit (seulement aux consommateurs, rien pour les crédits aux professionnels ou d’autres crédits que les quatre prévus) ; une rubrique pour les paiements ; et une, mal nommée « Autres activités » dont l’analyse montre en fait qu’il s’agit d’une rubrique correspondant à l’activité d’épargne bancaire [16]. Cette typologie réglementaire couvre une partie des activités effectives des intermédiaires bancaires, comme le crédit immobilier, le crédit à la consommation ou le regroupement de crédits. Elle est, par exemple, totalement inadaptée aux IOBSP pratiquant le crédit aux clients professionnels, dont l’intermédiation connaît un tonique développement. Il s’ensuit que la formation continue des IOBSP en crédits aux professionnels dépend réglementairement d’une activité qui n’existe pas réglementairement.
De plus, cette typologie réglementaire d’activités n’est aucunement mise en correspondance avec des contenus de formation [17]. Or, un même contenu de formation peut parfaitement couvrir plusieurs activités, que ce soit pour des notions générales (l’intermédiation, la lutte contre le blanchiment, le devoir de conseil du courtier en crédit) ou même pour celles touchant à des produits (un contenu relatif au crédit immobilier peut concerner également le regroupement de crédits, qui recouvre le crédit immobilier).
La notion réglementaire « d’activités » d’intermédiation bancaire ne permet donc en aucune manière de déterminer, par exemple, des durées de formation continue annuelle, ni de fixer des modalités pratiques de formation continue annuelle. C’est une difficulté pour les IOBSP. C’est également une difficulté pour ceux qui contrôlent leurs obligations.
2.2. L’impossible contrôle de Conformité de l’obligation de formation continue annuelle de l’IOBSP.
De cette réglementation confuse découlent trois certitudes : depuis 2022 (i) les durées de formation continue annuelle sont variables d’un IOB à un autre ; elles dépendent des produits commercialisés par l’intermédiaire bancaire [18] ; depuis 2017 (ii) la durée de sept heures par année civile s’est imposée, comme une pratique ; et (iii) la formation continue donne lieu à la délivrance d’une attestation et d’un livret [19]. Ce magma réglementaire ruine donc la possibilité, pour l’intermédiaire bancaire, de déterminer autrement que par une approche pragmatique, la durée de formation continue annuelle qui s’impose à lui.
Mais, second effet : il détruit également toute possibilité de contrôle externe sérieux de cette norme, pourtant importante.
En premier lieu, ces cumuls d’imprécisions et de maladresses empêchent tout contrôle efficace de la condition d’exercice de formation continue annuelle de l’intermédiaire bancaire par les tribunaux civils, en cas de contentieux avec un client.
Certes, il est toujours possible de constater la simple présence, ou l’absence, d’une formation continue annuelle d’IOBSP. Mais le contrôle complet et approfondi de la Conformité juridique d’une formation continue échappe totalement, de la sorte, aux analyses du Juge civil. Une formation continue annuelle de dix minutes pourrait suffire à satisfaire « l’exigence » réglementaire.
De même, les contrôles administratifs des IOB, ceux réalisés par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, ou par la DG CCRF, se heurtent également sur ce point précis aux difficultés exposées. L’ACPR n’a apporté aucun éclairage à ce sujet pourtant substantiel, en particulier depuis la réforme de 2022 [20].
Enfin, depuis le 1er janvier 2023 (voir l’article Réforme du courtage d’assurance et de crédit : survoltage en basse tension. Par Laurent Denis, Juriste. ), une partie des IOBSP (les courtiers, leurs mandataires, leurs salariés) sont contrôlés [21] par des ssociations professionnelles agréées [22]. Mais les attributions de vérification de compétence professionnelle d’IOBSP par l’association professionnelle agréée sont limitées au crédit immobilier [23]. De plus, cette formation continue en immobilier est assortie d’une exigence de contrôle que la formation elle-même ne prévoit pas : elle doit être « Adaptée […] à la nature des produits distribués, aux modes de distribution auxquels les IOB ont recours et aux fonctions exercées » [24]. La vérification de l’association est donc limitée au crédit immobilier. Et elle porte donc sur des critères étrangers à l’obligation de formation continue.
Ces associations agréées, actuellement au nombre de six [25], sont tenues de vérifier les justificatifs de leurs membres, « au moins tous les cinq ans » [26]. Trois d’entre elles rendent publics leurs « guides de la compétence professionnelle » [27]. Ceci est à saluer, compte tenu de la nécessité de partage d’informations ; elles pourraient utilement faire de même avec leurs rapports annuels. Leurs vérifications ont activement débuté ; compte tenu de l’imprécise réglementation applicable, elles mettent les associations dans l’embarras pour le critère de formation continue annuelle. Elles ne permettront pas de faire significativement progresser la formation continue des IOBSP. C’est l’un des effets regrettables de cette « réforme » législative ratée.
La question de la formation continue annuelle des intermédiaires bancaires, lumineuse dans son principe général, offre un triste exemple de naufrage réglementaire. Bien évidemment, le principe de réalité, signe de la grande conscience professionnelle des intermédiaires bancaires, supplante le gruau réglementaire dans lequel surnage cette importante obligation.
Depuis 2017, les courtiers-IOBSP, leurs Mandataires-IOBSP et leurs Salariés veillent scrupuleusement à entretenir leurs connaissances professionnelles, dans un contexte de marché bien rude en crédit immobilier aux ménages et d’abondantes carences dans la protection des droits des emprunteurs, de la part des banques. Des organismes de formation professionnelle d’intermédiaires bancaires, experts dans ce domaine, proposant des parcours et des contenus réfléchis, suivent attentivement ceux-ci et contribuent ainsi à leur sécurité juridique.
À défaut de réglementation qualitative de leur formation continue, les intermédiaires bancaires appliquent avec philosophie la maxime d’Aristote : « c’est la marque d’un esprit cultivé que de ne pas exiger plus de certitude que la matière n’en est susceptible ».