Préjudice certain et responsabilité en cas de diagnostic amiante ou parasite erroné.

Par Laurent Lapatie, Avocat.

6082 lectures 1re Parution: 5 commentaires 4.96  /5

Explorer : # responsabilité # diagnostic immobilier # préjudice certain # indemnisation

L’acquéreur d’un bien immobilier peut-il demander la condamnation du diagnostiqueur défaillant au paiement de l’intégralité des travaux pour la réparation des dégâts causés par les insectes en question, bien qu’il ne soit pas à l’origine de leur présence ?

-

Il convient de s’intéresser à deux arrêts qui ont été rendu, le premier par la Chambre mixte de la Cour de cassation, en début d’été 2015, et le deuxième en octobre 2015, qui viennent apporter tout deux une réponse complémentaire à la responsabilité de l’entreprise de diagnostic, dans le cadre d’une vente.

Dans la première affaire, des particuliers avaient acquis un bien immobilier et un état parasitaire avait été annexé à l’acte de vente, réalisé par un professionnel, dans lequel il était mentionné que des traces de termites et d’insectes xylophages étaient sans activité.

Cependant, après l’achat, les acquéreurs en question constatèrent que la maison était infestée de termites et autres insectes à larves xylophages.
Ils ont alors saisi la juridiction compétente et ont demandé en justice la condamnation du diagnostiqueur, qui a fourni un état parasitaire erroné, en sollicitant sa condamnation au paiement du coût total des travaux de réparation des dégâts causés par les insectes.

Dès lors, dans pareille hypothèse, à savoir, l’hypothèse où l’acquéreur d’un bien immobilier en présence d’un acte de vente qui vise un état parasitaire ne révélant pas l’état d’infestation exact de l’immeuble par les termites : l’acquéreur peut-il demander la condamnation du diagnostiqueur défaillant au paiement de l’intégralité des travaux pour la réparation des dégâts causés par les insectes en question, bien qu’il ne soit pas à l’origine de leur présence ?

En l’absence de certitude sur ce qu’aurait été la situation si l’acquéreur avait été correctement informé avant de conclure le contrat, est-il question de savoir si nous sommes plutôt, sur le terrain indemnitaire, sur le terrain de la perte de chance d’avoir acquis ce bien à des conditions tenant compte éventuellement du coût des travaux à engager ?
Ou si l’indemnisation doit s’entendre comme le coût intégral des travaux de reprise en question ?

Il convient de rappeler que dans le cadre d’une vente immobilière, l’acquéreur peut se retourner contre le vendeur au titre du vice caché.
Les critères habituels du vice caché sont multiples et s’entendent tout d’abord d’un défaut pouvant rendre la chose impropre à l’usage auquel on la destine, un vice d’une particulière gravité, un vice occulte, et bien sur, un vice antérieur à la cession litigieuse en question. Ce sont les critères classiques qui déterminent le vice caché.

Afin de limiter et d’anticiper toutes les questions relatives au vice caché, la loi du 13 décembre 2000 est venu imposer à tout vendeur d’immeuble d’informer l’acquéreur de la présence éventuelle de matériaux ou de produits de construction contenant notamment de l’amiante, ainsi que faire procéder à des diagnostics au titre de termites ou d’insectes pouvant être présents sur les lieux.

A cette fin, l’entreprise de diagnostic est tenue, dès le stade de la promesse de vente, de transmettre un constat mentionnant la présence ou l’absence d’éléments contenant amiante, termites… et ce conformément aux dispositions combinées de l’article L 1334-13 du Code de la santé publique et de l’article L 271-4 du Code de la construction et de l’habitation.

Ce document est établi par un professionnel aux compétences certifiées, conformément à l’article L 271-6 du Code de la construction et de l’habitation.
Par voie de conséquence, la société de diagnostic qui n’a pas effectué ses diligences dans les règles de l’art conformément aux dispositions en vigueur et a commis une erreur, engage sa responsabilité, conformément aux dispositions susvisées, ainsi que sur le terrain de l’article 1382 du Code civil.

Faute avérée, la question se pose de savoir sur quelle base l’indemnisation du préjudice a vocation à être effectuée. Cet arrêt de juillet 2015 apporte une réponse bien précise sur la question.

La question se pose alors de déterminer la nature du préjudice causé à l’acquéreur qui se voit opposé le fait que le diagnostiqueur n’est pas à l’origine du vice.
La jurisprudence est venu clairement répondre à cette question, en rappelant que si le diagnostiqueur n’est effectivement pas à l’origine du vice, il n’en demeure pas moins que celui-ci a impacté l’information du bien en question et n’a pas transmis à l’acquéreur des informations relatives à la situation réelle du bien.
Pour autant, le préjudice s’exprime-t-il sur le critère jurisprudentiel de la perte de chances ?

Il convient de rappeler que, pour être réparable, la perte de chance doit découler d’un préjudice direct, personnel et certain. Dans pareil cas, la perte de chance doit s’analyser par rapport à l’obligation précontractuelle d’information qui pèse sur le vendeur et qui pèse par là-même sur l’entreprise de diagnostic qui est en charge d’effectuer les diagnostics obligatoires afin d’éclairer correctement l’acquéreur.

Dès lors, dans l’hypothèse où une obligation précontractuelle d’information n’a pas été convenablement donnée, il est loisible de considérer que le dommage réparable est constitué de la seule perte d’une chance d’éviter que le dommage soit réalisé.
La perte de chance se comprenant alors comme étant la décision qu’aurait prise l’acquéreur si celui-ci avait était parfaitement informé, de telle sorte que ce dernier aurait éventuellement pris une décision qui lui aurait permis d’empêcher la réalisation du dommage subi en raison du défaut de renseignement.

La jurisprudence rappelle alors que, dans pareil cas, l’indemnisation totale des pertes subies du fait de la réalisation des risques dont il n’a pas été informé doit lui être accordée, comme le rappelle notamment une jurisprudence de la Cour de cassation, Première chambre civile du 9 juillet 2009.
Si la responsabilité de l’entreprise de diagnostic semble acquise à partir du moment où celle-ci a manqué à ses obligations, comme le souligne la jurisprudence précédente, la question de la détermination du préjudice de l’acquéreur en présence d’un diagnostic erroné n’avait pas été clairement tranchée.

Ceci s’explique notamment dans la mesure où les premières et deuxième chambres civiles avaient une approche différente de la notion de perte de chances pour caractériser le préjudice subi par l’acquéreur du bien immobilier à qui le diagnostiqueur avait communiqué l’information erronée.
Ainsi s’opposait, d’un côté la perte de chance d’une meilleure négociation du prix d’achat mais qui n’était pas forcément constituée de l’intégralité des travaux de reprise du désordre, et, d’un autre côté, la deuxième chambre considérait quant à elle que, mieux informés, les acquéreurs auraient pu obtenir un avantage équivalent au coût des travaux de réparation.

S’oppose donc, d’une part le coût des réparation en tant que telle, et, d’autre part, le préjudice pouvant découler de la perte d’une meilleure négociation du bien en parfaite connaissance de cause, qui est une notion plus large que le strict coût des travaux.

Lors de ce procès, les époux X avaient sollicités la réparation de leur préjudice et le préjudice correspondait exactement aux travaux relatifs au traitement curatif de lutte contre les termites et insectes à larves xylophages, ainsi que les travaux de remplacement des pièces défectueuses en raison de l’action des termites.
Cependant, une discussion avait été amorcée entre acquéreur lésé et entreprise de diagnostic, qui avait quant à elle contestée l’étendue de l’entier préjudice au motif pris que les plâtreries et embellissements étaient en très mauvais état, et que la remise en état passait également par une rénovation importante qui dépassait le strict champ du remplacement des poutres et planchers infestés avant de faire les plâtreries.

Dans l’arrêt en question, l’entreprise de diagnostic et sa compagnie d’assurances avaient fait grief à l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier de la condamner à payer diverses sommes en réparation de leur préjudice matériel et de jouissance, de telle sorte que l’indemnisation couvrait l’ensemble des travaux de réfection, en ce compris celles qui de prime abord consistaient plus dans de la rénovation que de la reprise du désordre stricto sensu.
L’entreprise de diagnostic et son assureur maintenaient encore que les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne pouvaient s’analyser qu’en une perte de chance,
En effet, ceux-ci considèrent que si les consorts X, acquéreurs, avait connu l’ampleur des dégâts causés par l’infestation des insectes xylophages, ils auraient négocié le prix de vente en tenant compte du coût des travaux de réparation des dégâts.
Or, dans pareil cas, il n’est pas certain que les acquéreurs potentiels auraient pu obtenir du vendeur une diminution du prix au moins équivalente au coût des travaux de réparation.

La Cour de cassation met fin à cette approche propre à la perte de chance,
Elle considère qu’il résulte de : « L’article L 271-4 du Code de la construction et de l’habitation, que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné dans ledit texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art,
Dès lors le diagnostic se révèle erroné, de telle sorte que les investigations insuffisantes de la société d’expertise n’avaient pas permis que les acquéreurs soient informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et a donc retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser des travaux pour y remédier »
.

Ainsi, la Cour de cassation confirme que les préjudices matériels et de jouissance subis par les consorts X du fait du diagnostic erroné, avaient un caractère certain et que l’entreprise de diagnostic (et sa compagnie d’assurance) lui devait sa garantie, et ce sur l’intégralité des travaux effectués.

Dès lors, force est de constater que l’état parasitaire annexé à l’acte de vente garantit l’acquéreur contre le risque de présence de termites et autres insectes xylophages.
Il en serait d’ailleurs de même dans l’hypothèse d’amiante et, par voie de conséquence, dans tous les cas, la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisée conformément aux normes édictées et aux règles de l’art.

Cette jurisprudence est extrêmement satisfaisante car elle permet clairement à l’acquéreur lésé d’être indemnisé de l’intégralité du coût des travaux à engager.
Pourrait cependant se poser encore une question où, en tout cas, une discussion contentieuse sur l’étendue des travaux à engager, ainsi que leur coût.

Le deuxième arrêt d’octobre 2015 confirme ce principe : est édicté que le coût des réparations nécessitées par la présence de termites non signalées par le diagnostiqueur dans l’attestation destinée à informer les acquéreurs sur la présence des parasites constitue un préjudice certain.
Encourt donc la cassation l’arrêt qui retient que le seul préjudice direct subi par les acquéreurs consiste en la perte de chance de ne pas acquérir, outre les frais de diagnostic complémentaire.

Par voie de conséquence, ces jurisprudences sont à la fois bienveillantes pour les acquéreurs lésés et sévères pour les entreprises de diagnostic (et leur compagnie d’assurance), Ainsi, le coût des réparations nécessitées par la présence de termites, ou d’amiante non signalées par le diagnostiqueur constitue un préjudice certain qui doit être intégralement pris en charge.

Laurent Latapie,
Avocat à Fréjus et Saint-Raphaël, Docteur en Droit,
Barreau de Draguignan
www.laurent-latapie-avocat.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

85 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • Bonjour,

    Merci pour votre article fort instructif. Pourriez vous m’indiquer les références de l’arrêt d’octobre 2015 dont vous faites état ?
    Merci d’avance.

    • par Lilou , Le 22 juillet 2016 à 13:18

      Bonjour,

      Finalement, j’ai trouvé les références de l’arrêt cité dans votre article. Je partage donc l’information :

      Civ 3, 15 octobre 2015, pourvoi n°14-18077

      Bonne lecture.

  • Dernière réponse : 12 février 2016 à 21:21
    par FRACHON Benjamin , Le 22 décembre 2015 à 13:19

    Bonjour,
    Je ne suis pas juriste mais opérateur de diagnostics. La lecture de cet article m’interpelle quand au cadre de la mission et aux obligations décrites.

    Dans la stricte application du CCH, en cas de vente, le document à produire n’est pas un état parasitaire (relevant de la norme NF P 03-200) mais un état relatif à la présence de termites (qui lui relève de la norme NF P 03-201). Le cadre, la méthodologie à mener (de même que les compétences nécessaires à la bonne exécution de la mission) ainsi que la restitution du résultat du repérage diffèrent quelque peu.

    De plus cet article semble faire transparaître une exigence des instances qui me parait en désaccord avec nos obligations. En effet, à moins d’identifier clairement une présence d’insectes (ici termites), le rôle et l’obligation de l’opérateur est d’identifier l’absence ou la présence d’indices d’infestation de termites (pour rappel dans la norme les autres incidences de dégradation biologique des bois sont mentionnés à titre d’information et de manière générale. Il n’est ni nécessaire d’en indiquer la nature, le nombre et la localisation).
    Nous savons que l’activité des ces chers insectes ne permet pas toujours d’en identifier la présence et c’est pourquoi il nous est demandé d’identifier les indices d’infestation (sans préjuger de leur activité effective le jour de la visite).
    Pour autant, il semblerait à la lecture de cet article que les tribunaux n’entendent pas les choses de la même manière et qu’une obligation de résultat soit exigée : présence ou absence de termites.

    Pour moi, l’opérateur à bien rempli ses obligations (il n’y a ni erreur, ni faute avérée), il a identifié la présence d’indices d’infestation de termites ainsi que d’autres agents de dégradation biologique des bois (peut être a -t-il voulu aller au delà en précisant sans activité ce qui serait le seul point discutable, bien que le jour de la visite, y avait il une activité détectable ?).
    Au regard de cet article la décision me parait excessive, il ne transparaît pas que le diagnostic soit erroné au regard des exigences de la norme et des règles de l’art.

    • par DBZ , Le 12 février 2016 à 14:18

      Il est normal que vous défendiez votre profession, mais je me permets de vous informer des conséquences désastreuses d’un diagnostic amiante erroné sur ma famille. Maison achetée en mai 2013, en juillet de la même année un ami diagnostiqueur expérimenté nous alerte sur la présence de l’amiante dans le bardage extérieur. Diagnostic de vente était négatif : pas d’amiante, pas de plomb, pas de termite, rien. 340000 euros la baraque. Saisi du TGI, avocat, expert, maître d’oeuvre spécialisé en amiante, tous les frais annexes, prêt personnel pour payer tous ce beau monde car les économies fondues comme la neige au soleil. 2 ans après le début de l’expertise toujours pas de rapport et près de 56000 (cinquante-six mille) euros dehors de notre poche. La certification du diagnostiqueur incompétent reconduite en décembre 2015 pour 5 ans alors qu’il a reconnu, lors de la réunion d’expertise, qu’il "n’avait pas vu les plaques grises d’amiante"... Dans notre cas, on sait que c’est une machination savamment orchestrée par l’agence immobilière, le vendeur et le diagnostiqueur, mais faute de preuve tout sera payé par l’assurance de ce dernier. Il continue à sévir alors que nous continuons à payer. Alors OUI, un diagnostiqueur devrait avoir une obligation de résultat car les conséquences de ses erreurs sont désastreuses et très, très chères. Encore faut-il des juges suffisamment courageux pour l’imposer.

    • par Latapie laurent avocat , Le 12 février 2016 à 21:21

      cher monsieur,
      je viens de vous lire,
      je comprends votre situation,
      je vous propose dans un premier temps une analyse de votre entier dossier sur le terrain juridique,
      cela vous permettra d’être avisé des options qui s’offrent à vous,
      je vous invite à m’adresser votre entier dossier,
      mes honoraires de consultation à ce stade sont de 250,00 €,
      je vous remercie de me les adresser avec votre dossier,
      bien cordialement
      Laurent Latapie Avocat

      194 Rue de la République,
      83600 FREJUS

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27875 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs