L’inclusion des enfants handicapés en milieu scolaire : une obligation de résultat.

Par Johann Petitfils-Lamuria, Avocat et Elaine Hardiman-Taveau.

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Explorer : # inclusion scolaire # handicap # obligation de résultat # tribunal judiciaire

Commentaire de la décision du TJ Narbonne, 3 février 2022, Imbert & Boize c/ AFDAIM-ADAPEI 11, n° RG 21/01726.
En droit, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation de la citoyenneté des personnes handicapées et la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la république du 8 juillet 2013 ont permis des avancées majeures afin de favoriser la scolarisation des élèves en situation de handicap.

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L’objectif est d’aller vers une école toujours plus inclusive sachant s’adapter aux besoins spécifiques. Les différents dispositifs de scolarisation, les parcours de formation individualisés et les aménagements personnalisés en fonction des besoins des élèves sont autant de mesures participant à l’inclusion scolaire.

Dans l’arrêt commenté, les pratiques d’un IME viennent récemment de faire l’objet d’une sanction.

Le 3 février 2022, le Tribunal judiciaire de Narbonne a rendu un jugement très lourd de conséquences pour le secteur social et médico-social.

En effet, il est précisé par cette décision que l’organisme gestionnaire est responsable contractuellement à l’égard de l’usager et de ses parents, sur ses fonds propres, d’une insuffisance de scolarisation quand bien même le nombre d’instituteurs affectés par l’Éducation nationale à son unité d’enseignement (UE) est insuffisant.

Le TJ estime que « le contrat de séjour est de façon indissociable adossé au projet individualisé d’accompagnement » ; ce projet a donc une valeur obligatoire.

En l’espèce, le contrat de séjour qui a été conclu retiens, entre autres objectifs, l’enseignement et le soutien pour l’acquisition des connaissances ; l’avenant qui a été proposé à la famille fait explicitement référence au maintien des acquis scolaires. Le tribunal considère dès lors que la scolarisation devait contractuellement se poursuivre au-delà de 16 ans.

Dans les faits, un enfant atteint de troubles du spectre autistique (TSA) est admis dans un institut médico-éducatif (IME) à l’âge de 8 ans. Sa scolarisation est assurée à mi-temps (4 demi-journées par semaine), dans l’unité d’enseignement externalisée (UEE) que gère l’établissement dans l’enceinte d’un collège. La notification d’orientation en vigueur prévoit, sans autre précision, une orientation en IME et en pôle de compétences et de prestations externalisées (PCPE) autisme.

En raison du fait que le nombre de places d’élèves handicapés au sein de cette UEE, faute de personnel enseignant suffisant, oblige l’IME à prioriser la scolarisation des enfants de moins de 16 ans en vertu de l’obligation scolaire, à partir de son 16ème anniversaire, le jeune visé par la décision ne bénéficiait plus que de 2 demi-journées de scolarisation.

L’établissement a alors adressé aux parents un avenant de personnalisation du contrat de séjour qui tient compte de cette diminution.

Les parents, tous deux enseignants, ont contacté leur avocat afin de notifier à l’IME leur refus de signer l’avenant.

L’établissement répond qu’il ne peut faire au mieux faute de moyens suffisants.

Une mise en demeure de se conformer au projet personnalisé de scolarisation (PPS) adopté par la Commission des droits de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) et qui prévoit une scolarisation à mi-temps avait alors été transmise à l’IME.

Sollicitée par les parents, la direction académique des services de l’Education nationale (DASEN) leur indiquait par écrit que la scolarisation de leur enfant doit obligatoirement être assuré conformément aux prévisions du PPS.

Les parents se sont alors pourvu en justice et ont saisi la juridiction compétente afin de contester judiciairement la position de l’IME.

Pour rappel, un IME est un institut médico éducatifs qui accueillent les enfants et adolescents atteints de handicap mental, ou présentant une déficience intellectuelle liée à des troubles de la personnalité, de la communication ou des troubles moteurs ou sensoriels.

La situation des personnes présentant un syndrome asperger en France mérite toute l’attention nécessaire la veille de prochaines élections présidentielle où le sort de ces dernières et de leurs familles pourraient évoluer.

Cette décision du Tribunal judiciaire de Narbonne vient de trancher à l’encontre de l’un des IME en précisant que ces établissements ont une obligation non pas de moyen mais bien de résultat concernant la scolarisation des enfants asperger de plus de 16 ans.

Ensuite, la décision vient préciser que l’organisme gestionnaire ne peut se justifier par un manque de moyens

Le juge considère que « l’organisation des financements publics correspond à ce souci de doter les missions par l’évaluation précise et préalable des besoins, ce qui se traduit par exemple par la définition de profil de poste justifiant la création ou pas d’équivalent temps plein ».

De ce point de vue, l’insuffisance de moyens dont l’organisme gestionnaire fait état ne traduit rien d’autre que son « manque de prévisibilité gestionnaire ».

Sur ce point, le juge remarque qu’aucun élément budgétaire n’a été produit par l’IME pour démontrer qu’il a bien présenté à l’autorité de tarification les demandes de moyens supplémentaires nécessaires.

Cela plaide, comme l’association Asperger Aide France le fait depuis des années pour un maintien de l’inclusion des enfants asperger en milieu scolaire.

Cette inclusion est l’une des clefs de la thérapie par l’assimilation, le mimétisme et, tout simplement le développement des liens sociaux.

C’est ce point que vient de rappeler la juridiction narbonnaise en mettant un avertissement à l’IME concernant son obligation de scolariser, d’accueillie un jeune handicapé ayant passé l’âge de l’obligation scolaire (16 ans).

Cette décision vient retentir dans le monde de l’autisme à l’heure où la place des jeunes handicapés fait débat dans la sphère politique et en vue de prochaines élections.

La problématique repose sur le constat qu’un jeune handicapé se voit souvent exclu d’une vie scolaire dite normale qui lui permettrait de préparer et développer les acquis nécessaires à sa future vie d’adulte.

Or, dans les faits, on constate trop souvent que, soit le jeune est simplement exclu de ce système auquel il a le droit, soit que le peu d’heures de scolarisation autorisées ne sont que trop faibles pour permettre une réelle autonomie et préparation aux projets futurs professionnels et/ou universitaires.

En l’espèce, un jeune s’était vu réduire pour moitié le nombre d’heures de scolarisation et ce, unilatéralement et contre l’avis des parents de celui-ci.

Les parents ont alors assigné l’association décisionnaire.

Cela aura été l’occasion rêvée pour que le juge rappelle dans sa jurisprudence que le droit à la scolarisation est un droit fondamental de chaque citoyen et que l’argument du manque de moyens quant au personnel ou aux moyens financiers n’avaient aucune valeur juridique pour refuser l’accès à l’école pour ce jeune.

Ce droit doit ainsi être appliqué, respecté par les autorités publiques, l’État ainsi que les organismes qui en ont la charge et ce, sans la moindre forme de discrimination.

Cette décision vient ainsi mettre au rang des obligations des IME l’obligation de résultat de scolarisation de chaque enfant, obligation qui n’incombait jusqu’alors qu’à l’État.

La motivation du Tribunal de Narbonne est limpide et concrète : elle repose sur les observations faites qu’un jeune présentant un syndrome asperger ou un handicap nécessite une formation et un suivi plus long pouvant aller au-delà des 16 ans prévus par la loi.

Ce jugement vient ouvrir la boîte de pandore pour l’ensemble des familles visées et concernées par cette situation qui pourront désormais s’en référer dans leurs démarches auprès des IME.

Johann Petitfils-Lamuria
Diplômé de Paris 1 Panthéon-Sorbonne en droit des victimes
Avocat à la Cour
Barreau de Paris
Et Elaine Hardiman Taveau, Président Asperger Aide France

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Discussions en cours :

  • Bonjour, qu’en est il de l’obligation de résultats pour les dispositifs qui accueillent les élèves TSA ?
    Mon fils est depuis trois ans dans un dispositif Ulis Sessad au sein d’un lycée général.
    Ce dispositif permet des accompagnements individualisés.
    Malgré tous les moyens que nous avons offert, le PPS n’est toujours pas mis en œuvre notamment à cause des aesh qui ne respectent pas leurs missions.
    Il y a une convection internet depuis octobre 2022, alors que litre good ne travaille qu’avec des supports numériques. Nous avons assuré un maintien jusqu’en juin 2023, nous assurons un
    Projet mais sans accessibilité aux aménagements il sera sans solution à ses 20 ans.
    Le lycee assure que tout est mis en œuvre car ils n’ont aucune évaluation et aucune obligation de résultat.
    Une avocate nous accompagne mais les coûts sont très importants car nous finançons aussi les professionnels. Le proviseur attend que notre fils sorte. Quid de son projet professionnel ?
    Merci de vos retours

    • par Le PETITFILS LAMURIA , Le 29 mars 2022 à 19:04

      Bonjour,

      Il faut mettre en demeure l’organisme d’assurer effectivement l’aide qui vous a été attribuée.

      Nous rencontrons souvent ce genre de défaillances avec les AVS. Il suffit que l’avocat fasse remonter l’information et enjoigne de réagir dans les plus brefs délais.

      Je reste à votre disposition

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