L’indemnisation des accidents de sport.

Par Avi Bitton, Avocat.

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Explorer : # indemnisation # responsabilité # accident de sport # préjudices

Comment obtenir une indemnisation pour un accident de sport ?
Quels sont les préjudices indemnisables ?
Les accidents sportifs sont-ils assurés ?

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I. Définition de l’accident de sport.

L’accident de sport est un accident survenu au cours de la pratique sportive qu’elle se fasse en club ou dans le cadre d’une pratique spontanée (ski de loisir, équitation en compétition, …).

II. L’indemnisation de la victime d’accident de sport.

Le régime de responsabilité varie selon qu’il existe ou non un tiers responsable de l’accident.

A. Hypothèse dans laquelle il existe un tiers responsable.

1. La voie amiable.

Si un tiers est responsable de l’accident, il faut prendre contact avec son assurance et lui demander de prendre en charge le sinistre.

Si l’assurance accepte le principe d’une prise en charge, une expertise médicale sera en général diligentée afin d’évaluer les préjudices de la victime.

Il y aura ensuite une négociation sur le montant des indemnités.

2. La voie civile.

La victime peut agir devant le tribunal judiciaire afin d’obtenir une indemnisation sur le fondement de la responsabilité civile.

a. Responsabilité d’un sportif

La responsabilité d’un sportif peut être engagée lorsqu’il cause un dommage à un autre sportif que ce soit par sa faute ou par le fait d’un animal ou d’une chose qu’il a sous sa garde.

La théorie de l’acceptation des risques rend cependant plus difficile d’obtenir la réparation des préjudices causés dans le cadre de la pratique sportive. Les magistrats considèrent, en effet, que le sportif, en décidant de s’adonner au sport, doit avoir conscience de prendre un certain nombre de risques et qu’il les accepte. Il ne pourra alors obtenir réparation que s’il a été exposé à un risque anormal (notamment une violation des règles du jeu).

Cette doctrine est toutefois limitée à la responsabilité pour faute et aux phases d’entrainement et de compétition. Elle ne peut s’appliquer que si la victime était en mesure d’avoir conscience des risques.

b. Responsabilité d’une association sportive du fait d’un de ses membres

Les associations sportives sont responsables du fait de leurs membres qu’ils soient sportifs professionnels ou amateurs. Toutefois, la responsabilité des associations sportives ne peut être engagée qu’en cas de faute caractérisée par la violation des règles du jeu.

c. Responsabilité de l’organisateur d’une compétition ou d’une manifestation sportive

L’organisateur d’une compétition sportive est tenu d’une obligation contractuelle de sécurité à l’égard des participants à la manifestation sportive. Cette obligation est une obligation de moyen, ce qui signifie que l’organisateur de manifestation sportive ne s’engage pas à un résultat précis mais uniquement à tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité des participants.

3. La voie pénale.

Un accident sportif peut être la conséquence d’une infraction, par exemple d’un délit de violences involontaires. Il est possible pour la victime d’obtenir réparation devant les juridictions pénales.

Elle a plusieurs moyens à sa disposition :

-  Soit l’action publique a été mise en mouvement, c’est-à-dire que le Ministère Public a décidé de poursuivre l’auteur de l’infraction devant les juridictions compétentes : dans ce cas, la victime peut décider de se constituer partie civile à tout moment jusqu’aux réquisitions du Ministère Public à l’audience.

-  Soit l’action publique n’a pas été mise en mouvement et la victime peut la déclencher au moyen d’une plainte avec constitution de partie civile adressée au doyen des juges d’instruction ou au moyen d’une citation directe qui est un exploit d’huissier par lequel la victime cite l’auteur des faits directement devant la juridiction compétente.

L’infraction de violences involontaires étant un délit, elle est jugée devant le tribunal correctionnel.

Cette juridiction est composée uniquement de juges professionnels.

Durant les débats, la partie civile ou son avocat indiquent au tribunal le montant des dommages et intérêts réclamés.

Si le prévenu est relaxé, il n’y a aucune indemnisation pour la partie civile.

4. La Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions (CIVI).

La CIVI a vocation à indemniser les victimes d’infractions lorsque l’auteur des faits n’est pas identifié ou est insolvable. La CIVI exerce ensuite son recours contre l’auteur de l’infraction afin de récupérer les fonds versés.

-  Si les violences ont été à l’origine d’une incapacité de travail au moins égale à un mois, la saisine de la CIVI n’est soumise à aucune condition de ressources et l’indemnisation n’est pas plafonnée.

-  Si l’agression a entraîné une incapacité totale de travail inférieure à un mois, la CIVI ne pourra être saisie que si la victime remplit des conditions de ressources et l’indemnité allouée sera plafonnée à 4693 euros.

Le délai pour saisir la CIVI est de 3 ans à compter de l’infraction ou d’1 an à compter d’une décision judiciaire rendue par un tribunal pénal et devenue définitive.

La procédure devant la CIVI connaît deux phases :

-  Une phase amiable : Dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la demande, le Fonds de garantie doit formuler une offre d’indemnisation. Si la victime refuse cette offre, elle peut demander une nouvelle offre au président de la CIVI qui est en droit de refuser sans motif.

-  Phase contentieuse : En l’absence de solution amiable, une décision est rendue par la CIVI. Elle est susceptible de recours devant la cour d’appel.

5. L’expertise.

Que ce soit pendant la phase amiable ou devant les juridictions civiles, la CIVI ou les juridictions pénales, une expertise médicale peut être ordonnée afin de déterminer l’ampleur des préjudices de la victime et de pouvoir indemniser intégralement son préjudice.

6. Les préjudices indemnisables.

Le principe est la réparation intégrale des préjudices subis par la victime. Il s’agit d’indemniser tout le préjudice mais rien que le préjudice.

On distingue les préjudices patrimoniaux, qui touchent le patrimoine de la victime, et les préjudices extrapatrimoniaux qui ne concernent pas le patrimoine de la victime.

On distingue aussi les préjudices temporaires, qui ont été subis par la victime avant la consolidation de son état, et les préjudices permanents qui sont les préjudices existants après la consolidation.

La consolidation est le moment où l’état de santé de la victime est stabilisé, n’est plus susceptible d’évoluer.

a) Les préjudices patrimoniaux qui peuvent être indemnisés sont :

• Pour les préjudices patrimoniaux temporaires :

o Les dépenses de santé actuelles : il s’agit des dépenses de santé (hospitalières, pharmaceutiques) qui sont restées à la charge de la victime entre la date de l’accident et celle de la consolidation.

o Les frais divers : ce sont les frais exposés par la victime entre le moment de l’accident et la date de consolidation (par exemple frais d’expertise, frais de transport).

o Les pertes de gains professionnels actuels : il s’agit d’indemniser les pertes de revenus de la victime.

• Pour les préjudices patrimoniaux permanents :

o Les dépenses de santé futures : ce sont des dépenses de santé qui seront exposées par la victime après la consolidation de son état et qui resteront à sa charge.

o Les frais de logement adapté : ce sont les frais d’équipement du logement de la victime (par exemple douche à l’italienne, rampes).

o Les frais de véhicule adapté : il peut s’agir de prendre en charge l’aménagement du véhicule de la victime (par exemple changer une boîte de vitesse manuelle en automatique), de prendre en charge les frais relatifs à l’achat d’un nouveau véhicule ou les frais découlant de la nécessité d’utiliser les transports en commun.

o L’assistance par tierce personne : il s’agit de l’aide humaine apportée par des proches de la victime ou par un prestataire pour l’aider à accomplir les actes de vie courante (notamment toilette, alimentation, habillement, ménage, surveillance).

o La perte de gains professionnels futurs : elle est définie dans la nomenclature Dintilhac (un document de référence en matière de dommage corporel), comme l’indemnisation de « la perte ou de la diminution des revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle la victime est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage. »

o L’incidence professionnelle : ce poste vise à indemniser les conséquences négatives de l’accident sur la carrière professionnelle de la victime (notamment perte de chance de promotion, pénibilité accrue).

o Le préjudice scolaire, universitaire ou de formation : il vise à indemniser le retard dans la formation ou l’interruption de la formation en lien avec l’accident.

b) Les préjudices extrapatrimoniaux sont :

• Pour les préjudices extrapatrimoniaux temporaires

o Le déficit fonctionnel temporaire : il est défini dans la nomenclature Dintilhac comme visant à « indemniser l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu’à sa consolidation ». Il s’agit d’indemniser les « périodes d’hospitalisation mais aussi la perte de qualité de vie et celle des joies usuelles de la vie courante ».

o Les souffrances endurées : il s’agit des souffrances physiques ou psychiques qui ont été ressenties par la victime. Elles sont évaluées sur une échelle de 0 à 7.

o Le préjudice esthétique temporaire : il vise à compenser l’altération temporaire de l’apparence physique de la victime (exemple : nez cassé, dents cassées, claudication). Il est aussi évalué sur une échelle de 0 à 7.

• Pour les préjudices extrapatrimoniaux permanents :

o Le déficit fonctionnel permanent : il vise à indemniser, selon la nomenclature Dintilhac, « non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien après sa consolidation ». Ce poste de préjudice a aussi pour objet de réparer la perte d’autonomie subie par la victime.

o Le préjudice d’agrément : il s’agit de l’impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer certaines activités qu’elle affectionnait et pratiquait régulièrement ou à tout le moins de l’impossibilité de continuer à pratiquer ces activités dans les mêmes conditions (fréquence, intensité).

o Le préjudice esthétique permanent : c’est l’altération définitive de l’apparence de la victime.

o Le préjudice sexuel : il s’agit d’indemniser la perte de libido, de plaisir sexuel, de fertilité ainsi que l’éventuel préjudice morphologique.

o Le préjudice d’établissement : il vise à indemniser l’impossibilité pour la victime d’avoir un projet de vie familiale normale.

B. Hypothèse dans laquelle il n’y aucune possibilité d’engager la responsabilité d’un tiers.

Si la victime est responsable de son propre accident, elle n’a aucune possibilité d’être indemnisée, sauf si elle a souscrit une garantie accident de la vie (GAV).

Le contrat GAV peut couvrir l’assuré uniquement ou couvrir sa famille (son époux, partenaire de PACS ou concubin et ses enfants).

Les garanties ne sont mobilisables qu’en présence d’un taux d’incapacité permanente minimal, prévu au contrat. Il ne peut pas être supérieur à 30% mais le plus souvent le taux prévu par les polices d’assurance est inférieur.

En général, une expertise médicale est nécessaire pour savoir si ce seuil a été atteint et ainsi, si le sinistre peut être pris en charge.

En outre, le montant de l’indemnisation est plafonné. Ce plafond ne peut être inférieur à 1 million d’euros.

Enfin, l’âge d’adhésion limite pour ce type de contrat est fixé à 65 ans.

Il est utile de recourir aux services d’un avocat dans les échanges avec l’assurance. L’avocat sera, en effet, en mesure d’analyser le contrat et de savoir exactement ce à quoi son assuré peut prétendre, ce qui sera un atout dans les négociations avec l’assurance.

L’offre d’indemnisation de la compagnie d’assurance doit intervenir dans les 5 mois après l’accident.

La victime a alors un mois pour refuser ou accepter l’offre. Si l’offre est acceptée, l’assureur doit procéder au paiement dans le délai d’un mois.

C. L’exclusion de certains sports dangereux des contrats d’assurance.

Que ce soit dans les contrats garantie accident de la vie ou dans les contrats couvrant la responsabilité civile, il est fréquent que des sports à risques, tels que la plongée sous-marine, le parachutisme, l’alpinisme, soient exclus.

Il convient donc, en cas de pratique de ces sports, de bien s’assurer qu’ils sont couverts par le contrat d’assurance.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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