Alors que le nombre de joueurs de jeux vidéo n’a jamais été aussi élevé en France (39 millions en 2023 !) et que le modèle économique, en particulier pour les jeux en ligne, a considérablement évolué au cours des dix dernières années, pour tendre vers un coût qui n’est plus limité au seul achat de la licence et/ou de son support physique, mais inclut désormais tous les achats internes (in-game), nécessaires ou accessoires, qui peuvent représenter un montant substantiel, les éditeurs [1], bien souvent étrangers, se croient tout-puissants et multiplient les abus.
D’expérience, les plus fréquents sont les suivants :
- le bannissement injustifié, sans préavis, sans avertissement préalable, sans preuve et sans contestation réelle possible, entraînant une impossibilité d’accès au jeu ;
- le bannissement fantôme (ou shadowban), qui est une dégradation ponctuelle (quelques jours ou semaines), mais répétée et considérable, de l’expérience de jeu, notamment, mais pas seulement, par l’augmentation significative des délais d’accès aux parties en ligne.
Au-delà de la perte économique que représente une telle sanction et de l’injustice ressentie lorsqu’on la sait injustifiée, elle coupe bien souvent les joueurs d’une communauté qu’ils apprécient, d’un lien social qui bien que numérique n’en demeure pas moins réel ou simplement d’un espace où l’on se retrouve habituellement entre amis pour passer un moment agréable et se détendre.
Bien sûr, les éditeurs ont une légitimité évidente à sanctionner des joueurs, notamment en cas de triche, pour maintenir une expérience agréable pour tous les autres.
Seulement, ils sont incapables d’admettre que, bien trop souvent, leurs outils automatiques de détection prennent dans leurs filets un nombre éhonté de faux positifs.
Or, malheureusement, les recours non juridictionnels sont limités, pour ne pas dire inexistants, et, dans l’immense majorité des cas, des plus décevants.
Pourtant, en France (et en Europe au demeurant), les joueurs, comme tant d’autres consommateurs du numérique, ont des droits, qu’ils ne doivent pas hésiter à faire valoir pour faire cesser ces comportements et obtenir la levée des sanctions injustifiées ou exiger le parfait fonctionnement de ce qu’ils paient/ont payé, le cas échéant avec leurs données à caractère personnel.
I. Les jeux vidéo sont des services et contenus numériques soumis au droit de la consommation.
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 transposant, notamment, la directive (UE) 2019/770 du 20 mai 2019, le Code de la consommation a accordé des droits spécifiques aux contenus et services numériques, ainsi définis à son article liminaire :
« 6° Contenu numérique : des données produites et fournies sous forme numérique ;
7° Service numérique : un service permettant au consommateur de créer, de traiter ou de stocker des données sous forme numérique ou d’y accéder, ou un service permettant le partage ou toute autre interaction avec des données sous forme numérique qui sont téléversées ou créées par le consommateur ou d’autres utilisateurs de ce service ; »
À cet égard, selon le considérant 19 de la directive, qui doit guider les juges dans l’interprétation de ces définitions :
« Afin de s’adapter aux progrès technologiques rapides et de préserver le caractère évolutif du concept de contenu numérique ou de service numérique, la présente directive devrait couvrir, entre autres, les programmes informatiques, les applications, les fichiers vidéo, les fichiers audio, les fichiers musicaux, les jeux numériques, les livres électroniques ou les autres publications électroniques, de même que les services numériques qui permettent la création, le traitement ou le stockage de données sous forme numérique, ainsi que l’accès à celles-ci, y compris les logiciels à la demande, tels le partage vidéo et audio et les autres formes d’hébergement de fichiers, les traitements de texte ou les jeux proposés dans l’environnement informatique en nuage et les médias sociaux. Comme il existe de nombreux moyens de fournir des contenus numériques ou des services numériques, comme la transmission sur un support matériel, le téléchargement par les consommateurs sur leurs appareils, la retransmission en ligne (web streaming), l’autorisation d’accès à des capacités de stockage de contenu numérique ou l’accès à l’utilisation des médias sociaux, la présente directive devrait s’appliquer indépendamment du support utilisé pour transmettre ou pour rendre disponible le contenu numérique ou le service numérique. Toutefois, la présente directive ne devrait pas s’appliquer aux services d’accès à l’internet. »
Aussi, les jeux vidéo, comme d’innombrables autres prestations, sont des contenus et/ou services numériques au sens du Code de la consommation.
II. Les droits spécifiques des joueurs, consommateurs du numérique.
Pour les contrats portant sur des services ou contenus numériques conclus à compter du 1ᵉʳ janvier 2022, l’éditeur de jeux vidéo a une obligation d’information précontractuelle sur les éléments les plus importants, notamment quant aux conditions de fourniture et d’interruption du jeu et de ses contenus.
Par ailleurs, même pour les contrats antérieurs à cette date, la fourniture de contenus numériques et de services numériques est soumise, depuis lors, à l’instar des biens matériels, à une garantie légale de conformité, régie par les articles L. 224-25-12 à L. 224-25-26.
Grâce à celle-ci, en substance, les joueurs ont le droit, tout au long de la durée du contrat, d’avoir un jeu propre à l’usage habituellement attendu, sans interruption, conforme aux qualités qu’ils peuvent légitimement attendre en termes de fonctionnalité, d’accessibilité, de continuité et d’assistance à la clientèle.
Si tel n’est pas le cas, comme dans le cadre d’un bannissement injustifié, un joueur peut, par mise en demeure, enjoindre à l’éditeur de mettre le jeu en conformité, ce qui ne peut lui être refusé, sauf impossibilité ou coûts disproportionnés.
À défaut pour l’éditeur d’y faire droit, le joueur pourra obtenir, en justice, cette mise en conformité sous astreinte, sans préjudice d’une éventuelle indemnisation (sous réserve de démontrer l’existence d’un préjudice) et prise en charge, au moins partielle, de ses frais d’avocat.
Il peut également obtenir une réduction du prix ou la résolution du contrat.
Entre parenthèses, il faut noter que, dès lors que les éléments de conformité prévus par le code sont relatifs, entre autres, à la disponibilité du service et à ses caractéristiques essentielles, ainsi qu’au traitement des réclamations des joueurs, des manquements à la garantie légale susmentionnée sont susceptibles de constituer les infractions pénales de tromperies/pratiques commerciales trompeuses dans l’exécution du contrat.
En outre, au-delà de l’aspect pénal, il est également important d’indiquer que, selon l’article L. 242-18-1 du Code de la consommation, dans le cadre d’une action civile tendant à la mise en conformité sous astreinte, un joueur peut solliciter, ce qui lui confère un pouvoir de négociation important pour éviter la voie judiciaire, la condamnation de l’éditeur à une amende civile (au profit de l’Etat donc) pouvant aller jusqu’à 300 000€ (voir jusqu’à 10% du chiffre d’affaires, en fonction des « avantages tirés des pratiques en cause ») s’il a fait de mauvaise foi obstacle à ses droits.
De même, la violation des droits du consommateur de numérique peut être sanctionnée par une amende administrative à l’initiative de la DDPP, qui peut donc être informée par un joueur.
En tout état de cause, selon l’article L. 224-25-16 :
« La charge de la preuve quant à la question de savoir si le contenu numérique ou le service numérique était conforme au cours de la période contractuelle de fourniture, incombe au professionnel dans le cas d’un défaut de conformité apparaissant au cours de cette période. »
Ainsi, ce n’est pas au joueur d’apporter la preuve de la non-conformité du jeu et de ses contenus, mais à l’éditeur de prouver la conformité, ce qui est un avantage juridique très important.
Ce faisant, s’il veut faire valoir l’existence d’une tricherie justifiant l’interruption du service, ou même une autre sanction ayant un impact sur la disponibilité ou la fonctionnalité du jeu, l’éditeur devra en apporter la preuve incontestable et l’avoir prévue dans le contrat (puisque les conditions de fourniture et d’interruption doivent y figurer).
D’ailleurs, il faut rappeler les clauses ayant pour objet ou pour effet de « reconnaître au professionnel la faculté de résilier le contrat sans préavis d’une durée raisonnable » ou « le droit de déterminer si la chose livrée ou les services fournis sont conformes ou non aux stipulations du contrat » sont abusives.
Or, à ce titre :
- l’imprécision sur :
- les règles à respecter par le joueur ;
- les sanctions envisageables ;
- l’étendue de ces sanctions ;
- leur durée ;
- les conditions de leur éventuelle levée et ;
- l’absence :
- d’une communication des motifs de la sanction prise ;
- de possibilité pour le joueur de formuler une opposition ou de se justifier ;
- de préavis avant sa mise en œuvre (notamment pour le bannissement) ;
ont déjà été jugés (s’agissant de réseaux sociaux, mais à l’évidence transposable aux jeux vidéo) comme étant des éléments de nature à rendre abusive une clause autorisant le bannissement [2] (ce qui est, là aussi, probablement transposable à une sanction d’effet équivalent ou de bannissement ponctuel).
Or, si une clause est jugée abusive, elle est intégralement considérée comme non écrite, de sorte que la possibilité même de justifier une sanction, à l’encontre d’un joueur en contestant une, pourrait disparaître de ce fait.
Enfin, il est observé que, aux termes de l’article L. 221-15 :
« Le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci. »
Ainsi, une plateforme, distincte de celle de l’éditeur, d’accès à des jeux (comme le service Steam par exemple) pourrait se trouver solidairement responsable d’une impossibilité d’accès à un jeu spécifique ensuite d’un bannissement injustifié.
Évidemment, il faudra que la jurisprudence confirme ces interprétations et, pour ce faire, que les joueurs se saisissent de leurs droits et contestent les sanctions des éditeurs.
En toute hypothèse, le droit est incontestablement du côté des joueurs de bonne foi.
Discussions en cours :
Bonjour, je voudrai savoir comment se passe la procédure pour attaquer un jeu en ligne .
En effet, le jeu Pirate Storm est aujourd hui devenu un repère où la triche, la vente de compte et l utilisation de bug est devenu le jeu .
Le support banni sous dénonciation arbitraitre sans fournir de preuve et les développeur ne travaillent plus le jeu .
Je suis un des derniers joueurs à ne pas utiliser les methodes cité plus haut mais je me sens comme trompé car j ai investi du temps et de l argent en 15 ans de jeu .
Auriez vous une idée de la démarche a suivre pour annoncé une simple fermeture officiel de ce jeu qui est un danger de par sa communauté agressive arnaquant des mineurs qui ne savent pas où il mettent les pieds .
Cordialement
Comme le message précédent je souhaiterai connaitre les démarche à effectuer pour déposé une plainte contre un jeu vidéo abusif ?