L'inceste : crime contre l'humain. Par Catherine Perelmutter, Avocat.

L’inceste : crime contre l’humain.

Par Catherine Perelmutter, Avocat.

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Explorer : # inceste # prescription # amnésie traumatique # protection des mineurs

Le 6 novembre 2013, la Cour de Cassation statue pour la première fois en France sur « la suspension de la prescription en matière de viol, en raison d’une amnésie de la victime ».
La plus haute instance judiciaire, examinera le cas d’une femme de 41 ans, violée par un cousin par alliance lorsqu’elle avait 5 ans.

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Les faits sont survenus en juillet 1977. Elle n’a pu déposer plainte dans les délais légaux en raison d’une amnésie traumatique consécutive au crime constatée par un expert psychiatre. La Cour d’appel de Poitiers avait confirmé cette prescription en janvier 2013.

Historique
La prescription est la durée au-delà de laquelle une action en justice n’est plus recevable.
Depuis la loi du 10 juillet 1989, la prescription des faits de viol sur mineur par ascendant ou personne ayant autorité est de dix ans à compter de la majorité de la victime, de même pour les faits de viol commis par un tiers depuis la loi du 17 juin 1998.
A partir de la loi du 9 mars 2004, le délai de prescription se rallonge encore puisqu’il est de vingt ans à compter de la majorité de la victime.
La loi du 8 février 2010 notamment qualifie d’incestueux le viol ou l’agression sexuelle lorsqu’ils sont commis au sein de la famille sur la personne d’un mineur par un ascendant, un frère, une sœur ou par toute autre personne, y compris s’il s’agit d’un concubin d’un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait.
L’avantage de cette loi était de faire référence au caractère incestueux de certains viols, puisque l’on ne peut oublier que ce que l’on sait, ce que l’on reconnaît.

Le Conseil Constitutionnel dans une décision du 17 février 2012 censure la loi sur l’inceste au motif que le législateur ne pouvait sans méconnaître le principe de légalité des délits et des peines, s’abstenir de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées, au sens de cette qualification, comme membres de la famille.
Le seul vestige notable de cette loi de courte durée sera un exemple de contrainte : « la contrainte peut être physique ou morale.
La contrainte peut résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime
 ».

Cet exemple de la contrainte permet plus facilement de retenir la culpabilité d’un auteur de viol sur de jeunes enfants, alors qu’un même élément ne peut être à la fois un élément constitutif du viol et une circonstance aggravante de ce même viol.

Prospectives

L’inceste n’est pas un crime contre l’humanité, mais un crime contre l’humain. Et a ce titre, la meilleure solution juridique pour permettre aux victimes d’inceste frappées d’amnésie de pouvoir poursuivre en justice leur agresseur serait de : « déclarer suspendue la prescription pendant le temps de l’amnésie, et la faire courir au moment de la prise de conscience des faits subis par la victime  ».

Cette suspension de la prescription est appliquée pour les infractions financières en raison de la nature particulière de ces infractions qui dans la majorité des cas sont dissimulées.
En effet, en matière d’abus de confiance, le point de départ de la prescription de l’action publique est fixé au jour où il est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique. L’application de cette jurisprudence serait souhaitable pour les mineurs victimes de viol devenus amnésiques à la suite du traumatisme.

En matière de viols sur les mineurs, ce qui interpelle souvent, c’est l’ignorance par les enfants de leurs droits, et la difficulté pour les adultes de les entendre.

Il y aurait lieu de faire circuler l’information de l’interdit de l’inceste, pour que l’enfant commence à s’interroger lui-même dans le secret de son cœur, donc d’effectuer des campagnes d’information à la télévision, sur Internet, des affiches sur les murs, sur les transports en commun…

Enfin, il serait bénéfique, qu’un suivi psychologique des victimes pris en charge par la société puisse être mis en place.
En effet, cela impliquerait une reconnaissance sociale importante pour le rétablissement de la victime, qui n’a pas toujours une image valorisante. Cette légitimation et prise en charge financière permettrait aux victimes se sentant exclues une meilleure intégration à la Société.

Catherine Perelmutter
Avocate spécialisée en Droit des personnes
avocat-perelmutter.com

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