L’hybridation, du "sur mesure" pour de nouveaux enjeux en matière de gestion des ressources humaines ?

Par Caroline Diard, Enseignant-chercheur.

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Explorer : # hybridation du travail # équilibre vie professionnelle-vie personnelle # inclusion au travail # bien-être des salariés

L’hybridation pourrait être une réponse "sur mesure" aux enjeux d’équilibre vie professionnelle-vie personnelle des salariés.

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Dans un contexte de pénurie des talents, les services ressources humaines (RH) développent de nombreux nouveaux outils pour attirer et fidéliser.

Parmi ceux-ci, l’hybridation.

L’hybridation correspond à une relation de collaboration s’exerçant par alternance à domicile et en présentiel (espace de co-working ou locaux de l’entreprise).
L’hybridation pourrait devenir une réponse d’adaptation "sur mesure" aux enjeux d’équilibre vie professionnelle-vie personnelle des salariés. L’hybridation permettrait alors d’améliorer le bien-être des salariés en répondant aux aspirations telles que : accompagnement des proches aidants, inclusion des personnes handicapées, parentalité, congé menstruel...
Dès le premier confinement le jour s’est levé sur l’idée de développer l’hybridation. L’hybridation est d’ailleurs déjà un élément fort de la marque employeur et elle est partie intégrante de l’expérience collaborateur [1].

Et si nous rêvions d’un autre monde où l’hybridation serait réalité ? Et si nous échangions des pratiques liées au management en présentiel en pratiques hybrides, agiles, flexibles et adaptables ?

Autant les employeurs sont favorables à la flexibilité du travail (contrats précaires, temps partiel, contrats aidés…), autant ils ont mis du temps à intégrer l’hybridation comme un mode d’organisation pérenne et normal.
La grande majorité des collaborateurs et des managers semblent pourtant avoir trouvé le bon équilibre avec le modèle hybride, selon une récente étude BCG [2].

Et si nous envisagions l’hybridation comme une façon d’organiser l’entreprise rêvée : inclusive, accueillante et bienveillante ?

Bien que le législateur ait depuis longtemps permis une amélioration de la conciliation d’une carrière avec une vie de famille, les mesures sont parfois insuffisantes.

On rappellera ainsi les dispositifs suivants :

- En matière de parentalité

La parentalité désigne l’ensemble des façons d’être et de vivre le fait d’être parent. C’est un processus qui conjugue les différentes dimensions de la fonction parentale, matérielle, psychologique, morale, culturelle, sociale. d’après une Circulaire interministérielle no 2012-63 du 7 février 2012 relative à la coordination des dispositifs de soutien à la parentalité au plan départemental), des mesures existent déjà.

1. Congé enfant malade : Ce congé, non rémunéré est prévu à l’article L 1225-61 du code du travail. De nombreuses conventions collectives prévoient la rémunération du congé.

2. Congé de paternité et d’accueil du jeune enfant : La durée de ce congé est de 25 jours calendaires et comporte 2 périodes distinctes.
1 période obligatoire de 4 jours calendaires prise immédiatement après le congé de naissance et une période de 21 jours calendaires.
La CPAM peut verser des indemnités journalières à ceux qui correspondent aux critères d’attribution.

3. Congé maternité – adoption – congé pathologique : Pendant la durée du congé maternité ou d’adoption, le contrat de travail est suspendu pour une durée variable en fonction de certains éléments (rang de grossesse, grossesse multiple).
A noter que le congé d’adoption peut être réparti entre les 2 parents.
Une indemnité de repos est versée par la Sécurité sociale dans les deux types de congés. La convention collective applicable à l’entreprise peut accorder un complément de salaire avec participation de l’employeur.
La salariée enceinte ainsi que le père de l’enfant sont protégés en matière de licenciement pendant les périodes de suspension du contrat de travail et les 10 semaines qui suivent (idem pour le père).
La loi du 7 juillet 2023 a de plus créé une protection contre le licenciement en faveur de la salariée victime d’une fausse couche.

En cas d’état pathologique résultant de la grossesse le médecin peut prescrire une période supplémentaire de congé, n’excédant pas deux semaines, au cours de la période prénatale.

- En matière de proche aidant.

La problématique des proches aidant n’est pas nouvelle en ce qui concerne les dispositifs légaux : congé de proche aidant, allocation journalière de proche aidant... En revanche, les services RH se sont emparés du sujet dans le cadre de l’équilibre vie personnelle/vie privée de leurs salariés puisque 1 salarié sur 6 est proche aidant [3].

La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement définit la notion de « proche aidant » d’une personne âgée en perte d’autonomie, en l’élargissant à l’entourage (voisin, ami…).
Il s’agit :

  • du conjoint,
  • du partenaire avec qui la personne âgée en perte d’autonomie a conclu un pacte civil de solidarité ou son concubin,
  • d’un parent,
  • d’un allié ou d’une personne résidant avec elle ou entretenant avec elle des liens étroits et stables comme un voisin ou un ami, qui lui apporte son aide pour une partie ou la totalité des actes de la vie quotidienne de manière régulière et fréquente, et à titre non professionnel.

Les conditions de mise en œuvre du congé (durée maximale, nombre de renouvellements, mise en œuvre, etc.) peuvent être fixées par une convention ou un accord de branche ou à défaut par une convention ou un accord collectif d’entreprise. En l’absence de tels dispositifs conventionnels tout salarié peut bénéficier d’un congé de proche aidant pour une durée maximale de 3 mois.
Ce congé n’étant pas rémunéré sauf accord collectif le précisant, il est possible de percevoir une allocation pour compenser en partie cette perte de salaire : l’allocation journalière du proche aidant (AJPA). Elle est versée par la Caisse d’allocations familiales.

- En matière de handicap la loi prévoit depuis 1975 des Mesures incitatives à l’insertion. Celle-ci repose sur un double mécanisme d’incitation à l’embauche : l’octroi d’aides spécifiques et la pénalisation financière des entreprises qui ne participent pas à cet effort de recrutement.
La loi du 11 février 2005 a promu l’intégration professionnelle des personnes handicapées. Le principe de non-discrimination en raison du handicap et l’égal accès à l’ensemble des dispositifs de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle sont réaffirmés.
La loi maintient le quota de 6 % de travailleurs handicapés pour tout établissement dont l’effectif atteint ou dépasse vingt salariés, tout en introduisant des évolutions majeures [4].
Ces mesures existantes pourraient être améliorées non pas par une nouvelle loi (la proposition de loi pour le congé menstruel a été retoquée par le Sénat) mais par des mesures négociées et adaptées au sein de chaque entreprise. Le travail hybride est permis par un contexte réglementaire, culturel et technologique facilitant.

Un tiers des emplois pouvant être effectués à distance.

Dans le cas de ces emplois voici quelques idées pour une meilleure conciliation des temps (temps sociaux, temps familiaux, temps de travail).

- Le congé menstruel hybridé : possibilité pour les salariées de travailler à domicile pendant les périodes de menstruations douloureuses.

- Le congé proche aidant hybridé : possibilité de travailler à domicile selon une organisation négociée avec l’employeur en fonction des besoins du proche à aider.
Cette mesure seraient emblématique car le nombre d’aidants en France est estimé à 11 millions de personnes, soit 1 Français sur 6 ; Leur âge moyen est de 49 ans et 37 % des aidants sont âgés de 50 à 64 ans ; 60 % des aidants sont des femmes (source : site economie.gouv.fr)

- La parentalité hybridée : Il s’agirait pour le salarié de solliciter des périodes de travail à domicile en cas d’enfant malade, de grève des écoles..pour palier les difficultés de garde et particulièrement en région parisienne.

- Adaptation à diverses situations de handicap : Il s’agirait d’adapter des postes de travail à domicile et de faciliter l’accès au travail hybride pour les personnes à mobilité réduite.
A noter : lorsque la demande de recours au télétravail est formulée par un travailleur handicapé mentionné à l’article L. 5212-13 ou un salarié aidant d’un enfant, d’un parent ou d’un proche, l’employeur motive, le cas échéant, sa décision de refus.

- Le congé pathologique hybridé : En Ile de France le congé pathologique prénatal est fréquent pour les salariées ayant des temps longs de transport. La possibilité d’exercer à domicile pourrait limiter le recours à ces congés et limiter la durée d’absence prénatale parfois vécue comme une forme d’isolement.

Tous ces éléments pourront notamment faire l’objet d’un dialogue social renouvelé (NAO sur la QVT). En effet, Les négociations obligatoires sont regroupées en 3 domaines par le Code du travail [5] : parmi ces domaines, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail. Le travail hybride y trouve sa place.

L’arsenal législatif actuel peut être utilement mobilisé mais l’intégration d’une organisation hybride peut faciliter la conciliation vie professionnelle/vie personnelle, au-delà de mesures inscrites dans le code du travail, dans le cadre d’un dialogue social renouvelé.

Aux services RH de croire à ces nouvelles opportunités en faveur de la qualité de vie et du bien-être au travail. Il faudra cependant réfléchir à d’autres mesures pour les postes qui ne sont pas télétravaillables afin de ne pas créer de situation inéquitable ni des frustrations.

Caroline Diard
Professeur Associé au département Management des Ressources Humaines et Droit des Affaires
TBS Education

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Notes de l'article:

[1Diard et al. 2022.

[2Etude BCG à lire ici.

[4Cf Rapport d’information du Sénat n°635 (2011-2012), déposé le 4 juillet 2012 portant sur "Loi Handicap : des avancées réelles, une application encore insuffisante".

[5Articles L2242-1 et L2242-2 du Code du travail.

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